Pastiche du cinéma de Hitchcock, Meurtres en cascade est un thriller efficace, réalisé avec talent, mais qui pâtit d’un léger manque d’incarnation. Une curiosité à découvrir.
Synopsis : L’agent secret Harry Hannan craque nerveusement et passe quelque temps dans une maison de santé après l’assassinat de sa femme. Il reprend le travail mais, après avoir reçu un avertissement crypté en hébreu, en vient à penser que le gouvernement veut le tuer. Il mène son enquête avec l’aide d’Ellie Fabian, une étudiante en anthropologie qui cache ses propres secrets.
Quand Jonathan Demme pastiche Hitchcock
Critique : Le réalisateur Jonathan Demme a débuté sa carrière au sein de la New World Pictures de Roger Corman au cours des années 70. Une fois le pied à l’étrier, le cinéaste a pris son indépendance. Pour Meurtres en cascade, il travaille pour de jeunes producteurs nommés Michael Taylor et Dan Wigutow qui font leurs premiers pas dans l’industrie cinématographique.
Tout ce beau monde s’empare d’un roman de Murray Teigh Bloom publié en 1977 et intitulé The 13th Man. L’occasion pour Jonathan Demme de rendre hommage à son maître Alfred Hitchcock dont il signe ici un pastiche évident. Ainsi, l’intégralité du long-métrage tient sur un MacGuffin qui n’est autre qu’un message écrit en hébreu envoyé au héros. A côté de ce mystère, le personnage principal est traumatisé par le meurtre de sa femme sous ses yeux lors de la séquence initiale. Cela détermine ensuite la paranoïa galopante qui s’empare de lui. Ainsi, l’ancien agent des services secrets est persuadé que ses anciens employeurs cherchent également à l’exécuter.
Une réalisation ultra-référentielle
Ce faisceau d’indices concordants a pour but de peindre la géographie mentale d’un homme perturbé, à l’instar d’œuvres comme Fenêtre sur cour (1954) ou Sueurs froides (1958). Lorsque la traque commence, les références à La mort aux trousses (1959) pullulent jusqu’au final sur le site des
chutes du Niagara qui évoquent la vertigineuse séquence sur les têtes du mont Rushmore du thriller hitchcockien. Toutefois, le pastiche ne s’arrête pas à cette multiplicité de clins d’œil puisque Jonathan Demme se permet également d’embrasser une esthétique filmique proche du baroque déployé à l’époque par un certain Brian De Palma, lui-même en période hitchcockienne. Ainsi, il n’hésite pas à balayer les décors de sa caméra très mobile, effectue des panoramiques d’une belle fluidité et fait montre d’une vraie virtuosité technique.
Ce brio formel, aidé par la photographie très maîtrisée de Tak Fujimoto, tourne malheureusement un peu à vide. Effectivement, la sous-intrigue où les agents du gouvernement cherchent à éliminer leur agent ne débouche sur rien de bien probant, si ce n’est une impressionnante séquence dans un clocher qui pastiche les meilleurs moments de Sueurs froides (Hitchcock, 1958). On préfère largement les liens ambigus qui se nouent entre Roy Scheider et Janet Margolin. Les auteurs tracent ici les contours d’une intrigue qui prend sa source dans l’histoire personnelle de personnages marqués par une forme d’atavisme par-delà les âges et les générations.
De la virtuosité au service d’une histoire superficielle
Toutefois, au lieu d’approfondir ces thématiques, le cinéaste préfère se livrer à son petit jeu de références multiples, au risque de perdre de vue l’essence même de son histoire. Il doit également composer avec un casting en léger manque de charisme. Ainsi, Roy Scheider fait un héros un peu pâle et Janet Margolin une femme fatale un peu trop lisse malgré un personnage plus ambigu. En réalité, on a surtout l’impression d’un certain déficit d’écriture au niveau des protagonistes, au profit d’une mécanique narrative, certes implacable, mais justement un peu trop fonctionnelle.
Pour emballer le tout, le musicien Miklós Rózsa s’est livré lui aussi à une parodie, mais cette fois des partitions emphatiques que Bernard Herrmann composait pour le maître du suspense. Les béophiles s’amuseront ainsi à traquer les références au fil d’une partition d’une belle efficacité.
Un film méconnu, mais qui gagne à être visionné
Plutôt réussi grâce à une réalisation inspirée, Last Embrace n’a pourtant pas bouleversé le box-office américain lors de sa sortie en mai 1979. En ce qui concerne la France, le site Encyclociné indique une sortie dans le nord de la France en mars 1980 sous le titre La dernière victime. Toutefois, le long-métrage va être davantage connu par sa sortie en VHS sous son titre devenu officiel : Meurtres en cascade. Par la suite, il a également été diffusé à la télévision, avant d’atterrir de nos jours sur les plateformes VOD. L’occasion de se replonger dans le début de carrière d’un réalisateur phare des années 80-90.
Critique de Virgile Dumez