Plus sombre que le premier volet, Borsalino and Co. est un film de gangsters carré, disposant d’une réalisation sèche et affutée. Sans doute au détriment de l’émotion.
Synopsis : Durant les années 1930, la ville de Marseille ressemble à Chicago pour ses luttes sanglantes entre bandes pour le contrôle des activités illégales et très lucratives. Roch Siffredi, qui vient tout juste de perdre son partenaire, François Capella, lâchement tué par un truand, est prêt à tout pour le venger.
La suite d’un énorme succès, mais sans Belmondo
Critique : Avec plus de 4 millions d’entrées en 1970 et une septième place annuelle au box-office national, Borsalino qui confrontait pour la première fois Alain Delon et Jean-Paul Belmondo fut un carton qui ne pouvait rester sans suite et ceci même si le personnage de Belmondo mourrait à la fin du premier opus. L’initiative est venue d’Alain Delon, désormais son propre producteur, qui voulait capitaliser sur le succès du film initial tout en recentrant la saga sur son personnage, désormais débarrassé de la concurrence de Bébel.
Jacques Deray, échaudé par quelques projets avortés se lance alors dans l’écriture d’un scénario original avec l’aide de Pascal Jardin. D’un commun accord, le trio souhaite réorienter Borsalino and Co. vers davantage de noirceur et de sérieux, afin de rendre un vibrant hommage aux films de gangsters américains des années 30. Ils tissent également une toile de fond historique intéressante à base de corruption des élites et de montée en flèche du fascisme. Au passage, ils se permettent de transformer les gangsters de Delon en de vertueux redresseurs de torts qui luttent contre l’invasion fasciste. Une liberté historique douteuse, mais somme toute assez séduisante.
Une réalisation carrée, à l’américaine
Suivant les pas prestigieux des réalisateurs qu’il admire (de Howard Hawks pour ses polars rugueux des années 30 aux petits maîtres de la série B ricaine comme Don Siegel ou Samuel Fuller), Jacques Deray s’applique à décrire le milieu marseillais des années 30 avec une profusion de détails dans les décors et les costumes qui viennent appuyer la puissance de son intrigue principale.
Il filme de manière sèche et efficace la violence (parfois très brutale, ce qui a valu au film une interdiction aux moins de 13 ans plutôt justifiée) et propose donc un spectacle brut qui tranche sérieusement avec un premier volet plus ludique et festif. Cette noirceur se retrouve jusque dans la partition musicale de Claude Bolling, bien plus ténébreuse comme le souligne le thème sépulcral du générique de début. Il faut ainsi attendre près d’une heure avant d’entendre pour la seule et unique fois le fameux thème musical qui a fait beaucoup pour la renommée du premier volet.
Des personnages archétypaux qui peuvent laisser froid
Malgré une gestion assez admirable des séquences d’action, Borsalino and Co. souffre quand même d’un sérieux manque de rythme, le script n’étant pas particulièrement bien construit. Ainsi, les personnages manquent de chair et se contentent souvent d’illustrer des archétypes classiques. Même Alain Delon semble plus raide que d’habitude dans un rôle de tueur froid qu’il maîtrisait pourtant à la perfection à cette époque. Comme désincarné, il paraît désemparé devant la banalité de certains dialogues, autre point faible d’une production pourtant pensée dans ses moindres détails.
Le résultat au box-office fut décevant puisque cette suite n’a glané que 1 698 380 entrées alors que le budget était conséquent, ce que vient confirmer la direction artistique profuse en décors somptueux. De quoi expliquer l’absence d’un troisième épisode pourtant prévu puisque la dernière image de Borsalino and Co. comporte en incrustation la mention à suivre.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 23 octobre 1974
Acheter le film en blu-ray
Voir le film en VOD
Biographies +
Jacques Deray, Alain Delon, Claudine Auger, Mireille Darc, Riccardo Cucciolla, André Falcon, Catherine Rouvel, Daniel Ivernel, Bruno Balp, Jacques Debary, Anton Diffring, Reinhard Kolldehoff
Mots clés
Cinéma franco-italien, Les gangsters au cinéma, Marseille au cinéma, Polars français des années 70