Souvent considéré comme médiocre, Madhouse est une œuvre inégale, mais qui mérite largement le détour par son approche audacieuse d’un genre en pleine mutation. Il s’agit d’un film que l’on pourrait qualifier de post-gothique ou de proto-slasher.
Synopsis : Le célèbre acteur de film d’horreur, Paul Toombes, connu notamment pour son interprétation du Dr Death, est frappé par une dépression nerveuse alors qu’il se rend en Angleterre pour le tournage d’une nouvelle série. C’est alors que les différents acteurs et membres de l’équipe technique de cette série commencent à mourir, d’une façon très analogue à celles dont mouraient les personnages des films du Dr Death…
Madhouse : à la recherche d’un script charpenté
Critique : Au début des années 70, le producteur américain Samuel Z. Arkoff, président de l’AIP, achète les droits d’adaptation du roman horrifique et sataniste Devilday d’Angus Hall et fait immédiatement rédiger un scénario qui ne convient finalement à personne. Après quelques années dans un placard, le projet ressort des cartons d’Arkoff qui demande au novice Greg Morrison (jusque-là attaché de presse) d’en tirer un nouveau script. Si l’ensemble demeure très faible, cela n’empêche nullement Samuel Z. Arkoff de contacter Milton Subotsky de la firme anglaise Amicus pour signer un contrat de coproduction, comme ce fut déjà le cas pour Lâchez les monstres (Hessler, 1970).
Comme il est sous contrat depuis des années avec AIP, l’acteur Vincent Price est contraint d’accepter ce Madhouse dont il découvre le script avec stupeur deux jours avant de tourner. L’ensemble est si mauvais que l’acteur impose une réécriture en cours de tournage par Ken Levison. Outre la nullité du scénario, Madhouse souffre également de l’inexpérience du réalisateur Jim Clark. Celui-ci est un célèbre monteur, mais il n’a que deux comédies anodines à son actif lorsqu’il est embarqué à bord de cette galère qui s’est traduite par une durée de tournage excessive de près de douze semaines, afin de tenter de sauver les meubles.
Un montage charcuté deux fois de suite
Une fois les prises de vues terminées, les déconvenues n’étaient pas terminées pour le pauvre Jim Clark qui voit son montage charcuté successivement par Milton Subotsky, puis Samuel Z. Arkoff. D’ailleurs, l’unique version qui subsiste aujourd’hui est la dernière effectuée par le producteur américain. Il est donc difficile de juger une œuvre qui a été reniée par son réalisateur. Ce dernier fut tellement écœuré par l’expérience qu’il n’est jamais repassé derrière la caméra, retournant monter des œuvres comme La déchirure (pour laquelle il a d’ailleurs obtenu un Oscar).
© 1974 American International Pictures (AIP) – Amicus Productions / Conception graphique : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.
Détesté par les critiques, voué aux gémonies par son équipe artistique, Madhouse se présentait donc à nous sous des auspices des plus négatifs. Pourtant, force est d’admettre que le vilain petit canard n’est pas si mauvais qu’on a bien voulu l’écrire, même s’il demeure boiteux. Parmi les séquelles les plus évidentes de sa conception bâtarde, on citera volontiers un script qui s’avère incohérent à plusieurs reprises, tandis que le montage présente lui aussi d’importantes scories (et notamment un manque de logique dans l’ordonnancement des scènes). Certains personnages disparaissent de l’écran sans raison apparente et semblent donc ne servir à rien (on pense notamment à l’inévitable duo de policiers dont l’enquête ne progresse jamais et surtout n’aboutit pas).
Madhouse, queue de comète du genre gothique
En d’autres termes, Madhouse pâtit bel et bien d’un script qui a été rafistolé au dernier moment. Pour autant, cela n’empêche nullement le long-métrage de demeurer très agréable à suivre par ses nombreuses fulgurances. Tout d’abord, on aime beaucoup l’intrigue d’origine qui anticipe de plusieurs années les productions méta dont Wes Craven allait se faire le spécialiste. Effectivement, l’on suit ici les déboires d’un vieil acteur de film d’horreur sur le retour et le métrage est parsemé de nombreux extraits des films AIP tournés par Vincent Price, et notamment de son cycle Edgar Poe. Ainsi, le spectateur peut revoir des scènes avec Boris Karloff et Basil Rathbone, ce qui permet de rendre hommage à ces deux géants du film d’horreur qui venaient tout juste de décéder.
Madhouse se teinte donc d’une forme de nostalgie poignante envers un style horrifique qui est alors en plein déclin. A la même époque, les sorties triomphales de L’exorciste (Friedkin, 1973) et de Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974) viennent ringardiser le film gothique traditionnel et Madhouse semble acter cette mort du genre. D’ailleurs, la cinéphilie de Jim Clark, évidente par la foule de références qui parsèment le film, ne s’arrête pas au seul âge d’or et d’argent hollywoodien.
Et si Madhouse était plutôt un proto-slasher ?
Effectivement, dans Madhouse, les amoureux du cinéma italien pourront trouver matière à se régaler puisque le métrage suit également les traces du giallo récemment dégoupillé par Mario Bava et Dario Argento. Cela est particulièrement visible dans le choix d’éclairages bariolés qui n’ont rien de britannique, mais aussi d’une intrigue avec un tueur ganté de noir qui se sert régulièrement d’armes blanches. Les plans en vue subjective sont là pour confirmer cette influence qui anticipe même de quelques années le slasher américain.
A cause de ses aléas de production qui rendent le film bancal, Madhouse a donc été immédiatement écarté et vu comme l’ultime sursaut d’un genre gothique mort et enterré. Pourtant, il annonçait aussi à sa manière les slashers des années 80 et aussi les films méta des années 90. Il s’agit donc d’un résultat plutôt intéressant de la part d’un film qui n’a même pas eu le droit à une sortie en France. Même les éditeurs vidéo ont tardé, avec une unique parution en 2021 dans la collection British Terrors d’ESC Editions.
Parfaitement interprété par un Vincent Price toujours aussi charismatique, Madhouse bénéficie aussi de la présence de Peter Cushing, mais également d’une excellente Adrienne Corri. Le résultat est loin de constituer un chef d’œuvre du genre, mais ce n’est assurément pas le navet qui est trop souvent décrit par les spécialistes. Sa jolie copie blu-ray permet de réévaluer cette œuvre à son juste niveau.
Critique de Virgile Dumez
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© 1974 American International Pictures (AIP) – Amicus Productions. All Rights Reserved.
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Jim Clark, Peter Cushing, Vincent Price, Barry Dennen, Robert Quarry, Adrienne Corri, Linda Hayden
Mots clés
Amicus, Les tueurs fous au cinéma, Cinéma gothique, Métacinéma