Coup de cœur : la critique du film (1982)

Drame, Musical | 1h47min
Note de la rédaction :
6/10
6
Coup de coeur de Francis Ford Coppola, affiche

  • Réalisateur : Francis Ford Coppola
  • Acteurs : Nastassja Kinski, Tom Waits, Raul Julia, Harry Dean Stanton, Teri Garr, Allen Garfield, Frederic Forrest, Lainie Kazan, Rebecca De Mornay
  • Date de sortie: 29 Sep 1982
  • Année de production : 1981
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : One from the Heart
  • Titres alternatifs : Einer mit Herz (Allemagne) / Corazonada (Espagne) / Do Fundo do Coração (Portugal) / Un sogno lungo un giorno (Italie) / Golpe al corazón (Argentine) / Älskling, jag hatar dig! (Suède) / Elskede, jeg hater deg (Norvège)
  • Scénaristes : Armyan Bernstein, Francis Ford Coppola
  • Directeur de la photographie : Vittorio Storaro, Ronald Víctor García
  • Monteur : Rob Bonz, Rudi Fehr, Anne Goursaud, Michael Magill, Randy Roberts
  • Compositeur : Teddy Edwards, chansons de Tom Waits, interprétées par Tom Waits et Crystal Gayle
  • Producteurs : Francis Ford Coppola, Armyan Bernstein, Gray Frederickson, Bernard Gersten, Fred Roos, Mona Skager
  • Sociétés de production : Zoetrope Studios
  • Distributeur : AMLF (France), Columbia Pictures (USA)
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Sunset Vidéo (VHS, 1983) / Pathé (DVD et Blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 6 novembre 2013 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 494 408 entrées / 163 366 entrées
  • Box-office USA / Monde 636 796 $
  • Budget : 26 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Couleurs - 35 / 70 mm / Son : Dolby Stereo
  • Festivals et récompenses : Une nomination aux Oscars 1983 dans la catégorie meilleure adaptation musicale
  • Illustrateur / Création graphique : Vitamine (agence) - LPC / Jean-Claude Labret (agence) - Alain Bertrand affichiste). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Zoetrope Studios. All Rights Reserved. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Coup de cœur est le film qui coula le studio fraîchement créé par Francis Ford Coppola et fit basculer le Nouvel Hollywood dans l’histoire passée du cinéma. Néanmoins, il s’agit aussi d’une incroyable expérience visuelle, aussi vaniteuse que brillante, même si inlassablement froide.

Synopsis : Un 4 juillet, deux habitants de Las Vegas, Hank et Franny, un peu usés par leur vie de couple, se séparent le jour anniversaire de leurs cinq ans de rencontre et partent chacun de leur côté. Ils se retrouveront au bout de la nuit, après avoir fait chacun une rencontre.

C’est l’histoire d’un studio coulé au bout d’un film produit

Critique : Pur fantasme de réalisateur du début des années 80, Coup de cœur de Coppola pourrait se rapprocher de Diva ou  La lune dans le caniveau de Beineix s’il y avait un peu plus de noirceur dans ses propos. Les éclairages artificiels, les reconstitutions de studio… Le réalisateur du Parrain a voulu tout contrôler après le tournage dramatique d’Apocalypse Now.

Exit les tornades, les coups d’État, les maladies en terres exotiques… Coppola devenu magnat de Hollywood a acheté son propre studio à Los Angeles et y a installé les bureaux de l’American Zoetrope Films au cœur de l’enclave hollywoodienne. Son objectif ? Essayer de restaurer la prestance des films des années 40, avec toute la magie technologique que lui offrait son époque. Coup de cœur est l’anti-Apocalyse Now, un besoin irrépressible de légèreté, de maîtrise de la situation, de la part d’un cinéaste génial, mais qui a pris la grosse tête après les compliments desservis pendant la décennie passée, conscient de son talent suprême.

La névrose du génie

Avec Coup de cœur, la romance intimiste et musicale, histoire d’un couple de cinq ans qui se déchire pour mieux se retrouver, devient soudainement superproduction dans des décors grandioses, où chaque plan confine à l’obsession cinématographique, à la névrose du génie qui repousse toujours plus loin son degré d’exigence pour tendre vers la lumière divine.

Pas de chance, si Coup de cœur est valeureux, voire même techniquement un chef-d’œuvre hors du temps, le film de Coppola est surtout un film miroir froid qui jette une image assez négative du cinéaste. Avec des acteurs devenus insipides, y compris le grand Frederic Forrest (comédien choyé du cinéaste, vu notamment dans Apocalypse Now, et The Rose de Mark Rydell) et surtout Teri Garr qui n’est pas loin de l’erreur de casting, il émane une étrange vacuité de cette contemplation du délitement inévitable du couple… Désormais messie du cinéma américain, Coppola voit ses chevilles enfler au détriment des autres et de ses propres personnages qu’il ne creuse pas, préférant nourrir cette image de technicien visionnaire. Il donne l’impression de n’avoir rien à dire sur ce sujet domestique ; il charge donc la photographie et les décors, voire l’omniprésente musique jazzy de Tom Waits, de combler les lacunes d’un script vide.

Mais aussi avant-gardiste soit-il, le gigantesque Coup de cœur, au montage royal, qui rappelle les plus belles heures du cinéma russe, reste une coquille creuse qui ne pouvait fédérer le public. Lâché par ses financiers, puis par Paramount, Coppola y risqua tous ses biens, et évidemment l’abandon de l’audience le précipita vers sa perte.

Sans panache, dénué de rythme, languissant, Coup de cœur court après la vie sans jamais capter les étincelles de la passion qui la caractérise et qu’il aimerait suggérer durant les sémillants numéros musicaux. Il y a bien le joli minois de Nastassja Kinski en équilibriste, mais est-ce suffisant pour réchauffer le spectateur refroidi par la lecture binaire d’un script peu psychologue ? Non.

Découvrez notre biographie complète et exclusive de Nastassja Kinski.

Mais attention, que l’on ne se méprenne pas sur la valeur de ce désastre financier qui obligea Coppola à enchaîner les tournages pour rembourser les créanciers : aujourd’hui, la restauration blu-ray et la valeur historique de ses suppléments permettent à ce monument d’artifices de retrouver ses marques et de refaire honneur à son auteur déchu… Son visionnage est même un impératif pour des réjouissances artistiques inimaginables à notre époque de CGI. Coup de cœur n’est pas le plus chaleureux des films de son époque, mais une leçon de cinéma en tous points. Par ailleurs, son accident industriel fut tel qu’il enterra les tournages hors normes d’une tradition hollywoodienne. Un an auparavant, La porte du paradis de Michael Cimino avait ruiné United Artists. La réitération du désastre par Coppola (plus de 26 000 000$ de budget pour moins de 700 000$ de recettes aux USA!) enterra à jamais une conception du cinéma d’auteur américain à grand spectacle au profit de productions de divertissements à effets spéciaux, dont les films de Steven Spielberg et de George Lucas furent les hérauts les plus célèbres.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 29 septembre 1982

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Coup de coeur de Francis Ford Coppola, affiche

Vitamine (agence) – LPC / Jean-Claude Labret (agence) – Alain Bertrand affichiste) – © Zoetrope Studios. All Rights Reserved.

Box-office France :

Après l’échec américain de Coup de cœur et le souvenir du triomphe cannois d’Apocalypse Now, les analystes attendaient avec impatience la distribution hexagonale de Coup de cœur. Comme pour Apocalypse Now, c’est le distributeur AMLF qui s’occupa de distribuer le film maudit. Sans passage à Deauville, le film de la honte se retrouve à l’affiche française le 29 septembre. Cette période de l’année correspond généralement au lancement des grands films d’auteur (voir Paris, Texas, Les ailes du désir ou justement le précédent Coppola).

Malheureusement, l’engouement n’est pas là en première semaine malgré la magnifique affiche d’Alain Bertrand. Dans 20 cinémas parisiens, le film démarre en 5e place, avec 52 418 entrées (contre 195 104 spectateurs pour Apocalypse Now, sur cette même période en 1979). Cette semaine-là, la série B urbaine Class 84 se hisse en tête, malgré une interdiction aux moins de 18 ans. Tir groupé s’accroche en 2e place. L’honneur d’un capitaine de Pierre Schoendoerfer doit sa 3e place au souvenir du Crabe-tambour et à ses 32 salles. Enfin Blade Runner de Ridley Scott fait le job en 3e semaine, avec  55 563 entrées dans 32 cinémas.

Quelques nouveautés sont à souligner. Juste derrière Coup de cœur, le mondo L’Amérique interdite d’UGC agrège 51 059 spectateurs et sera un carton mémorable au box-office. Evidemment le documentaire cochon et faussement choc était interdit aux moins de 18 ans.

Dans un top 20 extraordinaire où l’on retrouve la palme d’or Yol, Le père Noel est une ordure, Mad Max 2, La féline de Schrader, et Querelle de Fassbinder, le cinéma est de qualité, et l’on rêverait aujourd’hui d’un tel choix.

Nathalie Delon proposait son long métrage, Ils appellent ça un accident, dans le circuit Paramount (7 270 entrées dans 13 salles, un échec). Alberto Sordi était de la joie, avec Le marquis s’amuse de Mario Monicelli (16 687 entrées dans 16 salles). Un petit porno s’est amusé de son titre improbable (Parties carrées très spéciales), dans 5 salles (9 102 spectateurs)…

Dans quelles salles voir Coup de cœur ?

Coup de cœur brillait sur 12 écrans en intra-muros : le Gaumont Champs-Elysées, le Gaumont Halles, le Gaumont Sud, le Montparnasse Pathé, le Mayfair Pathé, le Hautefeuille Pathé, le St-Lazare Pasquier, le 14 Juillet Beaugrenelle, le Nation et les Parnassiens. Pas forcément les meilleurs écrans de la ville qui étaient scrutés par d’autres, comme Pink Floyd: the Wall (pour le Kinopanorama,)…

On notera que la copie de Coup de cœur au Gaumont Champs Elysées s’offrait la 2e meilleure moyenne de la semaine après Class 84 au Grand Rex, avec 9 719 entrées.

Semaines suivantes…

En 2e semaine, le film de la Zoetrope chute en 7e place, avec encore 42 548 entrées. La semaine est exceptionnelle car elle accueille les blockbusters du rire Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (meilleure première semaine parisienne de l’histoire) et Le gendarme et les gendarmettes. Et L’Amérique interdite remonte en 4e place !

En 3e semaine, Coppola, sur 23 copies, est 7e avec 27 476 spectateurs. Un Woody Allen et Victor Victoria viennent ajouter des succès légendaires à notre page d’histoire.

Coup de cœur reste une 4e semaine dans le top 15, avec 17 001 spectateurs dans, désormais, 10 salles, exclusivement en intra-muros. Avec 134 781 entrées, malgré des chiffres relativement stables, le Coppola est loin de la concurrence, notamment des 173 284 entrées en 15 jours de Comédie érotique d’une nuit d’été de Woody Allen.

Pour Coup de cœur de Francis Ford Coppola, en 5e semaine, la fin est proche. Désormais bazardé dans 5 cinémas, il passe sous la barre des 10 000 semaines avec 9 344 entrées (144 725). Au moins peut-il s’enorgueillir d’avoir doublé Class 84, qui ne rassemblait plus que 8 327 lycéens. L’as des as avec Belmondo, marquait l’histoire du box-office.

En 10e semaine, Nastassja Kinski resplendissait encore auprès de 1 578 spectateurs (163 366) sur deux écrans (Quintette Pathé, Gaumont Ambassade). Cela sera curieusement son ultime semaine d’exploitation sur Paname.

On notera que la même année, la première reprise d’Apocalypse Now, rien que sur Paris, s’établira à 139 060 Franciliens.

A l’échelle française…

Moins représentatif, le box-office à échelle nationale n’était guère scruté dans les années 80, car les nouveautés étaient toujours projetées avec du retard dans les grandes villes hexagonales, puis les films faisaient le tour des patelins mono-salles. Néanmoins, rien ne nous empêche de nous pencher sur le cas Coup de cœur, qui, a priori, ne disposait pas de gros atouts pour séduire hors de Paris.

Avec 122 012 entrées pour sa semaine d’investiture, Coup de cœur est 7e d’un box-office français dominé par Tir groupé, Class 1984, puis Mad Max 2, Blade Runner et Le père Noel est une ordure. Coup de cœur s’installe dans le top 20 pendant 4 semaines et demeurera 6 semaines dans le top 30.

Dans ces conditions, difficile d’évoquer un flop total, comme aux USA, où l’on évoque moins d’un million de dollars de recettes et une 126e place annuelle (!).

Ci-joint, un tableau, issu du Film Français, replaçant Coup de cœur dans une marge d’entrées parisiennes annuelles (il s’agit de l’année 1982).

Les chiffres du box-office de 1982

© Le Film Français – Tous droits réservés

Le test blu-ray 2013

Coup de cœur bénéficiait en 2013 d’un blu-ray exceptionnel qui restaurait sa grandeur originelle. Le même jour, le 6 novembre 2013, Pathé proposait également Conversation secrète et Outsiders dans des éditions Blu-ray impeccables.

Compléments 5 / 5

L’impressionnant dispositif de bonus permet une appréhension en profondeur du film de Coppola, dont on apprend à peu près tout. On retrouve 22mn de présentation du cinéma et du processus de création par Coppola aux étudiants de la FEMIS, enregistrement fait lors de sa venue en 2012 pour la sortie de Twixt. On dépasse le cadre du film, pour y revenir de façon approfondie par la suite.

Le studio rêve (28mn) est un documentaire exceptionnel qui revient sur l’obssession de Coppola d’avoir son propre studio à Hollywood, expliquant comment il a été rattrapé par la folie des grandeurs et les déboires financiers qui l’ont forcé à hypothéquer. Lâché par Paramount, Coup de cœur tourne à la chronique d’un désastre annoncé… Le flop historique du film condamne son studio à la fermeture. Ce documentaire revient sur cette histoire tragique avec des documents d’époque historiques !

Autre document d’exception, le making-of de 23mn nous plonge sur les plateaux et dans les décors d’une expérience cinématographique unique. Coppola, d’un enthousiasme total, évoque Belmondo ; Nastassja Kinski, aujourd’hui si rare, est interrogée sur cette aventure. Si jeune, si belle… L’aspect créatif est explicité par les différents protagonistes sur le tournage de cette fantaisie romantique. Vraiment passionnant.

Un autre document de 10mn (Quand la vidéo rencontre le cinéma), s’intéresse à la révolution technologique du cinéma du début des années 80, ce que Coppola appelait le cinéma électronique. On y voit un réalisateur avant-gardiste et visionnaire qui voulait dépasser le classicisme hollywoodien pour s’orienter vers le cinéma tel qu’on le connaît aujourd’hui, dans le montage, les effets spéciaux et la communication. Encore une fois, passionnant !

Pendant 3’24, le responsable des effets visuels du film, Robert Swarthe, prend la parole et revient en particulier sur la réalisation du générique d’ouverture. Encore une fois, un aparté passionnant ! Tant de difficultés techniques pour un public totalement ingrat lors de la sortie de cette comédie musicale, la dépression a dû être collective.

En parlant de “musical”, il fallait bien s’intéresser au score prégnant de Tom Waits, celui-ci explique son travail pendant 13mn. La texture sonore de cette aventure hors du commun est développée alors que l’on croise le musicien en train de discuter du style avec Coppola et tous les protagonistes impliqués dans le son du film ; on le croise en studio lors de l’enregistrement. Encore une fois, un document exceptionnel !

Parmi les nombreux autres bonus, on notera un film annonce, une présentation par Coppola aux exploitants pour vendre son bébé alors que tout Hollywood l’abandonne (2mn). Le chef-d’œuvre de Coppola tel que vous ne l’avez jamais vu est une bande-annonce pour la version restaurée du film. Des répétitions sont proposées. Un clip vidéo également. Dans Easter Egg, on retrouve des documents d’époque pendant une poignée de minutes, notamment le cinéaste filmant Sofia, toute gamine, livrant une critique du film et ses impressions de tournage. Historique, on vous dit !

De très nombreuses scènes supplémentaires viennent agrémenter l’exercice. Point négatif, ces scènes ne sont pas enchaînées, ce qui entrave leur lisibilité. Il y a pourtant de la matière, avec entre autres une scène d’ouverture alternative de 8mn, et une fin alternative qui vient rallonger la magie musicale. Des scènes sans les effets spéciaux… Des montages différents, d’autres scènes totalement inédites ! Encore une fois, tout témoigne ici de l’incroyable perception visuelle de Coppola, de son travail de montage implacable réalisé autour de ce film exceptionnel.

Image : 4 / 5

Aucune comparaison possible avec les versions précédentes du film. La restauration permet une appréhension des décors dans toute leur profondeur, ainsi qu’une magnifique colorimétrie. Le grain de cinéma est beau et participe à la magie de cette copie. Pour une œuvre entièrement bâtie sur l’esthétique, il fallait bien cela…

Son : 4.5 / 5

C’est en DTS HD 5.1 que nous est proposé cet étrange film. La spatialisation est réelle, tant en VO qu’en VF, avec un score qui gagne en force, alors que les voix sont peut-être un peu diminuées par rapport à l’ensemble. On ergote sur des détails, les deux pistes sont formidables !

Frédéric Mignard

Coup de coeur, le blu-ray collector de Pathé (2013)

© Zoetrope Studios. All Rights Reserved. – Sortie vidéo : Pathé. Tous droits réservés

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