Paris, Texas appartient au patrimoine mondial du cinéma. La Palme d’Or du festival de Cannes 1984 est un road movie qui relève du mythe dont les errances n’ont jamais eu de cesse de nous fasciner. Un chef-d’œuvre absolu.
Synopsis : Au milieu du désert texan, Travis, un homme que l’on croyait mort, réapparaît. Harassé, il s’évanouit, pour se réveiller à l’hôpital. Prévenu, son frère Walt le retrouve muet et amnésique après quatre années d’errance. Chez Walt, Travis retrouve Hunter, son fils de 8 ans que Jane, sa jeune femme, a mystérieusement abandonné quatre ans auparavant. Peu à peu, Travis reconquiert sa mémoire et son identité. Il tente de regagner l’affection de son fils. Ses efforts sont d’abord accueillis avec méfiance par le gamin, qui, peu à peu, pourtant, consent à aimer ce père étrange. Travis part avec lui à la recherche de Jane, qui travaille dans un peep show de Houston…
© 1984 Argos Films
Critique : Quand Paris, Texas sort en salle en 1984, le succès est phénoménal. Quinzième du box-office français annuel, seul vrai film d’auteur classé dans le top 20 avec Greystoke et Amadeus, au milieu des SOS fantômes, Indiana Jones et autre A la poursuite du diamant vert. Le road-movie ultime que n’aurait pas renié Jim Jarmusch à la carrière alors naissante (on y croise d’ailleurs son icone, John Lurie) comptabilise 2 millions d’entrées en France. Spectaculaire pour une Palme d’or, d’autant que le succès dépasse le cadre de l’emphase parisienne. Tout l’Hexagone est sous le charme de l’hypnotisant périple de Harry Dean Stanton, qui décroche enfin un premier rôle, en pleine errance de quatre ans, sur la voie de la rédemption après avoir abandonné femme et enfant en bas âge.
Le mythe Nastassja Kinski sublime Paris, Texas de sa présence
La femme, c’est Nastassja Kinski, époustouflante de beauté. Elle est la star de cette époque et se retrouve en un mois à l’affiche de trois grands films : la Palme d’or, mais aussi Maria’s lovers d’Andrei Konchalovski et L’hôtel New Hampshire de Tony Richardson. Le Wenders et le Konchalovski seront les deux derniers succès d’une carrière maudite.
© 1984 Argos Films
Une écriture tout en pudeur basé sur un script de Sam Shepard
Présenté à Cannes en mai 1984, quatre mois avant sa sortie, alors que le mixage était achevé le jour de la montée des marches, Paris, Texas fait sensation, s’érigeant immédiatement en œuvre générationnelle et objet de mythe intouchable. La réalisation lente de Wim Wenders convie au voyage intérieur dans les grands espaces américains ; elle caresse les songes d’errance des spectateurs et met remarquablement en image les phrases arides de Motel chronicles, la fiction écrite par le comédien Sam Shepard à la fin des années 70. Le scénario tout en humanité du dramaturge se contemple dans une lenteur inhérente au ton du réalisateur. Shepard aura moins de chance en 1985 avec l’adaptation de Fool for Love, de Robert Altman, avec Kim Basinger et Harry Dean Stanton.
Evoquer la puissance de fascination de Paris, Texas, passe forcément par la photographie somptueuse de Robby Müller qui fait montre d’une dextérité plurielle, dans des scènes désertiques ou celles d’intérieurs pas forcément aisés à mettre en lumière. Sa palette colorimétrique est une exposition constante de talents. Enfin amoureux de rock, Wim Wenders a su trouver dans la musique fébrile de Ry Cooder une douceur folk qui relève de l’intime, celle de cet homme au croisement de sa vie, et d’une mythologie américaine dont on regoutte au berceau narratif qui a été celui du western, pour un témoignage sans précédent sur une famille humble, au sud de l’Amérique, celle qui a toujours fasciné le cinéaste allemand.
© 1984 Argos Films
Paris, Texas, le sommet de la carrière de Wim Wenders
Avec cette réussite totale, Wenders clôt sa phase américaine et revient en Europe, comblé d’avoir fait l’œuvre sur l’Amérique qu’il n’avait pas pu réaliser avec Hammett (1982) que Coppola avait produit sans lui laisser le director’s cut. Il réalise en 1987 un nouveau chef-d’œuvre incontestable, Les ailes du désir, marqué par une suite tardive en 1993, Si loin si proche, avec Nastassja Kinski aux ailes d’ange déchu. Les choses avaient alors beaucoup changé. Le consensus n’était plus vraiment d’actualité pour les deux célébrités allemandes. En 2014, Paris, Texas ressort dans les salles françaises dans une nouvelle version restaurée, trente ans après sa Palme d’or, et quatre ans après l’édition blu-ray. Le film a fait sensation sur la Croisette, à l’occasion de sa diffusion exceptionnelle dans le cadre de Cannes Classics.
En 2024, Carlotta propose une édition vidéo ultime, son 28e coffret Ultra Collector, pour célébrer les 40 ans du classique. Une merveille.
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Crédit affiche : Guy Peellaert
Le test ultra-HD de Paris, Texas
Pour les 40 ans de la Palme d’or de 1984, l’éditeur Carlotta consacre une nouvelle fois une édition Ultra Collector, sa 28e, à une œuvre de Wim Wenders. L’éditeur cinéphile l’avait déjà distingué avec son édition somme des Ailes du désir en 2023. Un an plus tard, après d’autres sorties consacrées à l’auteur allemand, comme Anselm, ou la Trilogie de la route (Alice dans les Villes, Faux Mouvement, Au Fil du Temps), Carlotta enrichit sa collection d’une édition qui frôle la perfection.
Attention, Paris, Texas est également disponible dans une édition blu-ray ou Ultra HD simple.
Packaging & compléments : 5/5
A l’instar des Ailes du désir (Ultra Collector 26), au design classe et épuré, Carlotta a fait appel à l’artiste américaine Drusilla Adeline, alias Syster Hyde, pour illustrer cette 28e itération de sa collection d’Ultra Collector. Le packaging est somptueux, avec le choix d’une photographie, d’une typo et d’une colorimétrie qui fait vibrer notre corde cinéphilique. Cette édition est belle dans sa composition la plus extérieure. C’est un objet à collectionner, mieux, à vénérer.
Un ouvrage de 200 pages, intitulé Quitter l’autoroute, offre son avalanche d’interviews, notamment d’époque, le scénario complet du film, et propose notamment de très nombreuses pages de photographies restaurées. L’ouvrage s’achève sur quelques pages sur la restauration du film, notamment des efforts réalisés depuis l’édition de 2014 qui proposait une copie restaurée en 2K. On apprécie de retrouver au dos de l’ouvrage l’affiche alternative de Paris, Texas, ne représentant qu’Harry Dean Stanton et le jeune Hunter Carson (le fils de l’actrice Karen Black dans la vraie vie). Magique.
Edition Ultra Collector de Paris, Texas, Carlotta. Visuel : Syster Hyde. © 1984 Road Movies Filmproduktion GMBH – Argos Films S.A.S. All Rights Reserved
Au niveau des suppléments audiovisuels, Carlotta pare ce classique du road-movie d’une quantité impressionnante de bonus. Ils sont essentiellement tournés sur l’homme orchestre, Wim Wenders, qui présente le film en amont, et la restauration du film en 2024, au milieu de livres estampillés Chanel (qui a participé au financement de la restauration). Ensuite, viennent 49 minutes d’un entretien avec Wenders, en 2022, durant lequel le cinéaste évoque l’origine du film, son aventure américaine, le casting, l’équipe technique. Avec une tonalité douce et lente, propre à son film, le polyglotte s’exprime dans un anglais cristallin. Il est toujours juste et livre de véritables leçons de cinéma.
Edition Ultra Collector de Paris, Texas, Carlotta. Visuel : Syster Hyde. © 1984 Road Movies Filmproduktion GMBH – Argos Films S.A.S. All Rights Reserved
On retrouve également 26 minutes de scènes supplémentaires, déjà connues, que Wenders avait déjà commentées avec solidité. Des scènes loin d’être illustratives ou inutiles. Encore une fois, Wenders livre des commentaires précis avec une volonté d’enrichir les spectateurs et surtout les jeunes gens qui souhaiteraient passer à la réalisation. Dans son adoration du cinéma, on ressent chez lui une volonté d’archivage, d’éclairage et surtout de transmission…
Un document de Cinéma, Cinémas, diffusé en France, en mai 1984, peu de temps avant la diffusion du film à Cannes, permet de retrouver Wenders plus jeune, dans un contexte américain, dans son propre road-movie. Un document d’histoire, donc.
Un film super 8 de 7mn permet de voir l’histoire du couple de Paris, Texas et de leur enfant, à travers des films de vacances… Un docu-fiction émouvant au vu du tournant tragique que va prendre leur récit conjugal.
Enfin, une bande-annonce restaurée vient achever cette belle section de suppléments dont on pleure juste l’absence de Nastassja Kinski que l’on aurait aimé voir s’impliquer…
Image : 5/5
La restauration et l’étalonnage 4K confèrent à cette nouvelle édition de Paris Texas, la première en 10 ans, un redoutable lifting. Le cinéaste, qui a travaillé lui-même sur ce processus, avoue que la copie n’a plus rien à voir avec celle proposée en salle et lui permet de retrouver la pureté des images qu’il filmait en 1983, via sa caméra. Une évidence qui ne diminue en rien l’expérience. Le grain argentique d’époque n’a nullement été écarté, mais le dosage des couleurs (quelle richesse photographique !), la puissance de retranscription et d’information que confère la technique du 4K engendre une copie grandiose dont on ressort ébahi.
Son : 4/5
La spatialisation du score, des riffs de guitare de Ry Cooder qui évoquent l’évasion et l’égarement, est réhaussée en 5.1DTS HD Master Audio, quand le film original n’était gratifié que d’une piste Mono ! La musique prend un envol remarquable, tandis que les dialogues sont d’une belle limpidité. La piste française conserve son Mono d’origine, mais en DTS HD Master Audio. Nous ne l’avons pas testée.
© 1984 Road Movies Filmproduktion GMBH – Argos Films S.A.S. All Rights Reserved
Biographies +
Wim Wenders, Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, John Lurie, Aurore Clément,Sam Shepard, Dean Stockwell, Bernhard Wicki