Babylon : le défi de Damien Chazelle (2023)

Drame | 3h09min
Note de la rédaction :
10/10
10
Babylon, affiche du film de Damien Chazelle

  • Réalisateur : Damien Chazelle
  • Acteurs : Brad Pitt, Margot Robbie, Tobey Maguire, Jovan Adepo, Samara Weaving, Joe Dallesandro, Olivia Wilde, Katherine Waterston, Max Minghella, Lukas Haas, Diego Calva, Eric Roberts
  • Date de sortie: 18 Jan 2023
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Babylon
  • Titres alternatifs : Babylon: Rausch Der Ekstase (Allemagne), Вавилон (Ukraine), Babilônia (Brésil), Babil (Turquie)
  • Scénariste : Damien Chazelle
  • Directeur de la photographie : Linus Sandgren
  • Monteur : Tom Cross
  • Compositeur : Justin Hurwitz
  • Producteurs : Marc Platt, Matthew Plouffe, Olivia Hamilton
  • Sociétés de production : Paramount Pictures, C2 Motion Picture Group, Marc Platt Productions, Material Pictures
  • Distributeur : Paramount Pictures France
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Paramount Vidéo (DVD, blu-ray, 4K UHD, 2023)
  • Date de sortie vidéo : 24 mai 2023
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 505 989 entrées / 521 288 entrées
  • Box-office nord américain / monde : 15 300 000 $ / 63 300 000 $
  • Budget : 78 000 00$
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics avec avertissement : Le climat général et quelques scènes sont susceptibles de perturber un public sensible.
  • Formats : 2.39 : 1 / Couleur (35 mm, 4K) Dolby Digital
  • Festivals et récompenses : 5 nominations aux Golden Globes 2023 (Meilleur film, actrice, acteur, acteur dans un second rôle), 9 nominations aux Critics Choixe Awards, 3 nominations aux Oscars 2023 (meilleurs costumes, meilleurs décors et meilleure musique) / Golden Globes 2023 : Prix de la meilleure musique pour Justin Hurwitz
  • Illustrateur / Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2022 Paramount Pictures. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse : Alexis Rubinowicz, Jonathan Fischer, Leila Lamblin
  • Tagline : Par le réalisateur de La La Land et Whiplash
Note des spectateurs :

Grand film baroque, Babylon est un vibrant hommage au cinéma des origines supplanté par l’industrie et la censure d’une société américaine puritaine. La réalisation grandiose de Damien Chazelle en fait un spectacle époustouflant, excessif, drôle et émouvant. Un chef d’œuvre.

Synopsis : Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

Aux sources de Babylon

Critique : Après le triomphe absolu rencontré par son La La Land (2016), Damien Chazelle a connu une première déconvenue avec First Man : le premier homme sur la lune (2018), biopic qui n’a pas rencontré le succès escompté. Cela ne l’a toutefois pas empêché de trouver les financements nécessaires à la réalisation de sa grande fresque consacrée aux débuts d’Hollywood intitulée Babylon. Afin d’écrire son script, le cinéaste a passé une quinzaine d’années à effectuer des recherches sur les prémices de l’usine à rêves. Il s’est notamment inspiré du livre mythique de Kenneth Anger Hollywood Babylone datant de 1959. Mais comme le livre a été accusé à juste titre de relayer des légendes urbaines, le réalisateur a aussi étudié les destins de personnages sulfureux comme Fatty Arbuckle (dont un scandale sexuel agrémenté d’un meurtre a ruiné la carrière en 1921), Clara Bow ou encore l’acteur John Gilbert.

Babylon, photo 1

Babylon (2022) © 2023 Paramount Pictures

Autre source d’inspiration citée d’ailleurs de manière très émouvante lors de la dernière séquence, Chantons sous la pluie (Stanley Donen, 1952) revenait lui aussi de manière plus humoristique sur l’extinction du cinéma muet et la déferlante du parlant. Cela a offert à Damien Chazelle un magnifique terrain de jeu pour une œuvre gargantuesque de plus de trois heures menées à un rythme étourdissant par un réalisateur désireux de rendre hommage au septième art, tout en réglant ses comptes avec l’industrie du divertissement qui s’est construite sur des destins brisés et l’exploitation humaine.

Une séquence introductive ébouriffante de 30 minutes

Dans une structure tout à fait classique qui voit le film scindé en deux parties, l’une sur le temps des pionniers, l’autre sur le basculement vers l’industrialisation, le spectateur est invité à suivre le destin de deux étoiles montantes qui, comme lui, découvrent le milieu du cinéma. Dès l’étourdissante séquence introductive, le réalisateur nous plonge au cœur d’une fête hollywoodienne délirante qui se transforme petit à petit en un délire orgiaque. D’une durée de 30 minutes, cette séquence initiale a le mérite de poser les bases d’un film baroque marqué par tous les excès. Outre de la nudité, des moments scabreux avec urophilie et scatologie, Babylon ose tous les débordements, tous les moments d’hystérie collective et porte donc finalement bien son titre.

Au milieu de cette débauche, Damien Chazelle en profite toutefois pour présenter ses personnages principaux, à savoir un jeune mexicain (excellent Diego Calva) qui débarque dans un lieu étrange – le modèle du personnage semblerait être le futur acteur et cinéaste Rene Cardona – mais aussi une future starlette incarnée avec gourmandise par Margot Robbie et enfin une star confirmée fortement alcoolisée interprété avec autorité et charisme par Brad Pitt. Dès cette séquence inaugurale, Damien Chazelle fait preuve d’une extraordinaire maestria visuelle, enchaînant les plans-séquence avec une virtuosité affolante. Dès le départ, Babylon s’impose comme étant un grand moment de cinéma total, au risque d’éconduire les spectateurs désireux de plus de calme et de retenue. Une fois la séquence achevée, le titre peut enfin apparaître à l’écran, trente minutes après le lever de rideau.

Un vibrant hommage aux pionniers du septième art et à leur liberté créatrice

Si le cinéaste, avec cette longue introduction, nous prépare aux débordements baroques qui ne cesseront de déferler sur l’écran, il n’aborde alors le monde du cinéma que sous l’angle de la fiesta et de la décadence. La grande séquence suivante nous plonge dans l’effervescence des premiers plateaux de cinéma, plantés dans le désert californien, avec des structures amovibles qui ne sont pas encore des studios constitués. Au temps du muet, le cinéma était encore un art de plein air où n’importe quel artiste ambitieux pouvait devenir une star du jour au lendemain. Ce que Damien Chazelle entend montrer ici, c’est l’incroyable liberté de ce cinéma des origines, où même des femmes étaient parfois réalisatrices (il fait notamment référence ici à Dorothy Arzner), tandis que des personnes de la diversité pouvaient être engagées afin de séduire tous les publics. Bien entendu, il n’en cache aucunement les dérives et notamment l’exploitation de la main d’œuvre et l’absence de syndicats qui protégerait les employés, taillables et corvéables à merci.

Babylon, photo 2

Babylon (2022) © 2023 Paramount Pictures

Pourtant, à mi-chemin, le cinéaste convoque la révolution sonore qui s’abat sur Hollywood à partir de la fin des années 20 et de la fameuse séquence sonore du Chanteur de jazz (Alan Crosland, 1927). Dès lors, le cinéma hollywoodien entre dans une phase de redéfinition totale. Les impératifs sonores bouleversent les tournages, imposent un enfermement au sein de studios insonorisés, tandis que l’ensemble se structure en industrie. Cela donne lieu à une scène de tournage hilarante menée de main de maître par une Margot Robbie en grande forme. A cette époque de mutation, certains artistes du muet ne sont pas parvenus à passer le cap du parlant. Il s’agit ici du cas de John Gilbert qui a servi d’exemple au personnage joué par Brad Pitt, figure attachante et finalement déchirante lorsqu’il se rend compte que sa carrière est finie. La scène où il découvre que le grand public est hilare devant sa prestation lamentable dans un film sonore est d’une réelle cruauté. Sa confrontation avec une critique vipérine constitue un autre grand moment de cinéma, porté par des dialogues d’une grande cruauté psychologique.

Retour sur la censure et les ravages du code Hays

De son côté, la starlette incarnée par Margot Robbie n’est pas emportée par le sonore, mais par le vent de puritanisme qui s’est abattu sur Hollywood dans les années 30, avec notamment la mise en place du code Hays qui a été établi en 1930, avant d’être généralisé et totalement imposé à l’industrie en 1934. Dès lors, des artistes aussi libres que Clara Bow et quelques autres (synthétisées dans le personnage fictif de Margot Robbie) ne pouvaient qu’être clouées au pilori par la bonne société américaine. La fête était bien finie et le temps des censeurs était venu. Les femmes les plus audacieuses et libres devaient rapidement rentrer dans le rang et incarner des épouses modèles à l’écran, bien loin des vamps de l’époque du muet.

Pour évoquer une telle période, il fallait que le réalisateur s’empare du sujet avec la même liberté qu’il entendait chanter. Miracle, Babylon est tout sauf un film classique. Visiblement amateur du cinéma de l’excès typique des années 70, Damien Chazelle a fait le choix audacieux et risqué de ne pas plaire à tout le monde. Il pratique ici un humour volontairement grotesque et parfois fort vulgaire, tout en osant des scènes orgiaques rarement vues à Hollywood depuis des décennies. Emporté par un souffle baroque qui évoque souvent le cinéma fou d’un Fellini, Babylon vomit – au sens propre et au sens figuré – sur le bon goût du public cultivé et entend retrouver l’énergie première des œuvres pionnières du septième art. S’il n’évite pas toujours les dérapages, il offre au spectateur un vrai tourbillon d’images et de sons qui transcende certaines facilités pour s’élever au niveau du grand art.

Babylon, la liberté a un coût

Il parvient à nous faire rire, à nous émouvoir fortement lors de la dernière séquence qui est un vibrant hommage au cinéma, proche de The Fabelmans (Steven Spielberg, 2022), mais aussi à nous inquiéter lors d’une curieuse plongée au cœur des catacombes de Los Angeles à la suite de Tobey Maguire dans un étonnant rôle de mafieux à face de vampire. Un tel tourbillon ne peut laisser indifférent et Babylon ne fera assurément pas l’unanimité, mais il propose un cinéma total comme on en voit rarement au grand écran ces dernières années.

Malheureusement, notre enthousiasme et celui de nombreux critiques ont été douchés par les résultats catastrophiques de Babylon au box-office américain. Alors que le film constituait une réelle prise de risque à une époque où tous les studios jouent la sécurité et se méfient des grands auteurs, son crash est un très mauvais signe pour l’avenir. Car l’accident industriel est d’envergure aux States avec des chiffres ridicules : 15 300 000 $ de recettes nord-américaines pour un budget estimé entre 78 000 000 $ et 110 000 000 $. Le désastre est donc total.

Babylon, un échec mondial, mais la France sauve l’honneur

A l’international, seule la France a fait de Babylon un succès avec un total de 1 505 989 entrées. Cela représente donc un apport de 11 500 000 $ de bénéfices, faisant de la France le deuxième plus gros marché pour la fresque historique. Loin derrière, le Royaume-Uni constitue son troisième marché avec seulement 4 659 498 $ supplémentaires.

Babylon, photo 3

Babylon (2022) © 2023 Paramount Pictures

Tous les autres pays se situent aux alentours des 2 millions de dollars, voire beaucoup moins. Quant aux marchés émergents (Chine, Russie, Brésil), ils ont souvent opté pour le blocage de la sortie, sans doute en raison d’un contenu trop explicite pour eux. Il s’agit en tout cas d’une bien mauvaise nouvelle pour le grand cinéma, à mettre en parallèle avec l’échec de The Fabelmans, autre œuvre magnifique boudée par le grand public, malgré la caution de Steven Spielberg au générique.

Critique de Virgile Dumez

Notes sur le film :

Bien avant l’avènement du Code Hays, mis au point par un sénateur américain en 1930, afin de réguler et censurer strictement le contenu des films, Hollywood connut une heure de gloire et de décadence légendaire dans les années 20. Le cinéma muet, ouvert à toutes les thématiques les plus sulfureuses, sert ici de toile joyeuse et tragique aux excès d’une époque, par le réalisateur Damien Chazelle (La La Land), dont le scénario exclusif a fait saliver les plus grands studios.

Faute de pouvoir engager sa muse Emma Stone, en raison d’un report du tournage lors de la crise de la COVID-19, le cinéaste a pu compter sur Margot Robbie, Brad Pitt et un casting de seconds rôles exceptionnels. Paramount sortira ce projet de 80M$ en France le 18 janvier 2023 pour coller avec les nominations aux Oscars. Pour entrer en lice dans la catégorie du Meilleur film, la sortie américaine se fera progressivement à partir du 23 décembre 2022.

Notes sur le film : Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 18 janvier 2023

Babylon, affiche du film de Damien Chazelle

© 2022 Paramount Pictures

Frédéric Mignard

Biographies +

Damien Chazelle, Brad Pitt, Margot Robbie, Tobey Maguire, Jovan Adepo, Samara Weaving, Olivia Wilde, Katherine Waterston, Max Minghella, Lukas Haas, Diego Calva, Eric Roberts

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Bande-annonce de Babylon (VF non censurée)

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