Bonnie et Clyde est un classique du film de gangsters. Glamour imparable, scénario bien huilé et mise en scène diablement efficace en font une belle réussite malgré un discours contestataire sans réalité historique, au profit des deux truands, iconisés pour les besoins du 7e art..
Synopsis : Etats-Unis, les années 1930. C’est la Grande Dépression, suite au krach boursier de 1929. Un couple d’amants criminels, Bonnie Parker et Clyde Barrow, sillonne le pays en braquant des banques. Bientôt, l’Amérique ne parle plus que de ces hors-la-loi inexpérimentés. Certains les admirent. D’autres sont horrifiés. Quoiqu’il en soit, poursuivis par la police, ils devront bientôt faire face à leur destin…
Un film de gangsters entré dans la légende
Critique : Ecrit par deux scénaristes appelés à une grande carrière (Robert Benton et Robert Towne) et produit par la jeune star Warren Beatty, Bonnie et Clyde (1967) a fait entrer le cinéaste Arthur Penn dans la légende d’Hollywood grâce au véritable phénomène générationnel qui s’est produit à la sortie du film.
Ainsi, le budget de 2,5 millions de dollars a largement été rentabilisé grâce aux soixante-dix millions de dollars de recettes de par le monde. Si l’on ajuste ses recettes américaines au cours du dollar en 2021, le film a ni plus ni moins engrangé 429 148 778$. Rien qu’en France, le métrage a conquis près de 1 800 000 spectateurs ravis de suivre les aventures de ce couple de jeunes hors-la-loi auquel la jeunesse s’est identifiée. Malgré une interdiction aux moins de 18 ans, la traque s’achève en 21e place annuelle.
Bonnie et Clyde, l’acmé d’une carrière obsédée de marginalité
(Biographie d’Arthur Penn, par Frédéric Mignard)
Le vent tourne favorablement pour Arthur Penn avec le triomphe américain de Bonnie et Clyde. Le film est proposé à Truffaut et Godard et finalement Penn récupère le bébé auquel il demande la réécriture de certains éléments du scénario, notamment autour du triangle sexuel que les deux assassins formaient avec le personnage de C.W. Moss. Le public est enflammé, les critiques subjugués. Le récit de violence stylisé, d’après un scénario de David Newman et Robert Benton, se veut une œuvre anticonformiste et l’écho d’une Amérique en proie aux démons de la guerre du Vietnam. L’hommage à la Nouvelle Vague demeure ; Warren Beatty et Faye Dunaway en ressortent comme des figures iconiques de la contre-culture de cette époque. Le résultat est toutefois snobé aux Oscars où il concourrait dans dix catégories ; le classique sur une jeunesse contestataire ne reçoit que deux statuettes, l’une pour le second rôle d’Estelle Parsons, l’autre pour la photographie. Il en sera de même aux Golden Globes ou aux BAFTA. Aux Oscars, on lui préfère Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison, couronné Meilleur Film, et le réalisateur Mike Nichols pour Le lauréat. La fin extrêmement sanglante et violente des deux protagonistes n’a pas dû jouer en sa faveur. (lire la suite)
Bonnie et Clyde, symbole de la révolte étudiante des années 60 ?
Sorti peu de temps avant les événements qui ébranlèrent le monde à partir de mai 68, Bonnie et Clyde, par son aspect glamour et contestataire, est devenu pour beaucoup le symbole de la révolte des étudiants contre les forces d’oppression réactionnaires.
Présentés de manière séduisante par un réalisateur qui se place clairement de leur point de vue, les deux gangsters sont beaucoup plus lisses et immatures que dans la réalité. Les auteurs font d’eux des adolescents irresponsables qui ne cherchent qu’à survivre sur les ruines du capitalisme. Ainsi, le contexte de la Grande Dépression des années 30 justifie en partie leurs actes, faisant d’eux des sortes de Robin des bois en révolte contre le système.
Entre la réalité et la légende, filmez la légende!
La seconde partie du film démontre un peu plus cette théorie en identifiant les forces de l’ordre comme étant une puissance de destruction aveugle et sans pitié. Cette inversion des règles classiques du genre a fait beaucoup pour la renommée de ce polar finalement assez caricatural dans sa démonstration. On ne peut toutefois pas lui retirer son efficacité lors des nombreuses séquences de fusillades, le brio de sa mise en scène et l’excellence d’un casting inspiré.
Outre le couple de légende formé par Warren Beatty et Faye Dunaway, bien plus glamour que leurs prétendus modèles, on ne peut que s’incliner devant le choix de Gene Hackman – dans un de ses premiers grands rôles – ou encore de l’incroyable Michael J. Pollard. D’une rare violence pour l’époque (comment oublier la mort des deux antihéros ?), ce film de gangsters culte continue à fasciner de nos jours malgré un discours pseudo-contestataire qui apparaît simpliste par rapport à la réalité historique.
Critique de Virgile Dumez
Retour sur la carrière d’Arthur Penn
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Sorties de la semaine du 24 janvier 1968