Les Chouans : la critique du film (1947)

Drame, Historique | 1h39min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les chouans, l'affiche

  • Réalisateur : Henri Calef
  • Acteurs : Jean Marais, Louis Seigner, Howard Vernon, Madeleine Robinson, Paul Amiot, Jean Brochard, Madeleine Lebeau, Marcel Herrand, Pierre Dux
  • Date de sortie: 21 Mar 1947
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Les chouans
  • Titres alternatifs : The Royalists (titre international) / Los chuanes (Espagne) / I ribelli della Vandea (Italie)
  • Année de production : 1947
  • Scénariste(s) : Charles Spaak, Pierre Brive, d'après le roman d'Honoré de Balzac / Dialogues : Charles Spaak
  • Directeur de la photographie : Claude Renoir
  • Compositeur : Joseph Kosma
  • Société(s) de production : Productions Georges Legrand, Les Films Corona
  • Distributeur (1ère sortie) : Les Films Corona
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : René Château Vidéo (VHS, 1990) / M6 Vidéo (DVD, 2008 et réédition en 2014)
  • Date de sortie vidéo : 9 décembre 2014 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 2 735 821 entrées / 604 363 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Pierre Pigeot.
  • Crédits : © 1946 SNC (Groupe M6)
Note des spectateurs :

Les Chouans oppose royalistes et républicains pour délivrer un message de concorde nationale nécessaire dans l’après-guerre. Le mélodrame historique s’avère efficace, porté par une réalisation inspirée et des acteurs chevronnés.

Synopsis : Sous le Directoire, le jeune marquis de Montauran prend, en Vendée, la tête de la révolte des Chouans. Mais, il nourrit une passion dévorante pour Marie de Verneuil une espionne au service de la République…

Une énième adaptation de Balzac dans les années 40

Critique : En 1946, le réalisateur Henri Calef rencontre un phénoménal succès avec son deuxième long-métrage intitulé Jéricho, mené par Pierre Brasseur. Effectivement, près de quatre millions de Français se ruent dans les salles pour assister à un intense drame situé durant l’Occupation. Ce coup d’éclat met ainsi la lumière sur un jeune réalisateur israélite, rescapé de la Seconde Guerre mondiale et proche du Parti communiste. Calef peut donc proposer un projet coûteux aux producteurs, à savoir une adaptation d’un roman de jeunesse d’Honoré de Balzac intitulé Les chouans.

Les chouans, jaquette DVD

© 1946 SNC (Groupe M6) / © 2014 SND (Groupe M6). Tous droits réservés.

Il faut dire que le célèbre écrivain est en odeur de sainteté auprès des producteurs français depuis le début des années 40, avec bon nombre d’adaptations qui ont marqué les esprits. Parmi elles, citons notamment La fausse maîtresse (Cayatte, 1942) avec Danielle Darrieux, La duchesse de Langeais (de Baroncelli, 1942) avec Edwige Feuillère, Vautrin (Billon, 1943) avec Michel Simon, Le colonel Chabert (Le Hénaff, 1943) avec Raimu et Le père Goriot (Vernay, 1945) avec Pierre Renoir. Même l’Italie s’y est mise avec Eugénie Grandet (Soldati, 1946) avec Alida Valli.

Henri Calef inverse la vision politique du roman

Henri Calef parvient à convaincre le producteur indépendant Georges Legrand d’investir dans ce projet d’adaptation des Chouans, d’autant que le script est écrit par Charles Spaak, déjà adaptateur de Jéricho et surtout véritable autorité dans son domaine au cours des années 30. En contrepartie, Georges Legrand impose la présence dans le rôle principal de Jean Marais qui connaît une formidable popularité depuis le triomphe de L’éternel retour (Delannoy, 1943). La présence au générique de la jeune star est alors l’assurance d’un succès en salles.

On pourrait trouver étonnant qu’un artiste comme Henri Calef, connu pour ses accointances avec le Parti communiste, s’empare d’un roman de Balzac plutôt favorable aux royalistes. En réalité, Calef modifie considérablement le point de vue du romancier du 19ème siècle pour l’accorder au sien. Ainsi, au lieu de prendre le parti des insurgés que sont les Chouans, Calef propose une vision plus équilibrée qui tente de réconcilier les deux partis, royalistes et républicains. Le cinéaste n’a pas caché sa volonté de commenter en réalité la situation de la France de l’après-guerre, à travers celle des guerres révolutionnaires.

Vers la concorde nationale ?

Son but initial était de contribuer à la réconciliation nationale après les troubles de la Seconde Guerre mondiale que l’auteur assimile à une guerre civile. Idéalement, il ne cherche pas à prendre parti pour un camp plus qu’un autre, mais préfère insister sur l’histoire d’amour tragique qui unit Jean Marais (chouan) à Madeleine Lebeau (espionne républicaine). Le couple symbolise en quelque sorte la France idéale, celle qui pourrait vivre en parfaite harmonie malgré ses différences de vue sur le plan politique. Notons toutefois que le film se termine de manière tragique, voire mélodramatique, ce qui n’est pas nécessairement de bon augure pour le pays.

D’ailleurs, Henri Calef et Charles Spaak ne sont pas tendres avec les extrémistes de tout bord. Ainsi, le personnage de l’abbé incarné par Louis Seigner tient un discours maximaliste qui fait appel à la notion de guerre sainte contre la République. D’ailleurs, Les Chouans a connu une sortie agitée et polémique car l’Église est parvenue à faire couper plusieurs scènes où apparaissait l’extrémisme de l’abbé. De l’autre côté, la République ne semble guère capable de discuter et les personnages incarnés par Pierre Dux et l’excellent Marcel Herrand (magnifique chef de la police, bien retors) possèdent une belle ambiguïté. Finalement, le montage proposé au grand public, et toujours diffusé aujourd’hui, permet de respecter un certain équilibre dans les points de vue et de renforcer le message d’amour et de concorde du film.

Les Chouans est magnifié par la photographie de Claude Renoir

Très beau sur le plan esthétique grâce aux éclairages savants de Claude Renoir, Les Chouans ne propose pas de grands mouvements d’appareil car Henri Calef semble davantage inspiré par le cinéma soviétique de l’ère du muet. Il valorise ainsi les cadrages fixes mais très élaborés, jouant notamment sur la profondeur de champ et l’expressivité des acteurs. Le cinéaste n’est donc pas un adepte de l’esbroufe virtuose, mais sa mise en scène n’en est pas moins puissante grâce à une véritable science de la mise en cadre.

Il est aidé par un casting absolument impeccable. Jean Marais compose un personnage romantique et idéaliste qui lui va bien, Madeleine Lebeau est juste en amoureuse transie, tandis que Madeleine Robinson s’impose en royaliste intraitable. Tous les autres seconds rôles apportent une virtuosité issue du théâtre, une aisance dans les déplacements et dans l’expression du dialogue qui ravissent, tout en donnant un petit aspect artificiel à l’ensemble.

Une sortie sous le signe de la polémique et de la censure

Sorti au mois de mars 1947, Les Chouans a eu à subir plusieurs polémiques, liées notamment à ses attaques envers l’Église, ainsi que des critiques plutôt partagées. Comme indiqué précédemment, le métrage a subi quelques coupes pour calmer la fureur des autorités ecclésiastiques. Cela n’a pas empêché le long-métrage d’attirer dans les salles obscures 2,7 millions de spectateurs. Comme l’année 1947 fut encore magnifique en termes d’exploitation, le film ne se situe qu’à la 27ème place annuelle, ce qui fut considéré comme une déception pour une œuvre portée par Jean Marais.

Par la suite, le long métrage a fait l’objet de quelques éditions en VHS chez René Chateau Vidéo, puis en DVD chez M6 Vidéo, mais il est globalement tombé dans l’oubli, de même que l’ensemble de l’œuvre de son réalisateur Henri Calef. Seule la présence de Jean Marais lui permet encore d’être édité.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 19 mars 1947

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Les chouans, l'affiche

© 1946 SNC (Groupe M6) / Affiche : © Pierre Pigeot. Tous droits réservés.

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