Kitsch et définitivement bis, Le gladiateur du futur est un post-nuke fauché qui trouvera pourtant grâce aux yeux des amateurs de cinéma alternatif par la générosité de ses scènes d’action. A voir au second degré, bien entendu.
Synopsis : En 2025 la Troisième Guerre mondiale a entraîné une apocalypse nucléaire et la confiscation du pouvoir par une dictature. Pour divertir les masses, le régime totalitaire a créé une nouvelle forme des jeux du cirque, dans laquelle des combattants s’affrontent jusqu’à la mort. Ron Sherman est le champion de cette arène moderne. Il est recruté par Lilith, superbe mutante télépathe, pour convoyer son groupe en dehors de New York, contaminée, à travers les zones désolées. Ron rassemble une équipe de combattants aguerris pour affronter les épreuves qui les attendent.
Un post-nuke fauché pas si catastrophique
Critique : Après les succès internationaux rencontrés par New York 1997 (Carpenter, 1981) Les guerriers de la nuit (Hill, 1979) et surtout Mad Max 2 (Miller, 1981), la mode du film post-apocalyptique (ou post-nuke) est lancée en ce début des années 80. Il n’en faut pas plus aux producteurs italiens pour dégainer une série de copies plus ou moins fauchées des gros films hollywoodiens. Rappelons que les nababs ritals vendaient d’abord un titre et une affiche, avant même que la moindre ligne ne soit écrite (qui a parlé de scénario ?). A charge pour les réalisateurs maison de livrer un produit calibré en un temps record à l’aide d’un budget ridicule par rapport aux ambitions affichées.
Dans le genre du nanar, le post-nuke fait sans doute partie du sous-genre qui a accouché des pires rejetons. Généralement tournées dans des carrières proche de Rome ou dans des usines désaffectées, ces bandes risibles font souvent peine à voir, notamment à cause du kitsch des costumes, de la ringardise des véhicules et de la médiocrité des acteurs conviés à la fête. Toutefois, au milieu de cet univers bricolé, on peut extirper quelques petits produits emballés avec un minimum de talent. Dans cet océan de nanardise, on ne compte que quelques petites réussites sympathiques comme 2072, les mercenaires du futur (Fulci, 1984), 2019, après la chute de New York (Martino, 1983) ou encore ce Gladiateur du futur.
De l’action, de l’action et encore de l’action
Soyons précis, nous ne parlons pas ici d’un bon film au sens classique du terme, mais bien d’un nanar décomplexé qui tente de fournir au spectateur un maximum d’action avec les (faibles) moyens du bord. Joe D’Amato est loin d’être un amateur, lui qui a débuté sa carrière comme assistant de Sergio Leone (on le sent dans la séquence de duel final et son goût pour une ambiance proche du western) et a ensuite enchaîné les tournages de films érotiques et pornographiques à la vitesse d’un cheval au galop. Spécialisé dans le cinéma d’exploitation, le bonhomme sait emballer une séquence d’action, même si les moyens ne suivent pas.
Dépourvu du moindre scénario, il comble cette absence manifeste par un nombre conséquent de scènes se voulant spectaculaires. On ne compte plus les bagarres, duels et autres confrontations entre motards qui alimentent tant bien que mal une projection rarement ennuyeuse. Lorsque l’action cesse, le cinéaste tente de faire passer un message de manière assez maladroite. Autant dire que la métaphore sur le nazisme n’est pas légère – les forces de l’ordre noir ont des casques estampillés S.S et les mutants en fuite ont des noms à consonance juive – et que le film frôle à de nombreuses reprises le pathétique (les écailles des hommes poissons, quand même !). Toutefois, tous les amateurs de bis doivent visionner ce post-nuke régressif, assez proche des films de Castellari. Il leur apportera leur lot de scènes culte.
Une belle photographie et une séduisante musique synthétique habillent le métrage
Débutant comme un démarquage du Prix du danger (Boisset, 1983), avec son jeu télévisé qui fait également écho au Rollerball (1975) de Norman Jewison, Le gladiateur du futur ne s’embarrasse guère de présentation et nous plonge directement dans l’action. Même si cette première partie semble quelque peu hors sujet par rapport à la suite du film, elle permet de faire connaissance avec les quelques personnages archétypaux du long-métrage, incarnés par des comédiens solides comme Al Cliver, George Eastman ou encore la jolie Laura Gemser. Par la suite, le scénario dérive vers le road movie fortement influencé par Mad Max 2, mais aussi par le western classique. L’intrusion de mutants et d’un gamin aux pouvoirs de télékinésie nous rappelle à quel point l’œuvre de Stephen King a eu de l’influence en ce début des années 80.
Pour tenter de masquer l’absence de budget, Joe D’Amato use et abuse du canon à fumée afin d’habiller des décors nus. Il en profite ainsi pour sculpter la lumière de bien belle manière, lui qui est avant tout un grand directeur de la photographie. Enfin, il a fait appel à Carlo Maria Cordio pour enrober ses images d’une musique synthétique de bonne tenue. Certes, les arrangements d’époque ont pris un sacré coup de vieux, mais cela donne également un charme fou au spectacle.
Le gladiateur du futur renaît en Blu-ray
Alternativement efficace, amusant, voire drôle au quinzième degré, Le gladiateur du futur appartient donc à la catégorie des nanars sympathiques que l’on a toujours plaisir à revoir, d’autant qu’il n’est jamais ennuyeux. On aime également beaucoup son final en points de suspension qui, comme l’indique George Eastman dans un entretien, est inspiré de celle de Butch Cassidy et le Kid (Roy Hill, 1969).
Sorti de manière confidentielle par le distributeur Jacques Leitienne en mai 1984, Le gladiateur du futur a ensuite été édité deux fois en VHS, avant de disparaître de la circulation. Il est à nouveau disponible depuis le printemps 2021 chez l’éditeur Pulse Vidéo dans un combo DVD / Blu-ray de bonne tenue, qui donne l’occasion de revoir le film dans d’excellentes conditions et ainsi de le réévaluer sur le plan esthétique. Les entretiens proposés sont intéressants et on adore la section proposant plusieurs bandes-annonces des œuvres de Joe D’Amato.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Sorti le 9 mai 1984, Le gladiateur du futur est sorti face à deux post-nuke de série B. Une aberration qui a forcément diminué le score de ces trois longs métrages.
Le gladiateur du futur apparaissait dans 9 cinémas dans le circuit Paramount, et attirait 10 556 spectateurs. Les Films Jacques Leitienne avait obtenu une programmation au Max Linder, aux Paramount City/Bastille/Montparnasse/Orléans/Gobelins/Montmartre/Opéra.
Gagnant des trois concurrents, Stryker , coproduction americano-philippine, frappait d’un grand coup grâce à une belle présence dans 19 salles. Arts et Mélodies (Creepshow, Evil Dead) engrangeait 38 416 entrées et voyait son trublion entrer en 5e place hebdomadaire (Paris-périphérie). Son succès sera identique en France avec près de 300 000 spectateurs.
Le troisième film, Les nouveaux barbares, était aussi un gagnant, avec une 8e place et 23 salles. Curieusement, le film de Castellari était essentiellement projeté en banlieue, avec seulement 7 écrans parisiens. Ce qui ne l’a nullement empêché de faire mieux que Le gladiateur du futur. Total hebdomadaire de 25 944 entrées (il s’arrêtera au-dessus des 100 000 entrées France).
En deuxième semaine, Le gladiateur du futur chutait de 50% de sa fréquentation. Il n’était présent que sur 4 cinémas. 2 071 entrées dans 2 cinémas en 3e semaine. Pour son ultime semaine, Le gladiateur du futur était exposé sur 2 écrans, dont le Gaîté Boulevard où il obtenait les grâces de 3 108 clients (4 833 entrées pour sa 4e semaine).
Le gladiateur tombe les armes à l’issue de ces 4 semaines avec un total de 22 540 entrées.