Précurseur de Rambo, Destructor sort en France en 1985, cinq ans après l’Amérique. La promo mensongère dissimule une comédie country, façon Shérif, fais-moi peur, avec un titre à la… Terminator. Il fallait l’oser. Visa Films et Metropolitan FilmExport l’ont fait.
Synopsis : Un jeune homme à l’aspect étrange, Kyle Hanson arrive dans une petite ville de l’Alabama et crée dès le début la surprise et une fascination malsaine de la part des habitants. L’homme le plus puissant de la ville, M. Bellow et sa jolie belle-fille Jenny portent un vif intérêt à l’étranger. Il lance une bande de voyous à sa poursuite pour l’interroger. De violentes bagarres éclatent. Telle une bête sauvage, le fugitif, armé de son seul couteau de survie mettra à profit son expérience apprise au combat…
Avant Rambo, l’Amérique avait son Destructor
Critique : Il ne reste plus grand-chose, quarante ans après son exploitation en salle, de Destructor. On peut l’appeler Ruckus (en gros, grabuge, en français), puisqu’il s’agit de son titre original, inexploitable en France, et qui, en 1980, surfait sur la vague des films de motocross, du retour des soldats du Vietnam et des country comedies si populaires outre-Atlantique.
Sur un point de départ qui est exactement celui du classique de Ted Kotcheff, First Blood, d’après le roman de David Morrell, notre “Destructor” pointe en 1980 comme un précurseur, puisque son personnage principal est un ancien soldat mutique -joué par Dirk Benedict de L’agence tous risques et Galactica, -, devenu vagabond crasseux dans l’arrière-pays américain. Evidemment, sa présence dans un patelin tenu, non pas par le shérif mais un notable surpuissant, va être mal perçue, alors que l’homme puissant a perdu son propre fils sous les drapeaux et compte bien interroger l’antihéros buté.
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Y a-t-il un exorciste pour sauver Linda Blair ?
Avec son affiche stylée, signée par Sator, aux teintes nocturnes et de feu, son titre expéditif de pure exploitation (Destructor quand même, fallait l’oser), et surtout la présence de Linda Blair, moulée dans une combinaison très urbaine, la promesse d’un pur film bis de violence et de destruction rurale nous est promise. Linda Blair ne sortait-elle pas de sa période la plus folle en 1985 ? Les anges du mal, Savage Street les rues de l’enfer, Chaleur rouge… Son nom n’était désormais plus associée à L’exorciste de Friedkin, mais à des productions de très mauvais goût mettant en scène des filles en furie, sur fond de violences urbaines, de guerre de gang au féminin, et de doublages surréalistes. Et si, c’était elle, la destructrice du film, hein ? Cela lui ressemblerait davantage et nous aurait finalement davantage plu.
Et bien non, notre chère Linda incarne plutôt l’inoffensive veuve, pas très endeuillée, du fils du baron local. Elle trouve dans la présence de l’inconnu que tout le monde recherche, un moyen de s’extirper de sa terne vie de campagne. Pour cela, le film comporte une séquence de motoscross, puisque la jeune femme, à l’instar du “Destructor”, trouve son pied à s’envoyer en l’air au sens propre via des cascades qui propulsent les deux motards, chacun sur leurs deux-roues, à quelques mètres au-dessus du sol. Du remplissage de scénario qui nous fait regarder notre montre. Mais pourquoi est-on toujours devant son écran ? Les mystères du cinéma bis sont bien opaques.
Illustrateur : Sator © 1985 Delta Vidéo
Une slapstick comedy dans le style de Shérif, fais-moi peur
Tout ceci pourrait être un minimum captivant si la série B était jalonnée de quelques moments de tension notamment créée par l’ambiance vendue par son affiche mensongère. Cela ne sera jamais le cas car si la production commence avec un certain sérieux en dépeignant cet étranger en homme bestial, elle vire à la slapstick comedy, où le destructor frappe beaucoup, mais ne tue jamais. La bande-son est constituée d’une musique country, aux antipodes de ce que l’on pouvait attendre en 1985. Elle est signée par Willie Nelson, star locale et l’un des participants du projet caritatif pour l’Ethiopie, We Are the World. Cette bande originale est tout bonnement inaudible pour des oreilles non habituées à ces airs folk, purs et durs, sans le métissage pop que certains ont voulu apporter au genre musical dans les années 90 et 2000 pour mieux vendre leur soupe.
Un film de cascadeur réalisé platement
L’on sauvera de la sortie de route la réalité impressionnante des cascades que le réalisateur Max Kleven, même s’il les filme platement, sait parfaitement orchestrer de par sa formation de cascadeur professionnel. Sans écran vert, avec beaucoup de casse, des bonshommes qui volent et se fracassent sur le sol, l’action a au moins le mérite de montrer l’efficacité époustouflante des dangers d’un cinéma daté mais qui réussira toujours à nous épater davantage que les effets digitaux contemporains ayant signé l’arrêt de mort de ces durs à cuir, mis au chômage technique depuis leur remplacement par le tout-numérique.
Destructor, malgré une petite promotion dans Actua Ciné et Starfix, ne tiendra qu’une semaine à l’affiche, après des dates de distribution changeantes (il est passé de mai à juin 85). Le jour de la sortie, Linda Blair était de toutes les bêtises puisqu’elle faisait partie de la Patrouille de nuit produite par Roger Corman : une comédie loufoquement ratée. C’était vraiment son époque et il fallait qu’elle en profite. Cinq ans plus tard, le produit était périmé et elle disparaîtrait à tout jamais de nos écrans de cinéma pour se cantonner à la médiocrité du direct-to-vidéo. Sacrée Linda. Heureusement qu’elle était là, car le non-jeu de Dirk Benedict ne pouvait pas nous tenir plus de quinze minutes devant notre écran…
Sorties de la semaine du 12 juin 1985
Illustration : Sator – Les Archives Cinédweller