The Ghost Writer : la critique du film (2010)

Thriller politique | 2h08min
Note de la rédaction :
9/10
9
Affiche de The Ghost Writer de Roman Polanski

  • Réalisateur : Roman Polanski
  • Acteurs : Timothy Hutton, Kim Cattrall, Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Eli Wallach, James Belushi, Olivia Williams, Jon Bernthal, Tom Wilkinson
  • Date de sortie: 03 Mar 2010
  • Année de production : 2010
  • Nationalité : Français, Allemand, Britannique
  • Titre original : The Ghost Writer / The Ghost
  • Titres alternatifs : Der Ghostwriter (Allemagne), L'écrivain fantôme (Québec), Skyggen (Danemark), Es Escritor (Espagne), Autor widmo (Pologne), L'uomo nell'ombra (Italie), The Ghost (Royaume-Uni), El escritor oculto (Argentine, Chili, Pérou), Marioneta (Roumanie), O Escritor Fantasma (Portugal), Szellemíró (Hongrie),
  • Scénaristes : Robert Harris, Roman Polanski
  • D'après le roman de Robert Harris (The Ghost)
  • Directeur de la photographie : Pawel Edelman
  • Monteur : Hervé de Luze
  • Compositeur : Alexandre Desplat
  • Producteurs : Robert Benmussa, Roman Polanski, Alain Sarde
  • Sociétés de production : Pathé, R.P. Productions, France 2 Cinéma , Elfte Babelsberg Film GmbH, Runteam III
  • Distributeur : Pathé Distribution 'France) / Summit Distribution (USA)
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Pathé Vidéo
  • Date de sortie vidéo : 8 septembre 2010 (DVD & Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 079 660 entrées / 408 386 entrées
  • Box-office nord américain / monde : 15 541 549$ / 60 331 447$
  • Budget : 45 000 000$ / 29 600 000 euros
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics / PG-13 (USA)
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleur (35mm, D-Cinema) / DTS, Dolby Digital
  • Festivals : Berlin International Film Festival (2010), Belgrade Film Festival (2010), Hong Kong International Film Festival (2010), Melbourne International Film Festival (2010), Tokyo International Film Festival (2010)
  • Récompenses : 33 prix et 57 nominations - Prix Lumière du Meilleur réalisateur, Meilleur réalisateur à Berlin, Etoiles d'or du Meilleur réalisateur et de la Meilleure musique, 4 César dont celui de Meilleur réalisateur, Meilleur Montage, Meilleure adaptation et Meilleure musique (sur un total de 8 nominations), 6 Prix sur 8 nominations aux European Film Awards, dont Meilleur film européen et Meilleur réalisateur, 2 Goldon Globes aux USA, Meilleur Film Européen (Polish Film Awards), nommé au Goya du Meilleur film européen...
  • Crédits : © 2010 R.P. Films - France 2 Cinéma - Elfte Babelsberg Film GmbH - Runteam III Ltd. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Affiche : Photo © Guy Ferrandis. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

The Ghost writer, thriller politique passionnant marque en 2010 un nouveau sommet dans la carrière exceptionnelle de Roman Polanski. Subtile et brillante, l’œuvre d’un maître.

Synopsis : The Ghost, un ” écrivain – nègre ” à succès est engagé pour terminer les mémoires de l’ancien Premier ministre britannique, Adam Lang. Mais dès le début de cette collaboration, le projet semble périlleux : une ombre plane sur le décès accidentel du précédent rédacteur, ancien bras droit de Lang…

Une sortie en pleine “affaire Polanski”

Critique : 2010. De Berlin, lors de sa programmation exclusive, jusqu’aux César un an plus tard, The Ghost Writer – également titré The Ghost, outre Manche, s’impose comme l’une de ces belles leçons de cinéma dont sont capables les plus grands. Pourtant, lors de ce moment d’euphorie, le cinéaste est alors en Suisse, sous contrôle policier depuis le mois de septembre, et risque une extradition dans le cadre de l’affaire Polanski.

Avec l’adaptation du roman L’homme de l’ombre de Robert Harris (également ici co-scénariste), Roman Polanski dissipe des mois de scandales judiciaires pour livrer la plus belle des vengeances, un must cinématographique au goût délicieusement salé.

Un puzzle politique, psychologique et littéraire qui confine à la maestria

Thriller austère dans son rythme (deux heures dix et une absence quasi totale d’action) et son goût esthétique pour la dépression (une météo insulaire morose, baignant dans une photographie désabusée), The Ghost Writer est l’incarnation du film malin. Le cinéaste charpente, avec une dextérité hitchcockienne, un récit opaque aux vertus fascinantes de l’hypnose, rassemblant les pions d’un puzzle politique, sans jamais trop en dévoiler, brouillant les pistes pour mieux captiver son audience, et érigeant la femme en maîtresse trouble d’un jeu de manipulation à plusieurs niveaux.

Dans The Ghost Writer, Roman Polanski plonge le personnage d’Ewan McGregor, nègre d’un ancien premier ministre britannique joué par un solide Pierce Brosnan, le temps d’une autobiographie événement, dans les coulisses du pouvoir. L’homme de l’ombre qu’il est (cf. le titre du bouquin original) débarque sur l’île américaine où le politicien, son élégante femme, et son équipe se sont retirés.

L’écrivain de l’ombre dans les méandres du pouvoir et de sa communication

En marge de la société, dans un environnement balayé par les éléments, l’homme de lettres essaye d’extirper des vérités d’une figure policée par le décorum de son ancienne fonction. Remplaçant au pied levé l’ancien « ghost writer », mort sur une plage de cette même île, des suites d’un suicide qui ne convainc personne, l’écrivain intervient dans la vie de cette haute figure mondiale au moment où éclate un scandale ravageant sa vie. Le premier ministre est rattrapé par ses « erreurs de gestion » d’une guerre contre le terrorisme dont il s’est fait le chantre, avec sa proche alliée, l’Amérique, et qui lui vaut aujourd’hui des accusations de crime contre l’humanité, pour avoir favorisé des actes de torture.

L’écrivain de l’ombre voit ainsi l’homme du jour au pied du mur, abandonné par ses amis du gouvernement et par Downing Street, éclaboussé par ses agissements secrets. Pris dans un engrenage, entre reconstruction d’une biographie qui lui est imposée et qui ne colle pas, le détective de la plume bascule dans une spirale de faux-semblants, à la marge de la schizophrénie. Il est aspiré par le royaume agité de la communication où l’être et le paraître s’embrassent jusqu’à fusionner, au service d’une cause plus grande qui doit absolument rester dissimulée du public.

Roman Polanski renoue avec la paranoïa

Dans ce jeu de mystère, Polanski intervient comme le maître de la démence paranoïaque qu’il a été quarante ans plus tôt, à l’époque de Répulsion, Rosemary’s Baby et Le Locataire. Polanski nourrit ses rebondissements d’une clairvoyance satirique particulièrement d’actualité. Au moment où The Ghost Writer sort, Tony Blair, source première de l’inspiration de l’ouvrage et du film, est lui-même sujet à une polémique sur son engagement aveugle dans la guerre en Irak, aux côtés de George Bush, avec lequel il aurait signé un accord secret. Pareille mascarade politique ne passerait pas à l’écran sans une vraie épaisseur des personnages. Ils sont ici  insondables et complexes. Avec un écho shakespearien sur les rouages diaboliques du pouvoir (Polanski, le cinéaste de Macbeth, en 1972, se rappelle à nous),  le whodunit à grande échelle balaie les thèses simplistes pour étoffer les discours les plus subversifs (l’homme politique, ancien acteur de théâtre, ne serait-il pas une poupée dans les mains de forces qui le dépassent ?).

Roman Polanski face à l’Amérique

Le thriller insulaire offre finalement à Polanski, l’homme pourchassé par les juges américains depuis plus de 30 ans, l’opportunité, qu’on imagine mal inconsciente, de régler ses comptes avec l’état où il est lui-même persona non grata. Les USA apparaissent dans le film isolés, en particulier leur chef d’état, honni par ses propres compatriotes. Avec ironie, c’est d’ailleurs en Amérique que le premier ministre déchu doit partir en exil, alors que le monde entier réclame que justice soit faite !

Si avec The Ghost Writer on ne parlera pas d’apothéose dans une carrière marquée par le génie, nous en évoquerons la substantielle maestria du film, synthèse mature de toutes les œuvres de forcené du passé trouble du cinéaste polonais. Quand au passé artistique proche de l’auteur, en perpétuel quête de rédemption publique, on saluera respectueusement le sursaut salvateur que représente ce thriller dans la carrière d’un homme dont les derniers films (Le pianiste et Oliver Twist), même s’ils étaient réussis, ronflaient d’académisme.

Frédéric Mignard

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Les sorties de la semaine du 3 mars 2010

Affiche de The Ghost Writer de Roman Polanski

© Pathé Distribution

Biographies +

Box-office :

Un certain succès mondial, en particulier en France et en Espagne.

Production européenne copieuse, dotée d’un budget de 45M$, The Ghost Writer ne pouvait pas compter sur les Etats-Unis pour rassembler un public. Thriller adulte sans atouts commerciaux, l’œuvre a eu beau bénéficier de critiques positives chez l’Oncle Sam, sa sortie limitée sur 4 écrans prestigieux le 19 février, n’allait aboutir qu’à un score de 15M$ localement. Ce ne fut pas une catastrophe, loin de là, puisque The Ghost Writer ne sera jamais exploité au-delà des 819 écrans ; le film trouvera même un certain bouche-à-oreille qui lui permettra de rester 17 semaines à l’affiche en Amérique du Nord.

The Ghost Writer contre Shutter Island

En Europe, en revanche, The Ghost Writer savourera ses critiques dithyrambiques et une approche du public plus intellectuelle de son récit. Evidemment la France, dès le 3 mars, montera au créneau et offrira plus de 7 870 000$ à un film qu’elle a logiquement coproduit via Pathé.

En démarrant à 323 000 entrées sur 292 salles, le thriller ne souffre pas du phénomène tout récent qu’est Shutter Island de Scorsese qui demeure largement en tête, avec 200 salles de plus. Les deux films insulaires empruntent des voies différentes. Celle de Shutter Island est irrémédiablement plus rentre-dedans, avec des effets vendeurs auprès d’un large public. Peu importe, The Ghost Writer s’affirmera pendant trois semaines avec une baisse relativement faible en 2e et 3e semaines (-31%, puis -9%, merci le Printemps du Cinéma). Au final, Polanski sera acclamé Meilleur réalisateur aux César où son film glanera trois autres prix, et pourra s’enorgueillir du million d’entrées sur la France. Pour une œuvre austère avec un casting pas forcément vendeur, la réussite est patente.

L’Allemagne déçoit malgré une première à Berlin

Dans le reste de l’Europe, l’Espagne se montrera particulièrement intéressée, derrière l’Hexagone, et devient le troisième marché mondial (7 125 447$). Le Royaume-Uni suit avec 5 719 837$. Curieusement, l’Allemagne, à la fois coproductrice et lieu de la première mondiale, lors du Festival de Berlin, arrive loin derrière, entre l’Italie (4.8M$) et la Pologne (2.6M), avec seulement 3 147 000$.

Au final, grâce à des dizaines de marchés mondiaux, The Ghost Writer récupère 60M$ dans les tranchées des salles internationales. Un beau score à une époque où le nom de Polanski est redevenu polémique et où le sujet politique n’était pas non plus des plus affriolants.

Aux European Film Awards, cette coproduction franco-allemande et britannique ravira six prix, dont celui du Meilleur film européen et du Meilleur cinéaste.

Frédéric Mignard

The Ghost Writer de Roman Polanski, affiche alternative

© 2010 R.P. Films – France 2 Cinéma – Elfte Babelsberg Film GmbH – Runteam III Ltd

Le test blu-ray

Reçu avec peu d’honneur aux Etats-Unis, The Ghost Writer de Roman Polanski a obtenu les papiers les plus élogieux de la part de la presse européenne et a glané dans les salles près d’un million de spectateurs français avides de scandales politiques.  Une édition DVD et blu-ray canonique fut éditée dans la foulée, au deuxième semestre de l’année 2010. Nous noterons que 13 ans après sa sortie au cinéma et en blu-ray, aucune édition 4K n’a été présentée.

Compléments : 1.5 / 5

Dans la section bonus, trois modules sont disponibles dont deux sont vraiment passionnants. L’entretien avec le romancier et co-scénariste Robert Harris (10mn) est très précieux puisqu’il évoque en détail la création du livre et le travail d’adaptation effectué conjointement avec Roman Polanski. L’interview exclusive avec le cinéaste (8 mn) permet de découvrir quelques secrets de la conception du film. Par contre, la section concernant les acteurs (11mn) est bien trop promotionnelle pour convaincre. Tous les acteurs se congratulent et jugent qu’ils ont tourné avec les meilleurs partenaires possibles. L’éditeur propose enfin la traditionnelle bande-annonce et une galerie photo très accessoire.

Image : 5 / 5

Assurément le gros point fort de cette édition, la copie proposée est tout bonnement splendide. Elle met en valeur le parti-pris photographique (teintes grises) sans jamais être terne. Les nombreuses séquences en basse luminosité ont même un éclat providentiel qui en font un constant plaisir des yeux.

Son : 3.5 / 5

Si les deux pistes en DTS-HD Master-Audio (VO et VF) sont à peu près équivalentes, nous préférons la version originale, bien plus naturelle dans le rendu des voix. Le film étant relativement intimiste, le 5.1 se révèle discret, mais malgré tout bien présent lors des quelques moments chocs du long-métrage. Il est en tout cas parfait pour restituer l’ambiance inhospitalière du décor principal du film.

Virgile Dumez

The Ghost Writer de Roman Polanski, VOD

© 2010 R.P. Films – France 2 Cinéma – Elfte Babelsberg Film GmbH – Runteam III Ltd

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Affiche de The Ghost Writer de Roman Polanski

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