Susan Tyrrell est la Diane Arbus du cinéma indépendant, une icône de l’underground attirée par les marginaux en qui elle voyait la lumière.
Susan Tyrrell n’aimait pas le beau, le lisse et le système. Toute sa vie, elle s’est attachée à la marginalité, les outsiders, au risque du sordide et de devenir sur ses dernières années asociale. Aussi, elle refusait l’appartenance au groupe, puisant surtout dans une certaine solitude sa force de caractère.
Souffrance et décadence
Cette ancienne amie d’Andy Warhol – elle tourna dans son film Andy Warhol’s Bad (1977), aux côtés de Perry King, avait le délire stellaire, l’outrance déglinguée, le doigt levé face aux conventions, et la sexualité déchaînée.
De Broadway à Hollywood, elle brillait par son intransigeance. Fille d’un agent hollywoodien mort dans l’amertume quant à l’industrie cinématographique, elle trouve dans les années 60 quelques opportunités pour sortir de la pauvreté sur scène et au cinéma, grâce à son père. Par dépit, elle devient comédienne, sans en apprécier le métier. Elle est amenée à jouer aux côtés de Gregory Peck dans Quand siffle la dernière chance, puis s’installe devant la caméra de John Huston dans Fat City qui lui vaut une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice pour un second rôle. Elle souffre de sa relation avec John Huston qui, selon elle, l’a traitée avec dureté, voire cruauté durant le tournage. Après les Oscars, elle fuit Hollywood et s’installe au Maroc pendant deux ans, puis en Espagne.
L’actrice qui n’aimait pas jouer
Au cinéma, elle multiplie les rôles underground. Son plus emblématique, elle l’obtient dans l’OFNI Forbidden Zone (1980), un chef-d’œuvre du mauvais goût, fantastique et musical à la fois, qui ne sortira en France qu’en 1984. Cela sera d’ailleurs l’une des première sorties du jeune éditeur Le Chat qui fume dans les années 2000, qui y verra un potentiel pour son répertoire culte. Le film réalisé par le frère de Danny Elfman, Richard Elfman, demeure l’une de ses plus grandes manifestations d’excentricité. On y retrouve son ancien compagnon, Hervé Villechaize, acteur de petite taille découvert dans le James Bond L’homme au pistolet d’or (1974) et L’île fantastique à la télévision. Un autre être tourmenté par la maladie, dont la souffrance finira par mener au suicide. Forbidden Zone sera le film que l’actrice préfèrera dans sa carrière.
Susan Tyrrell apparaît chez Franklin Schaffner (L’île des adieux, avec George C. Scott), et dans Un autre homme, une autre chance, western franco-américain de Claude Lelouch. On la croise dans Le challenger, avec Matt Dillon… Elle excelle en mère psychotique dans le thriller dingo Without Warning/Butcher, Baker, Nightmare Maker.
En 1981, elle fait partie du casting féminin de Conte de la folie ordinaire de Marco Ferreri d’après Bukowski. Un rôle muet à sa démesure. Elle est aussi une actrice de choix pour Paul Verhoeven dans La chair et le sang avec un rôle forcément décadent.
Susan Tyrrell, diva des freaks
Elle s’amuse dans des B movies comme Angel (1983) et sa suite, Angel II, la vengeance (1985), et forcément accepte d’apparaître chez John Waters dans Cry Baby, où sévit le beau gosse de la fin de décennie, Johnny Depp.
L’acteur n’oubliera pas la flamboyance décadente de la diva des freaks. A la suite d’une thrombocytémie au début des années 2000, Susan Tyrrell se voit amputer au bas des genoux. Un drame qu’elle accueille avec vie. La star de Pirates des Caraïbes propose un dîner de charité pour la sortir de la tourmente de ses frais médicaux.
Voix mythique souvent utilisée sur des films d’animation (Tygra, la glace et le feu, notamment), la tourmentée Susan Tyrrell, qui s’épanouissait dans son art, la peinture, s’éteint à l’âge de 67 ans, sans jamais avoir pu devenir la nouvelle Bette Davis. Elle vivait alors au Texas, loin de Hollywood et de ses liftings sur lesquels elle vomissait. La star qui avait triomphé sur scène en 1992 avec Susan Tyrrell: My Rotten Life, a Bitter Operetta, dévoila certains aspects de sa vie, de façon crue, cynique, avec cette amertume héréditaire.
Une interview passionnante dans The Village Voice, initialement publiée en 1983, est à retrouver ici.