Keoma : la critique du film (1977)

Western | 1h41min
Note de la rédaction :
9/10
9
Affiche cinéma de Keoma (1978) d'Enzo Castellari

  • Réalisateur : Enzo G. Castellari
  • Acteurs : Franco Nero, Olga Karlatos, Aldo Canti, Donald O’Brien, William Berger, Riccardo Pizzuti, Alfio Caltabiano, Giovanni Cianfriglia, Orso Maria Guerrini, Woody Strode, Antonio Marsina, Roberto Messina
  • Date de sortie: 20 Juil 1977
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : Keoma
  • Titres alternatifs : Mon nom est Keoma (titre alternatif français) / Règlements de comptes à Blackstone (titre de la reprise française en 1979) / Keoma - Melodie des Sterbens (Allemagne) / Django Part 2 (Thaïlande) / Med Satan i hälarna (Suède) / Caramba! (Finlande) / Keoma - en mand som en tornado (Danemark)
  • Année de production : 1976
  • Scénariste(s) : Luigi Montefiori, Mino Roli, Nico Ducci, Enzo G. Castellari, Joshua Sinclair
  • Directeur de la photographie : Aiace Parolin
  • Compositeurs : Guido De Angelis, Maurizio De Angelis
  • Société(s) de production : Uranos Cinematografica
  • Distributeur : Audifilm-SRC
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : 28 mars 1979 (sous le titre Règlements de comptes à Blackstone)
  • Éditeur(s) vidéo : Wild Side Vidéo (DVD, 2005, 2007) / The Ecstasy of Films (blu-ray, 2022)
  • Dates de sortie vidéo : 7 juin 2005 (DVD) / 5 juin 2007 (DVD) / 10 février 2022 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 258 789 entrées (France) / 44 812 entrées* (*1e sortie parisienne)
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Jean Mascii (affiche de 1976) / Faugère (affiche de 1979) / Melvin Zed (conception graphique Mediabook 2021)
  • Crédits : Surf Films
Note des spectateurs :

Keoma s’impose comme le dernier grand western spaghetti par son ambiance onirique, son hommage à l’œuvre de Sam Peckinpah et sa description sans fard d’une humanité arrivée en bout de course. Crépusculaire et sombre.

Synopsis : Dans une région ravagée par la peste, un métis revient dans sa ville pour régler ses comptes avec ses trois demi-frères à la solde d’un truand qui a mis la région sous sa coupe…

Le cadavre du western bouge encore…

Critique : En 1976, le western spaghetti est un genre moribond, discrédité par les nombreuses parodies qui fleurissent depuis le succès du premier Trinita (Barboni,1970) et dépassé par les films de gangsters et d’horreur. A l’époque où le monde est prêt à succomber à la folie galactique Star wars (Lucas, 1977), il y a peu de place pour les chevauchées équestres dans les plaines sauvages de l’Ouest.

Conscient de cette extinction progressive du genre, Enzo G. Castellari choisit de rendre un dernier hommage aux héros de son enfance, un magnifique chant du cygne qui résonne davantage comme un hymne funèbre. Il se fonde pour cela sur un scénario écrit par l’acteur George Eastman qui a été approché par le producteur Manolo Bolognini pour écrire une suite au Django (1966) de Sergio Corbucci. Toutefois, l’ensemble a été largement remanié lors du tournage car de nombreux éléments ne plaisaient pas au réalisateur et à sa star Franco Nero. L’équipe a donc dû composer avec un scénario lacunaire, la plupart du temps réécrit au jour le jour, notamment par l’acteur Joshua Sinclair. Pourtant, cela n’a pas entamé la cohérence du produit fini.

L’ombre de Sam Peckinpah plane sur ce western crépusculaire

Ainsi, le cinéaste impose dès les premières images une ambiance morbide proche du film fantastique en faisant errer son héros dans une ville fantôme où il croise une vieille dame qui évoque immanquablement les sorcières de Macbeth (d’autant que Castellari a déjà pillé Shakespeare avec son Johnny Hamlet en 1968). On repère dans ce métrage de très nombreuses références : l’ombre de John Ford plane lors des chevauchées filmées en plans larges et la présence de son fidèle acteur Woody Strode vient le confirmer. Autre ombre tutélaire, le style de Sam Peckinpah s’invite lors des duels tournés au ralenti, ce qui est volontaire de la part de Castellari. Enfin, l’ambiance fantastico-onirique évoque le Django (1966) de Sergio Corbucci. Autant dire que rien n’est vraiment original dans ce Keoma pourtant jubilatoire du début à la fin.

A partir d’un script sommaire, Castellari impose une atmosphère étrange, à la lisière de la rêverie poétique et du pur film de genre. Il en profite pour prendre la défense des minorités opprimées aux States. Ainsi, Keoma est un métis indien rejeté par la communauté, tandis qu’il est accompagné d’un homme noir, lui-même victime d’un racisme très ordinaire. Cependant, les bons citoyens sont décrits comme des êtres veules et leur civilisation est en pleine dégénérescence, symbolisée ici par la peste.

Règlements de Comptes à Blackstone, affiche alternative de Keoma par Faugère

Illustrateur : Faugère © 1976 Surf Films

Keoma ou la parabole christique désenchantée

Un discours politique très clair se dessine donc, confirmé par un ton désabusé qui nous touche au plus profond. Les nombreux troubles qui ensanglantent l’Italie des années de plomb sont finalement évoqués à l’aide de métaphores et de symboles passionnants. Techniquement impeccable, porté par une magistrale utilisation du format Scope, par de gracieux mouvements de caméras et une musique très flower power largement copiée sur les compositions de Leonard Cohen, Keoma donne à Franco Nero l’occasion de camper un personnage charismatique, sorte de Jésus descendu sur Terre pour laver les péchés des hommes. L’imposante stature de Woody Strode, donne un peu plus d’épaisseur à une œuvre qui n’en manque pas.

L’ensemble est surtout magnifié par une réalisation qui atteint une forme de maniérisme. Ainsi, le cinéaste multiplie les prouesses techniques, avec notamment un usage de plans-séquence complexes, mais aussi d’un découpage de l’action parfaitement maîtrisé. Enfin, il a eu l’ingéniosité de mêler le passé et le présent des personnages au sein d’un même plan, renouvelant ainsi de manière judicieuse et franchement émouvante la figure devenue trop classique du flashback. Narré de manière originale par les paroles d’une chanson à la manière d’un chœur antique, Keoma est donc une parfaite synthèse de toutes les influences possibles, de la mythologie américaine jusqu’à l’héritage de la culture antique européenne. Loin d’être kitsch, le résultat apparaît d’une incroyable cohérence esthétique.

Keoma, DVD Wild Side

© Conception graphique : Wild Side – © 1976 Surf Films

Une sortie française discrète, sous plusieurs titres différents

Dernier représentant d’un genre en déconfiture, Keoma s’impose sans problème comme un des meilleurs westerns transalpins et sans doute comme la pierre angulaire de l’œuvre très controversée de Castellari qui, la même année, a été capable de dégoupiller Big Racket (1976), un autre sommet, cette fois-ci dans le domaine du polar hardboiled.

Sorti une première fois en France au mois de juillet 1977 sous le titre de Keoma, parfois également appelé Mon nom est Keoma, le western a également été réexploité au mois de mars 1979 sous le titre Règlements de comptes à Blackstone. Les années passant, le long-métrage est devenu culte, mais il a fallu patienter jusqu’au milieu des années 2000 pour que l’éditeur Wild Side Vidéo le sorte pour la première fois en DVD. Toutefois, on ne saurait trop vous conseiller de faire l’acquisition du blu-ray édité par The Ecstasy of Films début 2022. Effectivement, la copie y est de toute beauté et permet de réévaluer à la hausse ce petit chef d’œuvre du genre. Le tout est en plus agrémenté d’un beau Mediabook, d’un CD avec la bande originale du film et de suppléments passionnants d’une durée de plus de deux heures. Un must.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 juillet 1977

Acheter le Mediabook du film sur le site de l’éditeur

Affiche cinéma de Keoma (1978) d'Enzo Castellari

© 1976 Surf Films

Biographies +

Enzo G. Castellari, Franco Nero, Olga Karlatos, Aldo Canti, Donald O’Brien, William Berger, Riccardo Pizzuti, Alfio Caltabiano, Giovanni Cianfriglia, Orso Maria Guerrini, Woody Strode

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Affiche cinéma de Keoma (1978) d'Enzo Castellari

Bande-annonce de Keoma (VA)

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