Adaptation d’un spectacle du Puy du Fou, Vaincre ou mourir aborde une période complexe de l’histoire par un biais idéologique rendant sa pertinence caduque. En outre, il s’agit d’une œuvre cinématographique très faible.
Synopsis : 1793. Voilà trois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entraînant à sa suite paysans, déserteurs, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…
De la docu-fiction à la fiction tout court
Critique : En 2021, Nicolas de Villiers, fils du politicien controversé Philippe de Villiers, crée une société de production originale nommée Puy du Fou Films. Le but de cette nouvelle structure est de conquérir le marché du film avec des œuvres librement inspirées des spectacles du fameux parc du Puy du Fou situé en Vendée. Ainsi, le premier spectacle à avoir les honneurs d’une transposition à l’écran est Le dernier panache qui a conquis des millions de visiteurs lors de ses représentations scéniques au sein du parc. Afin de concrétiser ce rêve de cinéma, Nicolas de Villiers a fait appel au scénariste et auteur Vincent Mottez qui est déjà connu des amateurs d’histoire pour avoir signé plusieurs numéros de l’émission Secrets d’histoire, présentée par Stéphane Bern.
Si l’ambition initiale était de réaliser une docu-fiction comme on en voit beaucoup sur le service public, Vaincre ou mourir a progressivement évolué vers autre chose. En s’attachant les services du cinéaste publicitaire Paul Mignot, le projet a pris une autre ampleur, devenant en cours de route une véritable fiction autour d’un personnage clé des guerres de Vendée, le controversé François Athanase Charette de La Contrie, nommé plus fréquemment Charette. Malheureusement, le long-métrage ne se remet pas de ce changement de braquet effectué en cours de production puisque Vaincre ou mourir n’est finalement ni une bonne docu-fiction, ni un bon film de cinéma.
Un biopic orienté qui se donne de fausses allures de film historique
Le film sur la Vendée rebelle débute par de très courts entretiens avec des historiens qui évoquent très rapidement le contexte révolutionnaire des années 1789-1793. La forme étonne d’autant plus que ce type de format ne correspond aucunement à une œuvre cinématographique, mais bien à un programme télévisuel. Trop courtes, ces interventions, dont une de l’historien Reynald Sécher dont la thèse sur le « génocide » vendéen est loin de faire l’unanimité parmi les historiens, n’ont visiblement pas d’autre but que de légitimer l’intégralité de ce qui va suivre, à savoir un biopic très orienté sur Charette, ce leader de la révolte vendéenne au parcours complexe.
Vaincre ou mourir échoue pleinement dans la caractérisation de ses personnages principaux. Là ou des œuvres comme Les Chouans (Calef, 1947) ou encore Chouans ! (De Broca, 1988) parvenaient à investir le champ de la fiction en impliquant le spectateur dans cette tragédie vécue effectivement par la Vendée, Vaincre ou mourir est sans cesse contaminé par son idéologie passéiste au risque d’en devenir caricatural. Ici, pas un Républicain pour sauver les autres, tandis que tous les Vendéens apparaissent comme des victimes du régime. Exit donc toute forme de nuance dans ce tableau à charge contre la République et l’héroïsation systématique des victimes de la Terreur.
Vaincre ou mourir, un film sans nuance qui ne sert pas sa cause
En réalité, si l’on omet deux ou trois petites erreurs, Vaincre ou mourir n’est aucunement faux sur le plan historique. Les faits et événements ont été globalement respectés. Le problème vient de l’absence de contextualisation (hormis les entretiens du début, trop évasifs) et dans le regard porté sur les événements. Ainsi, il n’est jamais fait mention du fait que de nombreux Républicains se sont insurgés contre l’horreur qui se déroulait en Vendée – notamment par le biais des Colonnes infernales, une réalité historique absolument glaçante. Ensuite, la figure de Charette n’est pas aussi lisse que celle proposée par les auteurs. Il ne faut pas oublier que pendant longtemps, les monarchistes ne se référaient pas à son action car sa vie était loin de répondre aux canons de l’Eglise, lui qui fut infidèle et qui, lors des combats, a même sciemment tué un prêtre.
Bien entendu, rien de tout cela n’est mentionné dans Vaincre ou mourir qui préfère faire de son héros une figure christique, comme l’indique la scène de son exécution, proche du dolorisme chrétien. Au lieu de tenter d’expliquer la période et sa dureté manifeste (la Terreur menée par Robespierre est assurément une honte pour la République), les auteurs préfèrent donc simplifier au-delà du raisonnable les enjeux pour ne livrer qu’un basique film de guerre opposant les gentils chrétiens maltraités et les méchants républicains mécréants.
Une réalisation confuse et une musique pompeuse
Enfin, signalons pour ceux ayant écrit que la période était méconnue et rarement traitée, qu’elle est enseignée en classe de Première au lycée sans faire l’impasse sur les massacres occasionnés par la République et que de nombreux films ont déjà abordé cette période sombre de notre histoire nationale (outre les deux films cités précédemment, on peut se rappeler également du Danton (1983) de Wajda et même de la deuxième partie du film officiel de La Révolution française (1989) dirigée par Richard T. Heffron et basée sur les violences républicaines sous le titre Les années terribles).
© 2022 Puy du Fou Films / Photographie : Christine Tamalet. Tous droits réservés.
Outre ce biais idéologique, Vaincre ou mourir est aussi et avant tout un mauvais film de cinéma. Baignant dans une lumière outrageusement esthétisante pour essayer de masquer la pauvreté initiale du budget, la réalisation de Paul Mignot et Vincent Mottez privilégie l’image publicitaire choc à la puissance de la suggestion. Ici, tout est surligné à l’envi par des plans signifiants, des dialogues ampoulés et une musique pompeuse qui dégouline en permanence des enceintes pour indiquer au spectateur quelle émotion il doit ressentir. A force de multiplier les batailles, jamais lisibles contrairement à ce que sait faire un cinéaste comme Ridley Scott, les réalisateurs noient leur œuvre dans un flot permanent de violence qui ne laisse jamais vivre les personnages, tous réduits à des archétypes.
Un téléfilm de luxe qui a su trouver son public en province
Noyés dans la masse, les acteurs ont d’ailleurs un mal fou à exister. Si Hugo Becker s’en sort moyennement dans le rôle de Charette, on remarque à peine Rod Paradot, pourtant si bon dans La tête haute (Bercot, 2015). Et que dire de l’intervention de Jean-Hughes Anglade, si ce n’est que l’acteur semble comme absent. Comme d’autres comédiens chevronnés peinent à s’imposer, on évoquera sans doute un défaut de direction générale. Terriblement ennuyeux, ce téléfilm de luxe échoue donc à faire partager le sort peu enviable de ces Vendéens qui méritaient bien mieux comme hommage que ce pamphlet au message politique douteux, visant à diviser le peuple français.
Soutenu par StudioCanal, le métrage qui s’annonçait polémique a finalement été distribué par Saje Distribution, société habituée à sortir des films chrétiens sur notre territoire. Le résultat a été assez prévisible à Paris où le film n’a trouvé que six salles pour le programmer. Le long-métrage n’a pas dépassé les 59 175 Franciliens en fin de carrière. Le reste de la France a été plus conciliant avec une belle entame la semaine de sa sortie – 107 762 entrées dans 188 sites, ce qui en a fait la meilleure moyenne de la septaine. Par la suite, le long-métrage a profité de la polémique l’entourant et a continué à attirer un public conquis d’avance en se maintenant parfaitement bien. Il a terminé sa course avec 306 433 aficionados de CNews, ce qui en fait à ce jour le plus gros succès du distributeur Saje.
Critique de Virgile Dumez
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Affiche RYSK © Photos : Thibault Grabherr & Christne Tamalet
Biographies +
Vincent Mottez, Paul Mignot, Olivier Barthélémy, Jean-Hugues Anglade, Anne Serra, Dorcas Coppin, Francis Renaud, Gilles Cohen, Antoine Basler, Dominique Bettenfeld, Grégory Fitoussi, Hugo Becker, Rod Paradot, Constance Gay
Mots clés
La révolution française au cinéma, Film historique, La religion au cinéma