Le Grand Bain est une comédie réussie et un grand succès du cinéma français de l’année 2018. L’archétype du feel good movie de qualité.
Synopsis : C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée…
Le carré et le cercle
Critique : Nous pouvions être dubitatifs à l’annonce en sélection officielle Cannes 2018 (même hors compétition) du dernier métrage en tant que réalisateur de l’acteur Gilles Lellouche, dont la filmographie n’est pas toujours palpitante. Ces a priori volent vite en éclats, tant Le Grand Bain est un enchantement, une comédie mélancolique décalée qui n’est pas sans évoquer la veine du diptyque Un éléphant ça trompe énormément (1976) / Nous irons tous au paradis (1977) d’Yves Robert, même s’il ne s’agit pas vraiment d’un film de copains.
Mais s’il fallait parler d’influences, on citera volontiers The Full Monty (1997) de Peter Cattaneo ou Little Miss Sunshine (2006) de J. Dayton et V. Faris pour la success story d’un petit groupe de losers, ou Le Maître-nageur (1979) de Jean-Louis Trintignant et L’Effet aquatique (2016) de la regrettée Sólveig Anspach pour l’univers sportif de la piscine au cœur du dispositif narratif. Pourtant, Gilles Lellouche a déclaré : « Pour Le Grand Bain je n’ai regardé aucun film, je préférais m’affranchir de toutes références, même s’il y en a forcément plein d’inconscientes ». L’œuvre évite déjà la lourdeur de l’ancrage sociologique puisque le panel de quadras et quinquas choisi n’appartient pas uniquement à la classe populaire.
Le Grand Bain, une comédie à succès, d’une finesse d’écriture
Si Thierry (Philippe Katerine) est employé municipal et Simon (Jean-Hugues Anglade) un musicien raté, Bertrand (Mathieu Amalric) est un cadre dépressif en arrêt maladie et Laurent (Guillaume Canet) un superviseur caractériel, quand Marcus (Benoît Poelvoorde) apparaît comme un chef d’entreprise foireux réprimandé par son salarié. Un joli film choral se met alors à l’œuvre, quand Bertrand décide d’intégrer l’équipe et que nos (pas si) joyeux drilles se mettent en tête de concourir au championnat du monde de natation synchronisée masculine. Le film de Gilles Lellouche réussit à véhiculer un message d’optimisme et de tolérance, proposant une intéressante perspective sur l’identité de genre et les exclusions, sans mièvrerie ni chantage au sentiment, et avec des dialogues de comédie évitant les mots d’auteur aussi bien que la beauferie.
Le Grand Bain dépasse ainsi les fantaisies surestimées du duo Olivier Nakache et Eric Todelano, et ose même transgresser la représentation du handicap ou de la vieillesse, à travers les personnages respectifs de Leïla Bekhti et Claire Nadeau. On pourra certes déceler quelques longueurs et regretter un filmage des ballets aquatiques qui n’a pas l’élégance des comédies musicales de Busby Berkeley ou avec Esther Williams. Mais ce serait faire la fine bouche compte tenu du réel bonheur que procure le film. Le Grand Bain, chaleureusement applaudi lors de sa présentation cannoise, sera un gros succès en salles, attirant 4 302 062 spectateurs. Dix nominations aux César distingueront le film, même si seul Philippe Katherine sera lauréat, dans la catégorie du meilleur acteur dans un second rôle.
Critique de Gérard Crespo
Les sorties de la semaine du 24 octobre 2018
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