Liberté, égalité, choucroute : la critique du film (1985)

Comédie satirique | 1h53min
Note de la rédaction :
4/10
4
Liberté, égalité, choucroute, l'affiche

Note des spectateurs :

Comédie satirique loufoque, Liberté, égalité, choucroute pâtit d’un manque cruel de gags percutants et d’une réalisation qui viendrait dynamiser l’ensemble. Seuls les acteurs sauvent la satire du naufrage.

Synopsis : En avril 1789, le commandeur des croyants quitte Bagdad pour Paris afin d’acquérir au Salon de l’équipement de bourreau (le SEB) une machine à décapiter infaillible, la guillotine, car le pal ne le distrait plus. S’ensuit une présentation parodique de la Révolution française.

Après le triomphe de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ

Critique : En 1982, le comique satirique Jean Yanne est passé à la vitesse supérieure avec sa comédie à gros budget Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ qui convoque tout le gratin du cinéma humoristique français pour une œuvre jouant volontairement avec les anachronismes. Le public a répondu présent de manière exceptionnelle avec 4 601 239 spectateurs hilares pour une superbe troisième place au box-office français annuel, tout juste dépassé par L’as des as (Oury) et le phénomène E.T. l’extraterrestre (Spielberg).

Galvanisé par ce plébiscite, Jean Yanne décide de récidiver dans un style identique en prenant cette fois-ci pour cible la Révolution française. Il écrit ainsi Liberté, égalité, choucroute (1985) dont il justifie le titre à sa manière (Source : Michel Serrault de Gilbert Salachas et Béatrice Bottet, Edilig, 1986, p 145) :

Les Sans-culottes voulaient la liberté, cela ne fait aucun doute. Ils voulaient l’égalité, quoi de plus naturel ? Mais ce qu’ils souhaitaient ensuite, c’est avoir de quoi bouffer. On peut donc affirmer que la première version de la devise de la France devait être : Liberté, Égalité, Pain, ou Jambon, ou Rillettes, ou tout autre nom désignant un produit alimentaire de consommation courante. Arbitrairement, j’ai choisi la choucroute.

La grande Histoire volontairement malmenée

Réussissant à réunir un budget conséquent grâce à une coproduction avec l’Italie et l’Allemagne de l’Ouest, Jean Yanne convoque à nouveau un casting impressionnant pour une œuvre qui entend donner une version loufoque des événements de l’année 1789. Peu scrupuleux quant aux réels faits historiques, Jean Yanne s’amuse à bousculer la chronologie (la fuite du roi vers Varennes est transportée en 1789 au lieu de 1791, par exemple), mais aussi à modifier l’importance des différents personnages historiques. Il se réserve notamment le rôle de Marat auquel il donne une importance considérable et qu’il fait survivre à son propre assassinat par Charlotte Corday (Mimi Coutelier).

L’idée la plus saugrenue – et qui ne s’intègre d’ailleurs pas très harmonieusement à l’ensemble – est sans aucun doute d’avoir inclus des émissaires étrangers venus d’Arabie. Cette intrusion des Contes des mille et une nuits au cœur de la Révolution française ne se justifie jamais vraiment, si ce n’est pour mettre en boîte les révolutionnaires, accusés d’avoir mis en place un régime aussi dictatorial que dans les pays du Moyen-Orient. La démonstration n’est d’ailleurs pas vraiment convaincante.

Une occasion de critiquer la gauche au pouvoir au début des années 80

Caricaturant à l’excès les figures de la Révolution, tout aussi bien que la cour royale, Jean Yanne en profite surtout pour régler ses comptes avec une certaine gauche qui venait d’être élue au pouvoir en France. Ainsi, il compare les actes des Montagnards (Robespierre et Danton en tête) à une récupération politique d’un mouvement venu du peuple, mais qui, une fois aux manettes, trahissent leurs promesses.

Bien évidemment, cette comparaison historique ne tient absolument pas la route et ne peut être comprise que si l’on a en tête l’attitude du Parti socialiste au début des années 80 et notamment son tournant de la rigueur engagé en 1983. Jean Yanne n’est donc pas tendre avec le personnel politique, tout en présentant le peuple comme une masse un peu abrutie qui suit le premier beau parleur venu.

Liberté égalité choucroute, affiche 4X3

© 1985 Les Films 21 – FR3 Cinéma – Les Producteurs Associés – Société Nouvelle de Cinématographie (SNC) – Societa Investimenti Milanese (S.I.M.) – Ekta Film / Affiche : Jacques Faizant. Tous droits réservés.

Des gags loufoques, mais guère percutants

Si la comédie présente donc un petit intérêt sur le plan politique, elle souffre surtout d’un manque cruel de gags percutants. Les nombreux anachronismes sont souvent d’une lourdeur pachydermique et l’on est ici très loin des finesses déployées par les Britanniques des Monty Python par exemple. Le long-métrage pâtit également d’une réalisation plate qui ne parvient que rarement à mettre en valeur la richesse de son budget. Finalement, on ne peut réellement compter que sur les acteurs qui cabotinent à loisir pour animer cette vision loufoque du siècle des Lumières.

Au petit jeu des préférences, on peut signaler le bagou intact de Jean Yanne, l’abattage toujours impeccable de Michel Serrault en Louis XVI, la jubilation de Jean Poiret en calife ou encore la maladresse d’un Darry Cowl en Rouget de l’Isle, véritable musicien raté. Bien entendu, on peut s’amuser occasionnellement de quelques bonnes idées, comme la création de notre hymne national, ou encore le meurtre de Marat dans une baignoire qui ressemble à un sabot géant (jeu de mot pour la baignoire sabot utilisée à l’époque). Pourtant, de nombreux moments tombent à plat et Liberté, égalité, choucroute (1985) témoigne surtout d’une inspiration en berne.

Un échec commercial impitoyable pour un budget conséquent

Sorti en grande pompe au printemps 1985, Liberté, égalité, choucroute dispose d’un parc de salles conséquent, mais échoue à entrer en pole position à Paris lors de sa semaine d’investiture. Pire, la comédie, détestée par la critique, ne parvient pas à détrôner Terminator de la première place, alors que l’androïde est en deuxième semaine d’exploitation. Ils n’ont été que 117 927 descendants des Sans-culottes à avoir fait le déplacement lors de cette semaine inaugurale. Visiblement peu convaincu, le public déserte un peu plus les salles en deuxième semaine, mais c’est la déroute totale en troisième semaine où le film n’intéresse plus que 20 309 spectateurs égarés. La comédie est liquidée en quatrième semaine et n’arrive qu’à cumuler 217 411 tickets vendus sur Paris et sa périphérie.

Si le film tient un peu mieux le choc en province lors de sa seconde semaine, il finit par boire le bouillon en troisième semaine. Début juin, la messe est dite pour la comédie qui ne cumule que 778 787 spectateurs dépités. L’accident est ici industriel à tel point que Jean Yanne jette définitivement l’éponge puisque Liberté, égalité, choucroute reste son dernier film en tant que réalisateur.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 1er mai 1985

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Liberté, égalité, choucroute, l'affiche

© 1985 Les Films 21 – FR3 Cinéma – Les Producteurs Associés – Société Nouvelle de Cinématographie (SNC) – Societa Investimenti Milanese (S.I.M.) – Ekta Film / Affiche : Jacques Faizant. Tous droits réservés.

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