En plein cœur de la lutte des Noirs pour les droits civiques, Dans la chaleur de la nuit milite contre toute forme de racisme et reste un modèle du genre. Sa thématique est malheureusement toujours d’actualité.
Synopsis : En voyageant dans le sud profond, Virgil Tibbs, enquêteur noir de la brigade criminelle de Philadelphie, se laisse involontairement entraîner dans l’enquête sur le meurtre d’un homme d’affaires influent. Il est tout d’abord accusé du meurtre, avant qu’on lui demande de résoudre l’énigme ! Mais débusquer l’assassin se révèle être une tâche difficile, surtout lorsque ses efforts sont sans cesse anéantis par le shérif de la ville, un homme sectaire. Ni l’un ni l’autre ne peut résoudre le cas tout seul. Laissant de côté leurs différences et leurs préjugés, ils unissent leurs forces dans une course désespérée contre la montre pour découvrir la terrible vérité…
Dans la chaleur de la nuit, un film courageux en son temps
Critique : Venu tout droit de la télévision, le cinéaste d’origine canadienne Norman Jewison commence à faire parler de lui au milieu des années 60 grâce à quelques films commerciaux remarqués comme Le kid de Cincinnati (1965) ou Les Russes arrivent, les Russes arrivent (1966). Connu pour ses opinions progressistes, l’homme est approché par le producteur Walter Mirisch pour mettre en scène un script audacieux de Stirling Silliphant (venu aussi de la télévision, alors véritable vivier de talents) basé sur un roman de John Ball.
Il était effectivement plutôt aventureux au cœur des sixties de s’attaquer de front au problème des droits civiques des Noirs, d’autant plus que le script vise de plein front le Sud des Etats-Unis et notamment l’Etat du Mississippi. Le risque était pourtant calculé puisque le producteur a démontré au studio United Artists que le film pourrait parfaitement être rentabilisé grâce à l’aura de Sidney Poitier, alors en pleine ascension, et ceci même si les Etats du Sud refusaient de projeter le film. De même, le tournage s’est intégralement déroulé dans un Etat du Nord afin d’éviter des heurts avec une population locale encore trop sensible au sujet du racisme.
Une description juste du sud des Etats-Unis
Finalement, Norman Jewison gagne son pari sur de nombreux plans. Tout d’abord, il parvient à retracer avec un nombre conséquent de détails finement observés l’ambiance chaude, moite et délétère d’un certain Sud, gangrené à la fois par la misère sociale, le manque d’éducation et une forme d’atavisme. Il plonge dans cet univers qu’on croirait issu du 19ème siècle un policier noir venu de Philadelphie, en proie à la méfiance et au racisme des autochtones qui ne supportent pas le renversement des valeurs opéré dans les années 60.
A chaque séquence de Dans la chaleur de la nuit, on s’attend à ce que l’un des personnages blancs veuille régler son compte au policier de couleur, uniquement pour pouvoir affirmer sa supériorité, conçue comme « naturelle ». C’est dans cette atmosphère de suspicion que se déroule une classique enquête policière qui n’est d’ailleurs pas le point fort du long-métrage. On se fiche un peu du résultat de ce whodunit finalement assez peu convaincant.
Une œuvre classique, mais qui mérite d’être revu pour son actualité encore brûlante
Cependant, on est davantage séduit par l’ambiguïté des liens qui se tissent entre le policier noir incarné avec dignité par Sidney Poitier et le flic blanc blasé interprété avec aisance par Rod Steiger (ce dernier a d’ailleurs obtenu l’Oscar du Meilleur Acteur pour ce rôle). D’abord farouchement hostile envers celui qu’il considère comme un intrus venu marcher sur ses plates-bandes, ce vieux de la vieille va finir par respecter son confrère noir avant de développer avec lui des liens amicaux qui resteront pourtant dans le domaine du non-dit.
Sans doute trop classique dans son développement narratif, Dans la chaleur de la nuit gagne ses lettres de noblesse par des petites scènes en apparence anodines, mais qui en disent plus long que de grands discours sur le racisme à l’œuvre aux Etats-Unis. On se souviendra longtemps de cette main enlacée langoureusement par Lee Grant, laissant supposer un rapprochement possible entre une femme blanche et un Noir, ou cette gifle mémorable de Sidney Poitier envers un propriétaire terrien raciste qui ne méritait que ça. Rien que pour ces moments volés, le long-métrage n’a pas usurpé ses récompenses, dont celle du Meilleur Film aux Oscars de 1968.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 février 1968
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