Un chien dans un jeu de quilles est une comédie bretonne qui manque de nerfs et de mordant, à cause d’un script mal fagoté et d’une réalisation terne. Seuls les acteurs sauvent vaguement les meubles.
Synopsis : Joseph Cohen, fermier dans une petite ville bretonne, ne décolère pas depuis qu’il a appris que le propriétaire des terres qu’il exploite, Alexandre, le châtelain local, a décidé de ne pas renouveler son bail. Joseph n’entend pas se laisser chasser ainsi et appelle à la rescousse son frère, Pierre, psychologue de profession et Parisien de mœurs.
Un projet soutenu et financé par Pierre Richard
Critique : Ami de longue date avec le réalisateur Bernard Guillou, Pierre Richard a déjà produit son tout premier long-métrage de cinéma (Une nuit rêvée pour un poisson banal en 1980) à travers sa société Fideline Films. Lorsque le cinéaste lui propose le scénario d’Un chien dans un jeu de quilles (1983), Pierre Richard est immédiatement séduit non seulement par le projet, mais aussi par les dialogues ciselés du script.
Alors qu’il est au sommet de sa popularité en tant que comique depuis le triomphe de La chèvre (Veber, 1981) qui dépasse les 7 millions d’entrées, Pierre Richard peut désormais appuyer n’importe quel projet lui tenant à cœur. Il l’indique de manière claire dans un entretien accordé au magazine Première (n°70, janvier 1983, p 42) :
La moindre des honnêtetés quand on gagne l’argent que je gagne, c’est de ne pas le réinvestir dans des laveries ou des restaurants, mais dans le cinéma… Et puis, c’est vrai aussi que ça me fait vachement plaisir de savoir qu’un film a pu finalement se faire grâce à moi… C’est peut-être égoïste, mais c’est un plaisir que je m’offre.
La Bretagne, ses paysans et ses bars
A cette époque donc, Pierre Richard investit par exemple dans le dernier Alain Resnais (La vie est un roman) et offre à Bernard Guillou tous les moyens possibles pour finaliser en deux mois et demi Un chien dans un jeu de quilles. Il a effectivement été touché par cette histoire de deux demi-frères qui vont lutter contre un propriétaire terrien en Bretagne. Bien évidemment, le cadre breton compte énormément pour l’auteur puisque lui-même est né dans le Finistère et pratique donc un humour typique de la région.
L’équipe de tournage investit ainsi les lieux – et notamment une ferme locale – pendant deux mois, avec à son bord un Jean Carmet déchaîné. Pierre Richard a d’ailleurs toujours précisé que Carmet passait ses soirées dans les bars bretons, ce qui n’entame en rien le sérieux de sa prestation à l’écran.
Des gags peu efficaces noyés dans un script peu passionnant
Malgré un certain naturel et un caractère bon enfant, Un chien dans un jeu de quilles s’avère pourtant une comédie faiblarde par la faute d’un scénario bancal et qui n’a pas suffisamment de péripéties à proposer pour alimenter son heure et demie de projection. On comprend bien ce qui a séduit Pierre Richard dans cette comédie qui n’est pas qu’une machine à gags, mais tente de développer un peu plus les personnages et les situations. Mais manque de chance, l’absence de vraies situations comiques n’est pas compensée par une caractérisation pertinente des différents protagonistes.
Ainsi, l’opposition entre Pierre Richard, homme de la ville, et son demi-frère Jean Carmet, paysan à l’ancienne, n’est qu’esquissée le temps d’une scène caricaturale. Par la suite, la plupart des protagonistes se limitent à des archétypes sans réelle profondeur. Julien Guiomar interprète le propriétaire terrien avec veulerie, Sylvie Joly surjoue les alcooliques (certes agréablement), et enfin Béatrice Camurat n’est considérée que pour son impeccable plastique. Son personnage est insuffisamment développé et la jeune femme semble davantage utilisée pour ses charmes que ses capacités dramatiques. Encore une fois, les différents acteurs ne sont aucunement en cause, mais ils n’ont qu’une partition très limitée à jouer.
Comique franchouillard à tous les étages
En ce qui concerne les rires, ils sont relativement rares car certains passages manquent de rythme et souffrent d’une gestion aléatoire de la dynamique comique. Puisque la réalisation de Bernard Guillou est très fonctionnelle et sans grande personnalité, ce sont donc aux acteurs d’animer le cadre et l’action. Le duo formé par Pierre Richard et Jean Carmet fonctionne assez bien, même si le premier ne sort pas vraiment de sa zone de confort et que le second nous ressert une prestation proche de celle vue dans La soupe aux choux (Girault, 1981).
En voulant s’éloigner des recettes classiques des comédies françaises de l’époque, Un chien dans un jeu de quilles ne parvient pas à échapper au caractère franchouillard attaché à ce type de productions. Certes, le long-métrage ne tombe pas dans la vulgarité, mais il n’arrive pas non plus à proposer un divertissement vraiment amusant.
Une sacrée douche froide après le triomphe de La chèvre
Sorti au mois de janvier 1983, le long-métrage a été une sacrée déception au box-office national avec un total de 969 203 entrées sur l’ensemble de l’Hexagone. Un chiffre à mettre en perspective pour mieux comprendre l’ampleur de la déception. Il s’agissait du plus gros échec personnel de Pierre Richard depuis le milieu des années 70. Pire, le film succédait au triomphe absolu de La chèvre et ses sept millions de spectateurs hilares.
Ainsi, la totalité des entrées du Chien n’arrive même pas au total des tickets parisiens de La chèvre (au-dessus du million). Certes, le film ne boxait pas tout à fait dans la même catégorie, mais cette cruelle déception semble avoir enterré les rêves de cinéma du réalisateur Bernard Guillou dont ce fut la toute dernière expérience dans le domaine du septième art.
Critique de Virgile Dumez