Jackie Chan signe un grand film d’aventures populaire, profus en action et en rebondissements. Assurément l’un de ses meilleurs.
Synopsis : Hong Kong, début du XXe siècle. Les pirates rançonnent les mers. Dragon, jeune garde-côte turbulent, préfère démissionner plutôt que d’obéir aux nouvelles règles qui rattachent son service à la police. Avec son ami Fei, un voleur au grand cœur, Dragon décide de démanteler un réseau de trafic d’armes.
Un budget conséquent
Critique : Quatrième réalisation de Jackie Chan, faisant suite à Dragon Lord (1982), Le marin des mers de Chine peut aujourd’hui être considéré comme l’aboutissement artistique du réalisateur-acteur. Effectivement, grâce à son succès grandissant, la Golden Harvest de Raymond Chow investit de plus en plus d’argent dans la production des œuvres du petit dragon. Cela se voit notamment avec ce long-métrage qui bénéficie de décors imposants, de costumes superbes et d’une réalisation bien plus travaillée, supposant des conditions de tournage plus favorables qu’à l’accoutumée.
Comédie, film d’aventures et d’action : un spectacle total
Pour la première fois également, Jackie Chan ose se détacher du simple film de kung-fu pour livrer une œuvre complète qui embrasserait de nombreux genres. Ainsi, Le marin des mers de Chine est tout à la fois une vraie comédie burlesque, mais aussi un film d’aventures et d’action, le tout agrémenté de séquences martiales dynamiques.
Jackie Chan profite de cette opulence pour rendre hommage à ses pairs à travers des séquences pétries de références cinématographiques. On songe bien entendu aux grands classiques burlesques du cinéma muet. La citation la plus évidente est celle de Monte là-dessus ! (Newmeyer et Taylor, 1923) où le génial Harold Lloyd était suspendu au-dessus du vide aux aiguilles d’une grande horloge. On songe aussi aux grandes heures du cinéma hollywoodien des années 30-40 où l’on suivait les aventures de pirates sur les mers du monde entier.
Des passages époustouflants tempérés par un humour pesant
Grâce à une réalisation bien plus travaillée que sur ses précédents opus, apparemment aidé par Sammo Hung selon de nombreuses sources, Jackie Chan propose donc un spectacle complet atteignant parfois des sommets. Ainsi, la course à vélo en plein cœur de la vieille ville est anthologique. Par contre, le revers de la médaille de ce type de film est de proposer un comique quelque peu démodé et aux ressorts usés. Ainsi, le cinéaste ne se prive pas de séquences « tarte à la crème » qui ne font plus vraiment rire de nos jours.
On peut également rester de marbre devant l’interprétation grimaçante de l’ensemble du casting, mais le spectateur doit prendre en compte les goûts du public asiatique pour ne pas juger trop sévèrement ce point. La kung-fu comédie n’a jamais fait dans la finesse et force est d’admettre que le spectacle proposé par Jackie Chan se démarque grandement du tout-venant.
Un acteur toujours aussi véloce
Toujours aussi impressionnant sur le plan physique, l’acteur étonne encore par sa vélocité et l’impact incroyable donné à ses chorégraphies martiales. A chaque fois, le bonhomme déjoue les lois de la gravité, tout en risquant sa vie à chaque cascade. La plus périlleuse est évidemment celle où il est suspendu au-dessus du vide sans aucune protection. Chose qui serait impossible aujourd’hui, et tant mieux d’ailleurs. Le trio formé avec Sammo Hung et Biao Yuen est particulièrement efficace, chacun étant complémentaire par rapport aux autres. Si le film n’est donc pas son film martial le plus impressionnant, il contient énormément de cascades à couper le souffle.
On notera enfin qu’il s’agit ici de la première collaboration entre Jackie Chan et le compositeur Siu-Tin Lai qui habilla la plupart des films du petit dragon durant les années 80. Sa contribution n’est pas nécessairement glorieuse ici puisqu’il livre un thème musical qu’on croirait issu de la saga des Gendarmes avec De Funès. Il est un peu plus inspiré lors des séquences d’action, mais tout ceci conserve un aspect kitsch qui dessert parfois le métrage. Peu importe finalement puisque Le marin des mers de Chine est sans nul doute l’un des meilleurs films de son auteur.
Un succès retentissant en Asie
Il a d’ailleurs connu un grand retentissement à sa sortie en Asie, relançant notamment la production de Hong Kong qui était alors en crise. Pour la France, il a fallu attendre cinq longues années pour que le film soit distribué par Metropolitan FilmExport après les succès rencontrés sur notre territoire par Le retour du chinois (1985) et Police Story (1985), pourtant postérieurs, mais sortis avant le Marin chez nous. Le résultat fut de 200 498 entrées dans l’Hexagone, notamment grâce à la province, plus favorable à ce type de spectacle populaire que Paris.
Car il s’agit bien ici d’un cinéma populaire décomplexé qu’il faut voir comme tel pour pouvoir en apprécier chaque moment.
Critique de Virgile Dumez