Le crocodile de la mort (Death Trap) : la critique du film + le test blu-ray (1978)

Horreur, Epouvante | 1h31min
Note de la rédaction :
6/10
6
Le crocodile de la mort (Death Trap) : affiche cinéma du film de Tobe Hooper

  • Réalisateur : Tobe Hooper
  • Acteurs : Robert Englund, Stuart Whitman, Neville Brand, Mel Ferrer, Roberta Collins, Marilyn Burns
  • Date de sortie: 24 Mai 1978
  • Nationalité : Américain
  • Scénariste : Kim Henkel, d'après Alvin L. Fast, Mardi Rustam
  • Compositeurs : Tobe Hooper, Wayne Bell
  • Directeur de la photographie : Robert Caramico
  • Distributeur : Empire Distribution
  • Editeur vidéo : René Chateau Vidéo (VHS), Wild Side (DVD), Carlotta (DVD, Blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 1er février 2006 (DVD, Wild Side), 25 mars 2020 (DVD, Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 151 347 entrées / 20 684 entrées
  • Format : 1.0 / 1.85
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie / Interdit aux moins de 16 ans
Note des spectateurs :

Œuvre folk féroce, sauvage, d’une violence inouïe, Le crocodile de la mort est une comédie gore mortifère aux relents déliquescents d’une misogynie carnassière qui le rend encore plus traumatisant à notre époque. 

Synopsis : Dans le Sud profond des États-Unis, une jeune prostituée trouve refuge à l’hôtel Starlight, une vieille bâtisse miteuse à la lisière des marais. Son propriétaire, Judd, est un excentrique un peu simplet qui a pour animal de compagnie un crocodile originaire d’Afrique. La jeune femme ignore que Judd est en réalité un dangereux psychopathe qui assassine tous les clients de l’hôtel pour nourrir son crocodile…

1978, l’année de tous les dangers animaliers

Le crocodile de la mort, affiche belge

© 1976 et 2000 Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

Critique : 1978. Année des attaques animales post-Dents de la mer. On ne compte plus les agressions d’insectes et de fauves sur les écrans français cette année-là : la suite du film de Steven Spielberg, le premier Piranhas, Quand les abeilles attaqueront, les araignées de L’horrible invasion, la pelloche à sang-froid Les reptiles attaquentTobe Hooper, lui, dévoile en France son Crocodile de la mort, comédie gore, timbrée, pataugeant dans les eaux marécageuses d’un bayou. On voit immédiatement où le producteur à l’origine du projet (Mardi Rustam) est allé chercher son inspiration : dans l’exploitation. Avec ses couleurs de BD des années 50 qui sera plus ou moins reprise dans un autre hommage aux E.C. Comics, Creepshow, en 1982, des aspects soft porn de grindhouse movie dans lequel le sexe obsède les esprits jusqu’à faire commettre des crimes abominables, on pense surtout au Psychose de Hitchcock, la couleur en plus, puisque Norman Bates est ici remplacé par un tenancier d’hôtel miteux qui a un vrai problème avec les femmes et la famille qu’il outrage à tour de clientèle, de façon sanglante, à grand renfort de faux et de crocodile enragé pour parachever ses carnages.

Le crocodile de la mort photo

Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

Du cinéma “grindhouse” estampillé “bis”

Ce mélange de genres est arrivé dans les salles françaises bien avant Massacre à la tronçonneuse qui avait été interdit dans notre contrée. C’est donc le premier ouvrage de Hooper à sortir sur nos écrans. Avec un Grand Prix et un Prix d’interprétation au mythique Festival du Film Fantastique de Paris, les auspices sont plutôt inespérés pour ce flop aux États-Unis où ses producteurs peu scrupuleux le ressortiront en changeant de titres (en vrac, Eaten Alive, Death Trap – qui figure aussi sur l’affiche française -, Starlight Slaughter, Horror Hotel Massacre, Legend of the Bayou !). A ce niveau, c’est du délire, et il est vrai que le producteur Mardi Rustam a pu faire à peu près ce qu’il voulait, puisque brouillé avec Hooper qui avait refusé de finir ce film, le laissant monter et tourner d’autres scènes de cette marée poisseuse à sa guise.

La sortie française en salle se fait dans les normes de son temps, avec un peu de pub, mais aussi dans un tel turn over dans les salles qu’il disparaît de son circuit à toute vitesse, avant d’être récupéré aux grandes heures de la vidéo-cassette par René Chateau qui le propose dès 1981 dans sa catégorie Les classiques de l’horreur et de l’épouvante. La série B gonflée n’est pas vraiment un classique, mais, en attendant de pouvoir découvrir le déchaîné Texas Chainsaw, cela fera l’affaire.

Le crocodile de la mort (Death trap) VHS britannique

© 1976 et 2000 Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

Le crocodile de la mort, grotesque, agressif, hystérique

Spectacle tantôt risible, grotesque, fantasque, grinçant, agressif et hystérique, Le crocodile de la mort est un OFNI aux antipodes du Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Quittant son Texas pour la Californie où il profite de décors vraiment appréciables en copie HD, le cinéaste convoque son actrice fétiche, Marilyn Burns, pour lui faire subir des sévices qui, à l’époque, se mariaient aux déviances de la décennie. Aujourd’hui, le traitement de la femme paraîtrait osé et probablement inacceptable pour toute la génération #Metoo, qui ne verra là que transgression et abomination, quand Tarantino, lui, y a toujours vu un délice d’exploitation. Le cinéaste affectionne particulièrement cette œuvre.

Un objet de cinéma trash et malaisant qui confine à l’OFNI

Loin d’être un mauvais bougre cinématographique, Le crocodile de la mort est surtout trash, malaisant et très désagréable à regarder en raison sa litanie de supplices se déroulant en série, dans une ambiance constante d’hystérie. En cela réside son originalité, sa singularité et sûrement son intérêt. Cette œuvre folle est le produit d’une décennie insaisissable, jusqu’au casting, avec les noms des vétérans Stuart Whitman, Neville Brand ou Mel Ferrer… Et curieusement, la présence gamine de Kyle Richards, future bimbo millionnaire de la téléréalité dans les années 2000-2010.

Longtemps invisible en France, après sa parution en VHS, il faudra attendre le milieu des années 2000 et la parution d’une édition DVD, dans la collection des Introuvables de chez Wild Side, pour revoir l’alligator pointer sa gueule. En 2020, c’est carrément l’année du crocodile et la consécration avec un magnifique blu-ray chez Carlotta qui a juste sur toute la ligne, de la copie aux bonus… Avec même une édition steelbook pour les collectionneurs. L’objet est beau et vraiment pertinent dans une collection.

le crocodile de la mort VHS René Chateau

© 1981 René Chateau © 1976 et 2000 Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

Box-office :

Sorti en France en 1978, soit 4 ans avant Massacre à la tronçonneuse, Le crocodile de la mort a sorti les crocs un 24 mai dans 11 cinémas de Paris et 6 cinémas de périphérie. Intra-muros, on notera sa présence au Publicis Elysées, au Paramount Bastille, au Boul Mich, aux Paramount Montparnasse/Orléans/Maillot/Galaxie/Opéra, au Capri, Moulin Rouge et au Convention Saint Charles.

Le crocodile de la mort ne réalise que 16 556 entrées sur la capitale, ce qui lui permet d’entrer en 11e position du box-office P.P. Le film scandale de Louis Malle, La Petite, avec Brooke Shield en maison close entrait en tête (90 000), Violette Nozière avec Huppert suivait en 2e place avec 48 000. Un autre film cannois s’interposait en 6e place dans 18 salles (Rêve de singe, avec Depardieu). Françoise Fabian et Corinne Cléry s’introduisaient en 8e place du box-office avec 22 000 entrées (17 salles) pour Madame Claude, quand La Femme Libre de Paul Mazursky faisait autant que Le Crocodile de la mort pour sa première semaine, mais avec 10 écrans de moins. On notera également le succès, cette semaine-là, de plusieurs pornos : La grande sauterie, blockbuster du X, avec 11 salles et 23 000 entrées, et L’école des petites baiseuses, porno sorti dans 7 cinémas, qui cumulait 15 000 entrées (soit une 14e position impressionnante). A côté, le film d’exploitation Salut les pourris et ses 3 292 entrées dans 8 salles faisait pale figure. Autre film classé X, Les Aventures des queues nickelées réalisait 6 576 entrées dans 6 cinémas courageux.

En deuxième semaine, Le crocodile de la mort ne fait pas le poids. Son petit distributeur indépendant est lâché par 13 salles, et désormais, la 3e réalisation de Tobe Hooper n’est présente qu’au Publicis, au Paramount Opéra/Montparnasse et au Capri. Le reptile fou dévore 3 398 spectateurs.

En troisième et dernière semaine, Le crocodile de la mort se noie sur les Grands Boulevards, au Paramount Opéra, dernier cinéma à diffuser la chose ingrate avec 730 clients, pour un total dérisoire de 20 684 nageurs.

Sur la France, le film réalise toutefois 151 000 entrées, un score moins catastrophique que sur Paname, lors d’une année aux terreurs aquatiques prononcées, avec le succès des Dents de la mer 2 et Piranhas.

Sorties de la semaine du 24 mai 1978

Frédéric Mignard

Le crocodile de la mort (Death Trap) : affiche cinéma du film de Tobe Hooper

© 1976 et 2000 Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

Le Blu-ray

Tous les DVD et Blu-ray Carlotta

L’édition Carlotta du Crocodile de la mort est soignée, respectueuse des exigences des aficionados de produits physiques qui donnent du caractère aux salons des cinéphiles, même si elle se contente de reprendre plus ou moins le contenu de l’édition collecteur de chez Arrow Entertainment, à laquelle Tobe Hooper avait collaboré, deux ans avant son décès.

Suppléments & Packaging : 4.5 / 5

En reprenant les bonus de chez Arrow Vidéo, l’éditeur français achète de la qualité : 20 minutes émouvante avec Tobe Hooper qui revient avec beaucoup de recul sur cette expérience étrange dans sa carrière. Robert Englund, le futur croquemitaine des Griffes de la nuit, dispose de 15 minutes pour évoquer son rôle extrêmement brutal. L’occasion pour lui d’évoquer l’anonymat de ses débuts. On est heureux de retrouver Marilyn Burns du premier Massacre à la tronçonneuse, qui allait disparaître en 2014. Exclusif au blu-ray, un reportage revient sur le fait divers qui a inspiré le film, l’histoire du “boucher d’Elmendorf”… Ce supplément s’éloigne du cinéma, mais donne une valeur supplémentaire à l’objet qui permet aussi de découvrir la bande-annonce du long métrage.

Au vu de la quasi-disparition du casting (Hooper, Burns, Stuart Whitman, décédé depuis mars 2020, Mel Ferrer, Carolyn Jones, Neville Brand, William Finley… tous morts !), cette édition  a une vraie valeur historique, et donc sentimentale. Cette œuvre d’époque bénéficie d’un sursaut salvateur, avec un superbe emballage steelbook dont on ne se lasse pas de contempler le design. On remercie l’éditeur.

L’image : 4 / 5

Très beau master, bénéficiant d’une restauration 2K. C’est important de le souligner tant les copies du film, en VHS et au début de l’ère DVD, étaient fatiguées. Le film a été tourné dans des conditions difficiles et, pour rétablir l’application de la photographie, il fallait bien une restauration numérique pour jouer des contrastes, raviver les couleurs et empêcher l’obscurité de certaines scènes d’engloutir certains plans. La perfection n’est pas atteinte, de par les stigmates du tournage, mais la qualité est toutefois impressionnante. On baigne dans des éclairages tellement soignés qu’on redécouvre une fois pour toute le film dans les conditions qui auraient dues être les siennes depuis le début.

Le son : 3 / 5

Proposé en mono DTS HD, avec la VF d’époque retrouvée, le film dispose d’atouts suffisants pour être lu sur nos lecteurs contemporains. Le résultat est un peu strident dans son délire hurlant, ce n’est pas le plus agréable de la restauration, mais les limites techniques sont souvent celles des enregistrements audio d’origine.

Le crocodile de la mort de Tobe Hooper (blu-ray)

Design 2020 : Dark Star L’Etoile Graphique © 1976 et 2000 Par Mars Production Corp. Tous droits réservés.

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