Film glamour aux images de papier glacé, Tequila Sunrise n’a pas grand-chose à proposer si ce n’est un triangle amoureux peu passionnant. Reste la belle prestance d’un casting charismatique.
Synopsis : En Californie, Nick Frescia et Dale McKussic sont amis depuis l’enfance, en dépit de leurs parcours singulièrement divergents. Nick est devenu policier, tandis que Dale s’est reconverti dans la vente de machines agricoles après avoir trempé dans un vaste trafic de drogue. Maguire, un agent du bureau des narcotiques, obsédé par l’idée que Dale continue ses activités illicites, surveille le restaurant italien où celui-ci, épris de la patronne, a ses petites habitudes. Nick, qui mène une enquête parallèle, s’intéresse au même restaurant et tout autant à la belle Jo Ann.
Tequila Sunrise et son casting hype
Critique : Projet de longue haleine pour Robert Towne, Tequila Sunrise (1988) a été écrit au même moment que Personal Best (1982), première réalisation du scénariste star. Towne avait même négocié avec le studio Warner afin qu’ils financent ce deuxième long-métrage contre le final cut de son premier essai. Pourtant, il a fallu plusieurs années pour concrétiser cette histoire qui dérangeait les exécutifs. Effectivement, Robert Towne proposait une intrigue mettant en scène un héros ancien trafiquant de drogues et des policiers corrompus. Le script manquait donc de personnages positifs selon les critères des studios.
Pourtant, Warner finance tout de même le film à hauteur de 23 millions de dollars, un budget assez cossu pour l’époque. Afin d’en assurer le succès, on engage dans le rôle principal Mel Gibson qui sortait tout juste du succès de L’arme fatale (Donner, 1987) et on lui adjoint les services de la belle Michelle Pfeiffer dont la carrière connaissait alors une accélération grâce aux tournages de Veuve… mais pas trop (Demme, 1988) et des Liaisons dangereuses (Frears, 1988). Pour compléter l’affiche, Kurt Russell tente de faire oublier les bides des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (Carpenter, 1986) et d’Un couple à la mer (Marshall, 1987), sa comédie en duo avec Goldie Hawn.
Un bel emballage qui tourne à vide
Si Robert Towne n’avait plus rien à prouver en tant que scénariste (il est tout de même l’auteur du génial et oscarisé Chinatown de Polanski), il devait assurer en tant que réalisateur puisque Tequila Sunrise n’est que sa deuxième tentative. Alors que le film propose une image léchée signée Conrad L. Hall, une ambiance musicale très marquée par son époque (des titres FM à gogo pour remplir la bande-son, mais aussi un score langoureux avec l’inévitable saxophone) et un trio d’acteurs au sommet de leur glamour, il faut admettre que Tequila Sunrise tourne fréquemment à vide.
En réalité, le script n’est absolument pas emballant et ne pouvait guère supporter une durée excessive de deux heures de projection. Effectivement, le triangle amoureux formé par Mel Gibson, Michelle Pfeiffer et Kurt Russell est posé dès le premier quart d’heure et n’évolue pas beaucoup par la suite. Le jeu est donc de savoir si l’amitié entre les deux hommes résistera à la rivalité amoureuse qui s’immisce entre eux. Cette histoire serait d’ailleurs inspirée par les relations d’amitié complexes entretenues par Robert Towne avec l’acteur Jack Nicholson.
Tequila Sunrise, un cocktail pas si explosif
Au milieu de ce triangle très classique se glisse une vague intrigue de trafic de drogues dont on perçoit tous les tenants au bout d’une demi-heure. Certes, le visionnage n’est jamais désagréable car l’emballage est plutôt classieux, mais l’intérêt va diminuant au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, trop lentement malheureusement. L’ennui prend peu à peu le pas sur l’esthétique et le manque patent d’action n’est pas relevé par une réalisation un brin paresseuse. Il faut finalement attendre les cinq dernières minutes pour qu’une scène un peu plus mouvementée vienne nous réveiller.
Autre facteur de déception, le script qui offrait initialement un point de vue intéressant en donnant le beau rôle à un trafiquant de drogues s’avère finalement lisse et sans réelle surprise. Mel Gibson est certes un ancien bad guy, mais n’est-il pas repenti ? Quant au triangle amoureux, il se conforme à tous les clichés en vigueur dans le genre, ce qui est encore souligné par l’esthétique de papier glacé qui rejoint celle des romans-photos. Heureusement, les acteurs se sortent plutôt bien de l’aventure et donnent un charme certain à un long-métrage pourtant terriblement superficiel et vain.
Un film passé inaperçu en France
Sorti aux Etats-Unis avec un tout petit écho et des chiffres plutôt décevants, Tequila Sunrise n’a pas éveillé l’intérêt du public français, malgré la présence de Mel Gibson au générique. La semaine de sa sortie, le film de Robert Towne n’arrive qu’en 7ème position du box-office parisien. Il n’ira pas au-delà des 122 790 entrées à Paris et des 397 563 entrées sur toute la France. Donc, il s’agit bel et bien d’un échec, à tel point que le film est aujourd’hui largement oublié.
Il n’a ainsi même pas été édité en blu-ray sur notre territoire, et ceci malgré la présence d’un casting qui aurait dû fédérer.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 29 mars 1989
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Box-office :
Sorti en France le même jour que Mississipi Burning d’Alan Parker, Tequila Sunrise bénéficiait de 31 salles contre 26 pour le Ku Klux Klan, sur la capitale. Le premier jour parisien à 6 758 entrées du trio glamour le positionne derrière le pamphlet d’Alan Parker (7 235). Avec 52 971 entrées, le polar noir doit se contenter d’une entrée moyenne en 7e place parisienne. Mississipi Burning réalisait 20 000 entrées de plus en 4e place.
Tequila Sunrise était lâché sur Paris au George V, à l’UGC Biarritz/Bastille/Gobelins/Montparnasse, au Forum Arc en Ciel, au 14 Jt Odéon, au Gaumont Alésia/Convention, aux Parnassiens, au Gambetta, au Paramount Opéra, au Rex et au Pathé Clichy.
Pour sa seconde semaine, le cocktail faussement explosif de la Warner perd déjà 4 écrans et glisse à 31 303 spectateurs. Etiqueté “échec” par les salles parisiennes qui ont d’autres films à programmer, Tequila Sunrise perd 16 écrans en 3e semaine, pour 17 685 retardataires.
La 4e semaine voit le film exclu de périphérie et se retrouve désormais exhibé sur 5 petits écrans (7 175). En 8e semaine, il est déchu dans un seul site (le Gaumont Ambassade, 1062 entrées) où il restera deux semaines de plus pour achever sa carrière en 10e semaine.