Classique film de prison, Bad Boys, les mauvais garçons vaut surtout le coup d’œil pour l’interprétation habitée de Sean Penn et ses partenaires. Efficace à défaut d’être vraiment marquant.
Synopsis : Mick O’Brien, un jeune caïd du crime de Chicago est envoyé en centre de détention pour mineurs pour le meurtre d’un jeune membre d’un gang. Le frère de ce dernier est l’ennemi juré de Mick. Arrêté à son tour pour avoir violé la petite amie de Mick, il est envoyé dans le même centre. La vengeance est en route…
Un cri d’alerte face à la recrudescence de la délinquance
Critique : Au début des années 80, tout un pan du cinéma américain s’intéresse à la violence qui déferle dans les grandes métropoles, notamment New York, et le film de gang devient populaire. Les guerriers de la nuit, Violence sur la ville, Class 84, Sunnyside, Outsiders, Rusty James, Les seigneurs, Boulevard Nights… Au cœur de cette production pléthorique, on signalera des œuvres qui surfent allègrement sur ce phénomène pour en exploiter tous les aspects voyeuristes, mais aussi quelques films à vocation pédagogique, ou du moins servant à alerter la jeunesse sur les dangers de la délinquance. Le script de Richard Di Lello intitulé Bad Boys (1983) se situe plutôt dans cette seconde catégorie.
Nous sommes ainsi invités à suivre le destin tragique de quelques jeunes loubards de la ville de Chicago qui trafiquent de la drogue et se battent pour conserver leur territoire. Cette présentation du contexte social permet de faire connaissance avec les personnages, caractérisés à grands traits par le réalisateur Rick Rosenthal qui ne cherche pas à s’appesantir sur des détails psychologiques. Celui qui a connu un beau succès en signant un efficace Halloween 2 (1981) préfère dégoupiller quelques belles scènes d’action, dont le terrible accident provoqué par le personnage de Sean Penn et qui coûte la vie à un gamin innocent.
Bad Boys coche toutes les cases du film de prison
Effectivement, le but était d’arriver au sujet même du film, à savoir la description sans fard des maisons de redressement pour mineurs. Ainsi, Bad Boys, les mauvais garçons évacue assez rapidement sa dimension sociologique pour devenir un pur film de prison. La seule différence étant que celle-ci est peuplée de très jeunes délinquants. La question que se pose l’auteur est de savoir si ces institutions, marquées par une très forte violence, sont à même de rééduquer les jeunes chiens fous, ou non. La fin du film s’avère d’ailleurs ambigüe sur ce plan et laisse espérer une issue positive pour le personnage principal, tout en se terminant par une séquence choc qui laisse ressurgir toute la noirceur de l’espèce humaine.
Si Bad Boys, les mauvais garçons (1983) ne se distingue guère des autres films du genre carcéraux, il parvient à une certaine authenticité grâce au soin extrême apporté au casting des jeunes prisonniers. Après avoir auditionné un certain Tom Cruise, c’est son partenaire de Taps (Becker, 1981) qui obtient le rôle principal, à savoir Sean Penn. Le jeune comédien de 22 ans s’est d’ailleurs investi totalement dans son rôle au point de se laisser pousser à nouveau les cheveux (en surfeur dans Fast Times d’Amy Heckerling, en 1982, il les avait déjà bien longs), se tatouer, suivre des patrouilles de police à Chicago et demander à toute l’équipe de tournage de l’appeler par le nom de son personnage. Penn a effectué toutes ses cascades, au point de se fouler la cheville (ce qui a entraîné l’arrêt du tournage pendant huit semaines).
De jeunes acteurs excellents
Cet investissement se voit à l’écran, ainsi que celui de ses partenaires. On adore notamment le jeune Eric Gurry, sorte de sidekick jamais irritant, mais qui, malgré son aspect chétif, peut se transformer en furie incontrôlable. Face à eux, le jeune Clancy Brown entamait sa carrière d’antagoniste avec une belle présence menaçante. Esai Morales propose aussi une prestation assez impressionnante. Enfin, dans l’un des seuls rôles féminins, Ally Sheedy s’avère convaincante, sans être exceptionnelle. Elle sera bien meilleure dans Breakfast Club (Hughes, 1985).
De son côté, Rick Rosenthal sait parfaitement mener à bien la montée progressive de la tension dramatique. Certes, il ne sort jamais du cadre du cahier des charges du genre (viol en cellule, scène de douches, trafics, émeutes et sempiternels entretiens avec les éducateurs), mais il filme tout ceci avec un vrai sens de l’efficacité immédiate. Même si le long métrage se veut éducatif, le script n’est pas trop explicite, ni même moralisateur. Au spectateur de se faire son opinion en fonction de ce qui arrive aux différents protagonistes.
Retour sur la sortie du film
Sorti dans environ 500 salles d’Amérique du Nord au mois de mars 1983, Bad Boys, les mauvais garçons a engrangé 9,1 millions de dollars (de l’époque) de recettes, ce qui l’a hissé à la 82ème marche du podium annuel en 1983. Il a ensuite fallu un an au long-métrage pour trouver un distributeur en France, avec l’indépendant Eurogroup, spécialisé dans le cinéma d’exploitation.
Sorti la même semaine que la comédie Vive les femmes ! (Confortès), le Scarface de De Palma ou encore Dead Zone de Cronenberg d’après Stephen King, Bad Boys débarque à la 9ème place du box-office parisien pour son investiture avec 37 003 délinquants. Il chute de plus de 50 % pour sa deuxième semaine et terminera sa carrière parisienne à 72 025 loubards.
Au plan national, Bad Boys entre à la 12ème place du podium, avant de connaître une chute à peu près équivalente autour de 50 % en deuxième semaine. Pourtant, le bouche à oreille fonctionnera, puisque le film s’est stabilisé ensuite pendant plusieurs semaines d’affilée autour de 30 000 entrées / France, au fil de sa diffusion dans les villes moyennes et de petites tailles en France. De quoi permettre au film de glaner 391 540 entrées, gagnées sur la durée.
Aujourd’hui oublié, Bad Boys, les mauvais garçons est pourtant l’occasion de constater le talent naissant d’un Sean Penn qui allait incarner les rebelles pendant encore plusieurs années, jusque dans sa vie privée mouvementée avec une certaine Madonna.
Critique de Virgile Dumez