Grande fresque sur la Révolution, Chouans ! a le mérite d’opposer tous les partis pour mieux chanter la vie et l’amour. Il s’agit avant tout d’un grand film romanesque, avec une bonne part de naïveté et de mélodrame. Et pourquoi pas, après tout…
Synopsis : L’histoire d’une famille noble et éclairée, celle du comte Savinien de Kerfadec, lors des grandes révoltes chouannes dans les campagnes vendéenne et bretonne. L’histoire de ses enfants, déchirés entre le souffle de l’esprit révolutionnaire et la résistance épique des blancs a la montée de l’opportuniste bourgeoisie.
Critique : Féru d’histoire et de grands spectacles populaires, Philippe de Broca a connu un très beau succès avec Cartouche (1962), et un cuisant échec avec sa fresque Louisiane (1984). A l’approche du bicentenaire de la Révolution française, il souhaite revenir sur cette époque, mais par le biais de l’histoire des Chouans. A priori, cela n’est guère étonnant puisque le cinéaste n’a jamais caché sa sympathie envers les idées royalistes. Pour autant, il travaille avec son scénariste Daniel Boulanger sur une intrigue totalement originale qui permettrait de placer une famille noble au cœur des affrontements de l’année 1793.
© 1988 StudioCanal Image – France 2 Cinéma / Conception graphique © 2007 StudioCanal – Rforce Design. Tous droits réservés.
Si l’on pouvait craindre un certain parti pris de la part du réalisateur, force est d’admettre qu’il a surtout voulu signer une grande œuvre humaniste, emportée par le souffle de la passion. Il chante ici les mérites d’une certaine noblesse éclairée, à travers notamment le personnage fort sympathique incarné avec bonhomie par un Philippe Noiret au meilleur de sa forme. Il constitue de manière assez claire l’alter ego du réalisateur en se plaçant au-dessus des contingences humaines, du côté des rêveurs et des artistes.
Au cœur de cette famille déchirée se niche d’un côté un farouche républicain qui vire au pur fanatisme – excellent Lambert Wilson dans sa période d’acteur exalté – et de l’autre un noble un peu inconséquent, mais qui finira par épouser la cause chouanne, joué avec entrain par Stéphane Freiss. Entre les deux hommes, Sophie Marceau est l’objet majeur de leur opposition. Arborant souvent un bonnet phrygien, la jeune femme incarne donc de manière assez évidente la France républicaine que chaque parti cherche à conquérir. Si l’opposition est un peu trop systématiquement soulignée, elle a le mérite de bien clarifier les enjeux d’une époque troublée, sans avoir recours à des explications scolaires.
Effectivement, l’une des grandes qualités de Chouans ! est d’évoquer cette période sans revenir une fois de plus sur les grands événements devenus des passages obligés des productions patrimoniales françaises. Pas de prise de la Bastille filmée, pas de déclaration des droits de l’homme et aucun grand homme de l’époque n’est convoqué, mais on trouve à la place une intrigue fictionnelle qui s’appuie sur une histoire supposée connue de tous.
Loin de succomber aux sirènes du film didactique, le long-métrage se propose surtout de renvoyer dos à dos tous les fanatismes, qu’ils soient religieux ou républicains. Ainsi, le personnage du républicain sanguinaire incarné par Lambert Wilson est certes associé à la mort – ce qui peut se comprendre au vu de la période évoquée, celle de la Terreur – mais il n’a pas le monopole de l’aveuglement. Jean-Pierre Cassel interprète ici un noble assoiffé de revanche et de sang qui n’hésite pas à envoyer ses hommes à une mort certaine. Même chose pour le religieux fanatique joué par Maxime Leroux.
Difficile dès lors d’accuser le réalisateur de parti pris, tant il se place surtout du côté des amoureux du rire, de la vie et de la légèreté, ce qui est largement relayé par une fin fantaisiste aussi absurde que réjouissante dans le cadre d’un film historique.
Pâtissant d’un montage quelque peu chaotique (en réalité, la version télévisée de 3h25min permet de corriger ces défauts), la version cinéma de Chouans ! est parfois inégale. Tour à tour enthousiasmant et un peu longuet, le film bénéficie d’une réalisation plutôt correcte, même si certaines batailles semblent manquer de moyens. Grosse production, Chouans ! pâtit malgré tout de quelques contraintes financières liées à son extrême ambition. Le résultat reste pourtant de très bonne tenue, porté par des décors et costumes superbes et un beau thème musical composé par Georges Delerue.
Sorti en mars 1988, le long-métrage n’a pas connu de véritable écho sur Paris, mais a compensé en partie cet échec dans la capitale par un coefficient Paris-province conséquent. Avec 1,6 million d’entrées sur toute sa carrière, Chouans ! a déçu les attentes des producteurs, se hissant à la 15ème place annuelle d’une année 1988 en pleine crise du cinéma. Toutefois, ces résultats en demi-teinte ne sont rien par rapport à l’échec que connaîtra Philippe de Broca avec son film suivant, Les 1001 nuits sorti en avril 1990.
Critique du film : Virgile Dumez
© 1988 StudioCanal Image – France 2 Cinéma / Illustration : Jean-Pierre Fizet et Luc Roux pour l’Agence R.S.C.G. Best Seller. Tous droits réservés.