Pastiche hitchcockien, La mort aux enchères pâtit d’une erreur de casting et d’une réalisation bien trop académique pour atteindre pleinement son but. On sauvera de l’ensemble la prestation de Meryl Streep.
Synopsis : Psychiatre à Manhattan, Sam Rice jouit d’une grande renommée dans sa profession. Un beau jour, il reçoit la visite d’une jeune femme, Brooke Reynolds, qu’il connait déjà à travers les confessions d’un patient dont le cadavre vient d’être découvert dans sa voiture. Un meurtre. Si Rice se méfie d’abord de cette jeune femme mystérieuse que la police soupçonne d’être le tueur, il se laisse très vite séduire par son apparente vulnérabilité. Une attraction qui pourrait lui être fatale.
Robert Benton aux trousses d’Hitchcock
Critique : A la fin des années 70 et au début des années 80, de nombreux hommages au maître du suspense Alfred Hitchcock débarquent sur les écrans. On peut compter parmi eux les films de Brian De Palma, mais aussi Meurtres en cascade (Demme, 1979), déjà avec Roy Scheider. L’occasion donc pour les scénaristes Robert Benton et David Newman de ressortir du placard un vieux script qui n’avait pas trouvé preneur dans les années 70. Depuis cette époque, Benton est devenu un réalisateur bankable grâce au triomphe qu’il vient de rencontrer avec Kramer contre Kramer (1979). Auréolé d’un énorme succès commercial et de 5 Oscars, le drame sur le divorce permet donc à Robert Benton d’obtenir tout ce qu’il désire.
Le voici donc à la tête d’un budget confortable de 10 M$ (soit 30,7 M$ au cours du dollar de 2022) et d’un casting dont il rêvait déjà pour son film précédent, à savoir Roy Scheider et la talentueuse Meryl Streep. Le brillant directeur de la photographie Nestor Almendros est à nouveau convoqué pour rendre un hommage aux films noirs et aux thrillers psychanalytiques des années 40 tournés par Alfred Hitchcock ou encore Jacques Tourneur. Autant dire que les fées semblent s’être posées sur le berceau de La mort aux enchères (1982).
La mort aux enchères souffre de la présence de Roy Scheider
Pourtant, le résultat n’est clairement pas à la hauteur des attentes des différents intervenants. Dans un entretien, Meryl Streep ira jusqu’à déclarer qu’il s’agît de l’un de ses pires films, jugement sans doute un brin sévère. En fait, on aurait plutôt tendance à trouver qu’elle porte toute seule le poids du long-métrage sur ses épaules. Effectivement, Roy Scheider apparaît nettement comme une erreur de casting. L’acteur est surtout connu pour des rôles physiques où il n’a pas beaucoup de sentiments à exprimer. Or, dans La mort aux enchères, l’intégralité de l’intrigue repose sur le fait qu’il interprète un homme amoureux fou d’une femme qu’il devrait craindre. Autant dire que l’on ne ressent rien de tout cela dans son interprétation très carrée, mais dénuée de la moindre finesse ou ambiguïté.
Désignée dès le départ comme une suspecte idéale, la femme fatale incarnée par Meryl Streep bénéficie du jeu bien plus travaillé de la comédienne, toujours à l’aise dès qu’il s’agit de creuser la psychologie de son personnage. Elle est donc assurément le point fort du long-métrage. On peut également apprécier le retournement de situation final, assez inattendu et finalement assez bien amené.
Des références prestigieuses qui se retournent contre le film
La mort aux enchères se présente donc comme un pastiche des œuvres d’Alfred Hitchcock, avec des références notamment à La mort aux trousses (1959), à Sueurs froides (1958), Pas de printemps pour Marnie (1964) et également à La maison du docteur Edwardes (1945) pour son côté psychanalytique. Mais on peut aussi trouver des références aux œuvres horrifiques de Jacques Tourneur à travers la séquence de rêve entièrement tournée à l’aide d’ombres portées sur les murs. Toutefois, cette cinéphilie assumée se retourne fréquemment contre le film puisque la réalisation de Robert Benton demeure extrêmement classique.
Pourtant très influencé par la Nouvelle Vague française, Benton a rarement fait preuve de beaucoup d’imagination dans la construction de ses plans et La mort aux enchères ne fait pas exception. Le tout est parfois inutilement lent, voire sous anesthésie.
L’échec commercial au tournant aux USA
Le thriller est finalement sorti sur les écrans américains au mois de novembre 1982 et a connu un échec assez cinglant, se révélant incapable de rembourser son budget sur le seul territoire nord-américain. En France, le polar débarque au mois de janvier 1983 lors d’une semaine marquée par la sortie événement de Rocky 3, l’œil du tigre (Stallone) et du Prix du danger (Boisset). Le thriller un peu mou arrive en 6ème position du box-office parisien de la semaine du 26 janvier 1983 avec 46 339 spectateurs.
Dans le genre du polar, Alain Delon impose Le battant dès la semaine suivante, mais La mort aux enchères se maintient à 43 527 flics, malgré une chute du nombre de salles. En 3ème semaine, le thriller trouve encore 34 435 victimes dans un parc de salles similaire. La chute intervient lors de la septaine 4 avec cette fois 18 486 tickets vendus. En 5ème semaine, ils sont encore 12 702 retardataires en salles et le film va s’éteindre progressivement avec un cumul parisien de 167 783 clients.
La mort aux enchères disponible en blu-ray depuis août 2022
Sur la France, le film a davantage de mal à s’imposer avec une petite 15ème place la semaine de sa sortie. Le thriller s’effondre très vite dans le pays et ne glane que 307 805 entrées sur l’ensemble d’une carrière essentiellement centrée sur la région parisienne.
Par la suite, le métrage a été édité à deux reprises en VHS dans les années 80, avant de disparaître de la circulation pendant très longtemps. Ce n’est qu’au mois d’août 2022 qu’une édition DVD et blu-ray est proposée à la vente, pour une œuvre très largement oubliée – et d’ailleurs oubliable.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 janvier 1983
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Robert Benton, Meryl Streep, Jessica Tandy, Roy Scheider, Josef Sommer, Joe Grifasi, Sara Botsford