Souhaitant réactiver la comédie absurde façon ZAZ, 38°5 quai des Orfèvres échoue souvent à faire rire à cause d’un tempo comique mal géré. Décevant.
Synopsis : Panique quai des Orfèvres ! Un tueur en série, surnommé le Ver(s) Solitaire, sème des alexandrins sur des scènes de crime, causant terreur et confusion. Clarisse Sterling, une jeune enquêtrice enthousiaste, se voit confier cette affaire sous la supervision du légendaire commissaire Keller. Armée de 200 g de chouquettes et d’un bel ananas bien placé, Clarisse doit jongler entre les bras cassés de la brigade criminelle et des énigmes tordues pour démasquer l’assassin… La mission impossible ne fait que commencer.
Un hommage aux comédies déjantées des ZAZ
Critique : Auteur et réalisateur de très nombreux programmes pour la télévision (Canal +, puis France Télévision), Benjamin Lehrer a aussi été repéré par son court-métrage Cendrillon du pied gauche (2010) qui traite du handicap. Il faut dire que Benjamin Lehrer souffre lui aussi d’une infirmité , ce qui a déterminé son envie de traiter ce sujet délicat. Pourtant, rien de tout cela ne transparaît dans son tout premier film de cinéma au titre absurde qui annonce la couleur : 38°5 quai des Orfèvres (2023).
A travers cette comédie déjantée, Benjamin Lehrer souhaitait surtout rendre hommage à un pan de cinéma qui n’est plus tellement à la mode de nos jours, à savoir la parodie absurde. Il s’inspire très clairement des films du trio fou Zucker – Abrahams – Zucker (Y a-t-il un pilote dans l’avion ?), mais aussi des délires de La cité de la peur (Berbérian, 1994) des Nuls ou encore plus récemment de Mais qui a tué Pamela Rose ? (Lartigau, 2003) avec Kad et Olivier.
38°5 quai des Orfèvres, une énième parodie du Silence des agneaux
Pour cela, Benjamin Lehrer a choisi de bâtir son univers sur la trame narrative du Silence des agneaux (Demme, 1991). Ainsi, Caroline Anglade interprète un personnage proche de celui de Jodie Foster dans le thriller horrifique terrifiant des années 90. Dans le même ordre d’idée, Pascal Demolon parodie la prestation d’Anthony Hopkins en dangereux fou criminel omniscient qui aide l’enquêtrice depuis sa cellule. D’ailleurs, le cinéaste n’arrête pas de citer le film culte dans ses dialogues, ce qui rend la référence assez écrasante, et plutôt lourde finalement.
© 2023 Carré Long Productions – Chabraque Productions – TF1 Films Production – DB Production / Photographie : Jean-Philippe Baltel. Tous droits réservés.
Malheureusement pour Benjamin Lehrer, au bout de quelques minutes, une constatation s’impose. Son premier film ne ressemble pas tant aux œuvres hilarantes dégoupillées par les ZAZ ou Les Nuls, mais bien davantage aux ersatz très moyens qui ont pullulé dans les années 90. On songe surtout au spoof movie italien Le silence des jambons (Ezio Greggio, 1994), d’une lourdeur pachydermique. Ce dernier était d’ailleurs déjà une parodie en règle du fameux thriller de Jonathan Demme.
Un timing comique déficient
En fait, le vrai problème de 38°5 quai des Orfèvres n’est pas tant dans la lourdeur globale des gags, mais surtout dans la mauvaise gestion du timing comique. Le cinéaste a voulu notamment imiter les ZAZ en multipliant les gags absurdes en arrière-plan, mais l’ensemble sonne faux et ne déclenche aucun rire. Il faut donc uniquement compter sur des dialogues parfois volontairement ridicules et sur quelques séquences vraiment drôles, généralement menées par le comique Artus qui est enfin drôle au cinéma, dans un emploi de médecin légiste pour le moins étrange.
A côté, Didier Bourdon nous offre quelques bons moments de comédie, mais l’acteur ne semble pas au meilleur de sa forme et ne parvient pas toujours à sublimer des dialogues pauvres et des situations embarrassantes. Même constat pour Caroline Anglade qui ne fait pas une héroïne très intéressante, même si on aime les passages où elle se révèle être une véritable bombe sexuelle en éruption.
Un nouveau Grand Prix de l’Alpe d’Huez sans grand intérêt
Parfois pathétique lorsqu’il se vautre dans des gags pipi-caca, 38°5 quai des Orfèvres peut toutefois amuser par sa volonté de réactiver un type d’humour burlesque que l’on croyait disparu. Il lui manque cependant un tempo comique imparable qui rendrait les gags vraiment désopilants. De manière assez étonnante, certains moments qui fonctionnent parfaitement grâce au montage de la bande-annonce ne marchent pas du tout dans le contexte du film.
Il s’agit donc d’une tentative louable, mais qui constitue un coup d’épée dans l’eau qui a tout de même glané le Grand Prix du Festival de comédie de l’Alpe d’Huez. Cela n’est plus vraiment une référence quand on consulte la liste des derniers lauréats (le pathétique Irréductible de Jérôme Commandeur, par exemple), souvent bien pires que cette comédie nanardesque qui n’en demeure pas moins sympathique.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 juin 2023
© 2023 Carré Long Productions – Chabraque Productions – TF1 Films Production – DB Production / Affiche : Les Aliens.com (agence) – Photographie : Jean-Philippe Baltel. Tous droits réservés.
Biographies +
Benjamin Lehrer, Didier Bourdon, Frédérique Bel, Pascal Demolon, Caroline Anglade, Yann Papin, Artus
Mots clés
Parodies, Comédies policières, Les tueurs fous au cinéma, Les flics ripoux et corrompus au cinéma