Avec La chair et le sang Paul Verhoeven revisite le Moyen Âge et l’adoube de sa patte sans concession : sexe, violence et paillardises. Culte, cela va sans dire !
Synopsis : Europe de l’Ouest, 1501. Une troupe de mercenaires menée par le charismatique Martin est engagée par le seigneur Arnolfini pour l’aider à reprendre possession de son fief. En échange, il leur permet de faire main basse sur sa ville vingt-quatre heures durant. Mais Arnolfini ne respecte pas sa promesse et chasse la bande, qui jure de se venger. Pendant ce temps, le seigneur fait venir la jeune Agnes qu’il destine à son fils Steven. Le jour de leur rencontre, les mercenaires attaquent le convoi. Restée cachée, Agnes se retrouve aux mains de la terrible bande de Martin…
La chair et le sang, l’œuvre de transition entre l’Europe et Hollywood de Verhoeven
Critique : Premier film en langue anglaise de Paul Verhoeven, La Chair et le sang est un film de transition pour le futur réalisateur de Robocop et Basic Instinct. Et pour cause, habitué aux brûlots subversifs, mâtinés de sexualité crue et dérangeante, et de perversité violente, le cinéaste se tournait vers Hollywood à contre-cœur pour réaliser un projet médiéval qui lui tenait à cœur ! Sans pouvoir trouver l’argent sur le seul territoire européen où ses productions néerlandaises déroutaient les critiques, il parvient à un bon compromis avec Orion Pictures, pouvoir tourner son épopée épique, de “chair et de sang” sur le territoire européen. Sur un script de Gerard Soeteman, fidèle du cinéaste (Turkish délices, Le choix du destin, Spetters, Le quatrième homme) qui avait déjà rédigé le scénario d’une série médiévale avec Rutger Hauer dans les années 60, le cinéaste reconstitue le Moyen Âge avec un réalisme épatant (scènes de bataille impressionnantes, utilisation du décor de pierre, château et forteresse épatante), s’entichant en particulier des moments crus et de provocation : une scène de viol collectif impliquant la peu farouche Jennifer Jason Leigh, des moments de barbarie gratuite, un sentiment général de crasse et de dégénérescence alors que la peste noire s’acharne sur des personnages pourrissant de l’intérieur et de l’extérieur.
La Chair et le sang en édition ultra Collector chez Carlotta (2022) – Visuel exclusif Pete Lloyd
Ce film de boue et de fureur est cadencé par un rythme soutenu, et forcément approprié pour le marché américain où la sortie se fera en catimini. Ce trépignement de l’image est insolite au cœur de la carrière dite néerlandaise de Verhoeven qui a toujours soutenu des projets intimiste.
C’est évidemment dans la religion que l’artiste puise l’essentiel de son inspiration, non pour la célébrer, mais bel et bien pour la repousser dans ses retranchements. Il utilise avec majesté et ironie l’imagerie des icônes, notamment représentées par les peintures de l’époque (Bruegel et Jérôme Bosch), en s’accompagnant de ses fidèles techniciens et amis proches, notamment Rutger Hauer, alors sorti du propret Ladyhawke, la femme de la nuit, son acteur fétiche des années 70.
Un Moyen Âge nihiliste où règne un parfum de misanthropie
Verhoeven excelle dans la réalisation et communique sa jubilation iconoclaste avec un talent incomparable. Trublion du mauvais goût, il filme la chair, sexuelle ou putride, dans ce qu’elle a de moins glorieux, accompagnant les pendus accrochés à leur potence, dans leurs déchéances physiques, et retournant comme une crêpe la vanité des innocents qu’il pervertit avec un plaisir sans équivoque.
Très loin d’être un film hollywoodien dans le ton et ce qu’il montre, La Chair et le sang frôle la misanthropie et témoigne d’une philosophie de l’humanité d’une grande noirceur. Echec aux USA et en Europe, et notamment en France, La Chair et le sang témoigna néanmoins du talent d’un grand auteur qui s’exila par la suite pendant 15 ans aux USA pour tourner des œuvres sensationnelles comme Robocop, Basic Instinct ou Starship troopers.
Cette œuvre au parfum de soufre a su élargir avec le temps sa cour d’aficionados en trouvant maintes éditeurs en VHS, DVD et Blu-ray. Une raison à cela, le génie déterminant de son auteur qui reste puissamment signifiant à travers les époques, avec des regards différents portés sur la richesse thématique en fonction des générations.
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