Outsiders est un récit de jeunesse lyrique et enragé, histoire initiatique mélodramatique qui révéla la crème de la nouvelle génération masculine des années 80, de Tom Cruise à Patrick Swayze. Coppola est un maître…
Synopsis : Oklahoma, fin des années 50. Deux bandes de jeunes s’affrontent : Les Greasers, issus des quartiers pauvres, et les Soc, les riches. Ponyboy, narrateur et personnage principal, nous raconte l’histoire. Pour prendre sa défense, Johnny a tué un Soc. Les deux jeunes doivent prendre la fuite. Dallas, un voyou plus âgé qu’eux, les prend sous son aile, mais les deux gamins vont malgré tout tomber dans la spirale de la violence.
Critique : Joli succès, notamment en France où il réalisa plus d’1 300 000 entrées, Outsiders, à l’instar de Coup de cœur ou Cotton Club, évoque le passé mythique de l’Amérique, ici celui des bandes rivales dans les quartiers pauvres d’Oklahoma (les Greasers), où l’accès aux études n’était pas garanti par le socle commun – problèmes familiaux, alcoolisme, délinquance, appauvrissement intellectuel, quand les minets nantis (les Socs), s’offraient en plus d’un avenir doré, les belles pépés du drive-in local. C’est justement dans ce type de cinéma, plaque tournante des gamins de l’époque, nonobstant leur milieu, que Coppola tourne l’une des scènes clés d’Outsiders.
Un film racé parmi les plus beaux du cinéaste
Ce film de caste, réalisé avec beaucoup moins d’ampleur commerciale que les précédents longs du cinéaste (Apocalypse now, Coup de cœur), puisqu’il n’est jamais question d’expérimentations cinématographiques, a quelque chose de reposant dans la filmographie du cinéaste, qui sortait ruiné de l’expérience désastreuse de Coup de cœur (fermeture de son studio, dettes jusqu’au cou…). Malgré toute la rage et la violence propre à l’impétuosité d’une jeunesse malheureuse, il émane de ce récit initiatique un apaisement, une volonté de catharsis de la part du cinéaste, à l’image des personnages, notamment celui joué par C. Thomas Howell, le jeune Ponyboy, dont l’initiation devra passer par la confrontation à la mort, l’abnégation et une réflexion poétique sur la vie, avec la perspective inévitable de s’en sortir autrement que par la violence, par les mots.
L’écrivain en herbe détonne dans cet environnement orphelin où il se retrouve entre deux frères protecteurs aux sensibilités et intelligences diamétralement opposées. Pour les deux, en tout cas, l’avenir du jeune homme est ailleurs, dans cette Amérique de la consommation qui promet la gloire des classes moyennes et l’ascenseur social aux méritants qui se creusent les méninges.
Un director’s cut trop mou
Si la version director’s cut de 2005 est trop longue, avec des apartés bavards ou contemplatifs patauds, elle se veut plus proche du roman de S.E. Hinton, publié en 1967. C’est une institutrice et ses élèves qui lui envoyèrent une pétition pour que le producteur du fameux Etalon noir réalise ce bel hymne à l’adolescence. Suite à un différend avec un producteur, il proposa à l’époque une version resserrée, avec plus d’émotions, où l’action semblait plus musclée (jusqu’au crescendo avec la très belle baston finale entre bandes rivales, parfaitement chorégraphiée). On lui en voudrait presque aujourd’hui de ne proposer que cette version plus longue, accordant plus d’importance au personnage de Rob Lowe (pas le meilleur des acteurs), grand frère du héros joué par C. Thomas Howell.
Une toile de maître à la poésie en Cinémascope
Néanmoins, la poésie parle d’elle-même : la caméra lyrique du cinéaste embellit les années 50, empreinte d’une nostalgie sincère et indubitable. L’utilisation formidable du Cinémascope donne aux images très technicolor une portée visuelle gratifiante. Quand bien même les acteurs jouent parfois sur des fonds verts, des toiles magistrales de cieux rougeâtres viennent ponctuer l’œuvre d’empathie à l’égard de cette jeunesse broyée par un déterminisme qui les conduira, pour deux d’entre eux, à des fins tragiques.
Outsiders et The Brat Pack
Considéré dans la filmographie du réalisateur comme le premier film d’un diptyque sur l’adolescence avec Rusty James qui consacra Matt Dillon et Mickey Rourke, The Outsiders voyait donc Coppola renoncer aux films adultes et, à l’instar de la plupart des réalisateurs de l’époque, réaliser une œuvre autour des adolescents. Mais refusant de limiter son propos aux seuls jeunes, il réconcilie exigences cinéphiliques, empirisme regard plein d’interrogation et de merveille de l’adolescent pour brosser un teen movie très différent de ce que proposait alors Hollywood. Les jeunes comédiens, qui formaient à l’époque The Brat Pack et dont la complicité dura quelques belles années après Taps d’Harold Becker (1982) et cet Outsiders, sont transformés en icônes par la bienveillance de Coppola. Outsiders est un magnifique vivier de révélations : C. Thomas Howell (Hitcher, roi de la série B des années 90), Ralph Macchio (futur Karaté Kid), feu Patrick Swayze (qui allait exploser dans Dirty Dancing et Ghost), Rob Lowe (Youngblood, avant que sa sextape ne vienne perturber sa carrière), Diane Lane (future Madame Christophe Lambert et depuis grosse vedette hollywoodienne), Emilio Estevez (fils de Martin Sheen et vedette de Breakfast Club), Tom Cruise en second rôle hyperactif à la dentition bancale, et surtout Matt Dillon. Le comédien de 17 ans, à la cinégénie épatante, sorte de réincarnation écorchée de James Dean, laisse la plus grande empreinte sur ce petit film, dans la très grande carrière de Coppola, qui, malgré ses maladresses de remontage (rythme lent, ton un peu mièvre, homo-érotisme involontaire un peu lassant), n’en demeure pas moins brillant.
Coppola travaillera sur l’adaptation d’un autre roman de Suzan Hinton pendant le tournage d’Outsiders. Celui de Rusty James était même achevé à la sortie française d’Outsiders, en septembre 1983, mais l’Amérique n’avait toujours pas pu découvrir ce nouveau bijou de famille. Matt Dillon, 18 ans, allait une fois de plus y crever l’écran et les Français allaient tomber dingue de lui 5 mois plus tard. Mais cela, vous le découvrirez ici.