Répulsion : la critique du film et le test blu-ray (1966)

Drame, Thriller | 1h45min
Note de la rédaction :
10/10
10
Répulsion, l'affiche de 2017

  • Réalisateur : Roman Polanski
  • Acteurs : Catherine Deneuve, Roman Polanski, Ian Hendry, Patrick Wymark, John Fraser, Yvonne Furneaux
  • Date de sortie: 07 Jan 1966
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : Repulsion
  • Titres alternatifs : Ekel (Allemagne) / Repulsión (Espagne) / Repulsa (Portugal) / Wstręt (Pologne) / Iszonyat (Hongrie) / Repulsa ao Sexo (Brésil)
  • Année de production : 1965
  • Scénariste(s) : Roman Polanski, Gérard Brach et David Stone (adaptation en anglais)
  • Directeur de la photographie : Gilbert Taylor
  • Compositeur : Chico Hamilton
  • Société(s) de production : Compton Films, Tekli British Productions
  • Distributeur (1ère sortie) : Albatros Films
  • Distributeur (reprise) : Carlotta Films (2017)
  • Dates de reprise : 27 octobre 2010 / 24 mai 2017
  • Éditeur(s) vidéo : Fil à Film (VHS) / Aventi (DVD, 2006 et 2007) / M6 Vidéo (DVD, 2015) / Carlotta Films (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 5 mai 2021 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 520 361 entrées / 215 223 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : 300 000 $ (2,6 M$ au cours ajusté de 2022)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
  • Formats : 1.66 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Ours d'argent et prix FIPRESCI de la Berlinale 1965
  • Illustrateur / Création graphique : Jan Lenica (affiche originale) / Dark Star (affiche reprise 2017)
  • Crédits : Compton Films, Tekli British Productions
Note des spectateurs :

Premier chef d’œuvre de Polanski, Répulsion constitue une incursion déstabilisante au cœur de la folie d’une femme, le tout magnifié par l’interprétation impeccable de Catherine Deneuve. Un bijou.

Synopsis : Une femme que le sexe révulse et qui désapprouve le petit ami de sa sœur sombre dans la dépression et a des visions horribles de viol et de violence.

Un second long-métrage difficile à produire

Critique : Après l’accueil très positif reçu par son premier long-métrage Le couteau dans l’eau (1964), le cinéaste polonais Roman Polanski décide de quitter définitivement son pays d’origine et s’exile d’abord en France – où il fait la connaissance de Gérard Brach, son futur scénariste fétiche – puis en Angleterre. Il rédige notamment le script de Répulsion (1965) qu’il tente de vendre à plusieurs maisons de production, d’abord en France, puis au Royaume-Uni. Pourtant, malgré la nomination à l’Oscar du meilleur film étranger octroyé à son premier opus, aucun producteur ne veut se lancer dans l’aventure.

Répulsion, l'affiche de 1966

© 1965 Compton Films – Tekli British Productions / Affiche : Jan Lenica. Tous droits réservés.

Finalement, Roman Polanski réussit à convaincre la petite société Compton Films d’investir dans son second long-métrage qu’il présente comme un film d’horreur bon marché. Il faut dire que la compagnie est spécialisée dans le cinéma d’exploitation et l’érotisme soft. Comme le précise Polanski dans l’ouvrage Polanski par Polanski (Chène, 1986, p 59) :

Le budget était misérable : 45 000 livres. Comme pour beaucoup de mes films, j’ai été forcé d’accepter des conditions de départ suicidaires et ensuite il a été impossible de rester à l’intérieur de ce qui était prévu. […] Au tournage, à l’épreuve des faits, on finit par dépenser ce qui, de toute évidence, était nécessaire au départ… C’est ainsi que Répulsion a coûté quelque 90 000 livres à l’arrivée, contribuant à ma réputation de « metteur en scène à dépassement ». La réalité, c’est que Répulsion a coûté très peu d’argent (et en a rapporté beaucoup).

Roman Polanski et Catherine Deneuve, une rencontre à la hauteur des attentes

Le tournage a donc été marqué par un constant affrontement entre Polanski et ses producteurs. Par contre, l’ambiance fut très studieuse sur le plateau, renforcée par la symbiose entre le cinéaste et son interprète principale, une très jeune Catherine Deneuve qui montrait déjà sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans un unique emploi. Il faut dire que l’actrice, pas encore star, est de quasiment tous les plans de Répulsion et qu’elle porte donc l’intégralité du film sur ses épaules. Elle s’y révèle absolument formidable. Polanski est également secondé par le directeur de la photographie Gilbert Taylor qui a déjà travaillé avec des pointures comme Stanley Kubrick. Véritable star dans son domaine, le technicien fait preuve d’un savoir-faire impeccable, faisant de chaque plan du film un modèle en matière d’éclairage contrasté.

Roman Polanski débute ainsi son film comme une œuvre inspirée de la Nouvelle Vague. Il tourne en pleine rue, avec une caméra portée très mobile, suivant pas à pas son héroïne fort jolie, mais dont on sent assez rapidement les fêlures. Le réalisateur prend son temps pour inscrire son long-métrage dans un réalisme cru, détaillant longuement l’appartement où tout va se jouer. Petit à petit, la jeune femme laisse apparaître son dégoût pour le sexe en général et les hommes en particulier. Sans jamais le dire explicitement, on peut estimer que la jeune fille a sans doute été abusée dans son enfance, comme le suppose le dernier plan du film sur la photo de famille.

Autopsie clinique d’une folie liée à une sexualité problématique

La dimension sexuelle de Répulsion est évidente, même si pas totalement explicite à cause de la censure de l’époque. Le long-métrage semble pourtant encore aujourd’hui d’une grande modernité dans sa description d’une masculinité toxique vis-à-vis de certaines femmes. Toutefois, loin d’être univoque, Répulsion propose aussi quelques personnages masculins positifs, tandis que Catherine Deneuve est certes traumatisée, mais elle sombre dans une terrible folie meurtrière. Dès lors, le métrage se concentre sur les sensations éprouvées par le personnage et donne corps à ses fantasmes et ses hantises. Ainsi, Polanski fait basculer son film dans un fantastique qui demeure fortement teinté de réalisme. On adore notamment toutes les scènes de meurtre, particulièrement violentes encore de nos jours, ainsi que la scène des mains qui sortent des murs – sorte de version horrifique d’une célèbre séquence de La Belle et la bête de Cocteau (1946).

Parmi les autres influences de Polanski, on ne peut pas faire l’impasse sur celle d’Orson Welles, notamment dans sa façon d’utiliser le grand-angle pour déformer les images, ainsi que de cadrer les intérieurs afin de faire ressentir le poids des plafonds. Le tout est monté avec une réelle maestria, faisant de ce long-métrage apparemment sans histoire un modèle de cohérence et un vrai bijou du cinéma mondial. Pourtant, Roman Polanski demeure assez sévère sur son propre film, déclarant notamment :

En conséquence, Répulsion n’est qu’un compromis artistique qui n’atteignit jamais à la qualité que je désirais. Avec le recul, les effets spéciaux me semblent gauches et le décor manque de fini. De tous mes films, Répulsion est le moins abouti – techniquement bien inférieur aux critères que j’ai l’habitude de me fixer.

Répulsion célébré au Festival de Berlin 1965

Nous ne sommes pas franchement d’accord avec le réalisateur et nous nous rangeons davantage du côté du jury du Festival de Berlin de 1965 qui lui a attribué non seulement l’Ours d’argent, mais aussi le prix FIPRESCI. Le métrage a connu un joli succès d’estime en salles en France au mois de janvier 1966. En fin d’exploitation, le métrage a glané 520 361 entrées sur l’ensemble du territoire français. De quoi confirmer l’espoir placé en Polanski en ce milieu des années 60.

Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 janvier 1966

Répulsion, l'affiche de 2017

© 1965 Compton Films – Tekli British Productions / © 2017 Carlotta Films. Affiche : Dark Star. Tous droits réservés.

Le test blu-ray :

L’éditeur Carlotta propose deux éditions différentes du long-métrage : l’une avec un unique blu-ray et l’autre dans une version Prestige avec des goodies.

Compléments & packaging : 4,5 / 5

Il s’agit d’une sortie prestigieuse pour l’éditeur qui soigne toujours autant son packaging. A l’intérieur de la version Prestige limitée à 1 000 exemplaires, l’acheteur trouvera le DVD et le blu-ray du film, mais aussi des fac-similés reprenant un extrait du scénario et du dépouillement du film, ainsi qu’un jeu de cinq photos du film et l’affiche.

Sur la galette elle-même, on retrouve de nombreux suppléments dont un commentaire audio de Roman Polanski et Catherine Deneuve qui reviennent en détail sur le tournage et leur collaboration fructueuse. Autre document formidable, Grand Écran : Roman Polanski (21min) permet de suivre en direct le tournage du film. On peut notamment y voir le cinéaste au travail, toujours aussi directif et précis dans ses demandes. La relation avec Catherine Deneuve semble très respectueuse et collaborative, même si le réalisateur demeure très pointilleux. Passionnant. Ensuite, l’éditeur nous fournit un making of rétrospectif datant de 2003 (24min) où le réalisateur revient sur la genèse du film. On y retrouve aussi les points de vue des producteurs et du directeur de la photographie.

Carlotta nous offre aussi un entretien audio (11min) avec Richard Gregory, un neuropsychologue qui a bien connu Polanski et qui parle de plusieurs projets du réalisateur, malheureusement inaboutis. Reste à visionner deux courts-métrages de Polanski (Meurtre et La lampe) qui entretiennent des rapports thématiques avec Répulsion. Enfin, des bandes annonces sont disponibles et ferment la marche d’une section bonus conséquente.

L’image : 4 / 5

Issue d’une restauration 2K, la copie proposée est plutôt resplendissante, même si un peu moins performante que celle du Couteau dans l’eau. Effectivement, les sources semblent variées et certains plans apparaissent moins travaillés que d’autres, ou parfois plus granuleux. Rien de vraiment gênant bien entendu et il s’agit assurément de la version la plus belle d’un film aux éclairages savants. Un grand moment pour les yeux.

Le son : 4 / 5

Deux pistes en DTS HD Master Audio 1.0 sont disponibles (version française et originale sous-titrée). Notre préférence va immédiatement à la version originale, bien plus équilibrée et qui fait la part belle aux petits bruits de l’environnement, si importants pour comprendre l’angoisse et la paranoïa du personnage principal. Dans la version française, l’accent est mis sur les voix, ce qui déséquilibre le rendu. Rien d’affreux pour autant, mais on vous conseille tout de même fortement la VO.

Virgile Dumez

Acheter l’édition Prestige sur le site de l’éditeur

Voir le film en VOD

Répulsion, édition prestige Carlotta

© 2021 Carlotta Films. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

trailers
x
Répulsion, l'affiche de 2017

Bande-annonce de Répulsion (VO)

Drame, Thriller

x