Naufrage artistique et commercial, King Kong II est un pur nanar doté d’un script invraisemblable, d’acteurs peu concernés et d’effets spéciaux au rabais. Un pur désastre qui clôt tristement la carrière du cinéaste John Guillermin.
Synopsis : Maintenu en vie artificiellement par le docteur Amy Franklin, King Kong souffre aujourd’hui d’insuffisance cardiaque. Seule une opération peut le sauver, mais elle nécessiterait plusieurs litres de sang du même type que le sien. Hank Mitchell, un aventurier au grand cœur, découvre miraculeusement une femelle gorille géante dans une jungle de Bornéo. Amy peut alors tenter l’opération de la dernière chance. Tiré d’affaire, King Kong sort du coma, pour tomber éperdument amoureux de la belle qui lui a sauvé la vie.
De Laurentiis tente de sauver son studio de la faillite
Critique : Alors qu’il a investi une somme impressionnante dans la conception de son remake de King Kong (Guillermin, 1976) – à savoir 24 millions de dollars de l’époque, équivalent à plus de 125 millions de billets verts en 2023 – le nabab Dino De Laurentiis a touché un joli pactole grâce à une belle rentabilité mondiale du film qui révéla au passage au grand public la belle Jessica Lange.
Pourtant, lorsqu’approche la moitié de la décennie 80, le studio De Laurentiis Entertainment Group vient de connaître plusieurs déconvenues sévères, dont les plus difficiles à digérer sont les flops successifs aux Etats-Unis de Dune (Lynch, 1984), L’année du dragon (Cimino, 1985), Cat’s Eye (Teague, 1985), Maximum Overdrive (King, 1986), Le sixième sens (Mann, 1986), Blue Velvet (Lynch, 1986) et Tai-Pan (Duke, 1986). Le studio du nabab italien est donc en perdition et doit faire face à des restrictions budgétaires qui vont être fatales à son projet suivant : King Kong II.
King Kong II, un colosse aux pieds d’argile
Après une diffusion télévisée événementielle aux States du remake de 1976, Dino De Laurentiis pense qu’il est possible d’exploiter la nouvelle popularité du singe géant et confie la rédaction d’une suite à Ronald Shusett (scénariste réputé de la saga Alien) et Steven Pressfield dont ce fut le premier scénario. Ils imaginent donc que le grand singe a survécu à la fin du premier volet, mais qu’il a été gardé dans le coma pendant dix ans par un groupe de scientifiques qui ont créé un cœur artificiel pour pouvoir l’opérer et le ranimer. Cette idée stupide et totalement invraisemblable fait de King Kong II un colosse aux pieds d’argile. Effectivement, comment convaincre les spectateurs de la crédibilité d’une telle intrigue ?
Comment arriver à faire croire qu’une université a suffisamment d’argent pour garder en vie un mastodonte tel que King Kong, pour ensuite élaborer un cœur artificiel géant qui doit coûter plusieurs millions de dollars. D’ailleurs, l’épisode de l’opération est un grand moment de cinéma bis tant l’ensemble est filmé sans aucun second degré, alors que tout est ridicule.
Edition collector de King Kong II chez Umbrella Entertainment © Umbrella Entertainment. All Rights Reserved
King Kong vous présente toute sa famille
Lorsque l’on visionne King Kong II, on a l’impression de se retrouver face un scénario écrit par et pour des gamins de douze ans. Ainsi, les personnages sont tous binaires, soit très gentils (scientifiques et zoologistes), soit très méchants (chasseurs et militaires), tandis que l’empathie est totale envers King Kong, sa compagne et, cerise sur le gâteau, pour Baby Kong.
Sans doute conscient des limites du script, les acteurs du précédent volet ont décliné la proposition de Dino De Laurentiis et ce sont finalement Brian Kerwin – acteur de télé – et Linda Hamilton (Terminator) qui se compromettent dans ce nanar improbable. Effectivement, si l’on calcule le budget au taux actuel du dollar, King Kong II a tout de même coûté 100 millions de dollars de moins que son prédécesseur. Autant dire qu’en lieu et place d’une grande créature mécanique, le directeur des effets spéciaux Carlo Rambaldi s’est contenté ici d’acteurs dans des costumes de singes plantés au milieu de décors miniatures particulièrement voyants.
Un budget ridicule et des effets spéciaux à l’avenant
D’ailleurs, Linda Hamilton a révélé par la suite que, durant le tournage, elle n’a pas vu l’ombre d’un singe et qu’elle devait réagir face à un écran bleu. Elle a découvert tardivement le résultat déplorable à l’écran, avec des incrustations grossières, des singes aux masques mal conçus et surtout des maquettes bien trop visibles.
Outre des restrictions budgétaires qui ont pesé lourd sur le tournage, le réalisateur vétéran John Guillermin n’était pas non plus au meilleur de sa forme car il était encore très affecté par la mort de son fils sur le tournage tragique de Sheena, reine de la jungle (1984). De nombreux témoins confirment que le cinéaste pouvait s’absenter des journées entières durant lesquelles les assistants et réalisateurs de seconde équipe ont pris en charge le tournage. D’ailleurs, si l’on excepte un téléfilm réalisé en 1988, John Guillermin n’a plus rien tourné pour le cinéma après ce catastrophique King Kong II. Une fin bien triste pour un cinéaste qui a été capable de réaliser des films commerciaux majeurs comme La tour infernale (1974), King Kong (1976) ou encore Mort sur le Nil (1978) qui ont bercé notre enfance.
Une sortie américaine, sans présentation du bousin à la presse
Est-il vraiment besoin d’insister sur l’extrême nullité de ce King Kong II qui fait pitié à tous les niveaux ? Des acteurs visiblement peu concernés, aux effets spéciaux ratés, en passant par ce script totalement bâclé, on se demande bien ce qu’il reste à sauver d’une telle entreprise.
D’ailleurs, le grand public américain a flairé l’embrouille dès sa sortie. Tout d’abord, le long-métrage n’a pas été présenté à la presse américaine afin de s’assurer une première semaine correcte. Pourtant diffusé à partir du 19 décembre 1976 dans plus de 1 105 cinémas à travers les Etats-Unis et le Canada. Mais le raz-de-marée attendu n’a jamais eu lieu puisque le film n’a rapporté que 1,2 millions de dollars à l’issue de son premier week-end d’exploitation, se classant ainsi à la 12ème place du box-office. Des sondages sont parus à la sortie des salles et les spectateurs ont systématiquement attribué des notes catastrophiques au film. Sorti la même semaine que Platoon (Stone, 1986), King Kong II a affiché une moyenne de spectateurs par salle 40 fois inférieure à celle du film de guerre.
Un désaveu général pour un nanar insauvable
En France, le même désaveu aura lieu, avec des critiques catastrophiques et une exploitation en salles d’un mois à Paris avec finalement 44 268 déçus dans les salles franciliennes. Sorti rapidement en VHS par CBS / Fox, King Kong II a été publié plusieurs fois sur support cassette, mais une seule fois en DVD dans une édition bon marché datant de 1999. Depuis, le long-métrage traine sur différentes plateformes, demeurant une curiosité pour les amateurs de nanars et d’accidents industriels. L’éditeur australien Umbrella Entertainment en proposera néanmoins un collector en 2023 très vite épuisé.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 8 avril 1987
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© 1986 StudioCanal / Affiche : A.R.P./ L.P.C. (agence). Tous droits réservés.
Biographies +
John Guillermin, Linda Hamilton, John Ashton, Brian Kerwin, Peter Elliott
Mots clés
King Kong au cinéma, Nanar, Animaux tueurs, Les singes au cinéma, Les productions Dino De Laurentiis