Mélange de giallo, de thriller à machination et d’enquête policière classique, Nuits d’amour et d’épouvante est un divertissement efficace, porté par une intrigue délicieusement tortueuse et des acteurs bien dirigés. Agréable.
Synopsis : Après avoir dérobé des diamants, un homme se fait assassiner dans le train. N’ayant pas trouvé ce qu’il cherchait, le meurtrier va s’en prendre à sa fille, Nicole, strip-teaseuse à Paris. Il s’introduit chez elle et la menace, ne laissant voir que ses yeux d’un bleu étrange. Terrorisée, la jeune femme se réfugie chez son amant, Michel. Mais elle découvre que celui-ci a des lentilles de contact bleues.
Le deuxième volet d’un triptyque consacré au giallo par Luciano Ercoli
Critique : Lorsque le producteur Luciano Ercoli se lance dans la réalisation, il tourne un premier giallo qui rencontre un joli succès. Photo interdite d’une bourgeoise (1970) lui a permis d’offrir un beau premier rôle à son épouse Nieves Navarro, tout en livrant une œuvre au scénario tortueux, parfois jusqu’à l’absurde. Face à cette belle réussite artistique et commerciale, la même équipe se retrouve au complet pour un second volet qui sera lui-même suivi l’année d’après par La mort caresse à minuit (1972), formant ainsi un triptyque giallesque plutôt intéressant.
Au scénario, on appelle une fois de plus le spécialiste du genre, à savoir le grand Ernesto Gastaldi qui écrit Nuits d’amour et d’épouvante / La mort marche en talons hauts (1971) en moins d’un mois, comme à son habitude. Le scénariste stakhanoviste mélange ici plusieurs éléments qui viennent d’influences diverses. Si l’on trouve bien un tueur ganté qui joue du rasoir et traque une jeune femme – autant d’éléments typiques du giallo – l’auteur ajoute également une intrigue proprement policière, et surtout une pointe de thriller à machination dont il était le grand manitou dans les années 60.
Un script tortueux avec une pincée d’humour
Ainsi, le scénario de Nuits d’amour et d’épouvante est particulièrement tortueux et, même si l’on note bien quelques petites incohérences, la suspension d’incrédulité fonctionne miraculeusement bien grâce à un script solidement charpenté. L’auteur parvient à susciter l’intérêt, alors même que les meurtres sont peu nombreux et, pour la plupart, peu graphiques. Ce n’est donc clairement pas avec La mort marche en talons hauts que l’amateur de sang frais sera rassasié. Pourtant, il ne faut pas en déduire un manque de puissance du long-métrage qui compense ces manques par un jeu d’acteur uniformément bon, une ambiance seventies marquée par une bonne musique de Stelvio Cipriani et surtout une multitude de twists qui tiennent en haleine.
Marqué pendant une heure par la présence charismatique de Nieves Navarro qui est jusque-là de tous les plans, le giallo parvient à brouiller les pistes et s’autorise même des digressions qui ne nuisent pourtant pas à la cohérence de son histoire. On apprécie également le cadre parisien, puis londonien et finalement de la côte britannique qui octroie un charme certain aux images pourtant très naturalistes de Fernando Arribas. Alors que les autres gialli de Luciano Ercoli sont plus baroques par leurs images colorées et leurs mouvements de caméra plus audacieux, Nuits d’amour et d’épouvante est davantage classique, ne faisant pas du tout appel à un univers latin. Finalement, sa localisation en Angleterre semble avoir impliqué une réalisation plus sage, marquée notamment par un humour plus pince-sans-rire.
Nuits d’amour et d’épouvante est sorti discrètement en France
Ainsi, le commissaire de police incarné avec justesse par Carlo Gentili est avant tout vecteur d’ironie et plusieurs passages du film confirment cette volonté du réalisateur de ne pas être dupe d’une intrigue qu’il jugeait sans doute trop complexe. La vraie force de cet énième giallo vient justement de cette constante distance humoristique, ainsi que d’un montage très alerte qui fait que l’on ne s’ennuie jamais durant la projection, même lors des inévitables passages explicatifs.
Honnête divertissement qui n’a d’autre but que de faire passer un bon moment d’évasion au spectateur, La mort marche en talons hauts est sorti en Italie avec un certain succès et s’est surtout vendu dans le monde entier, devenant rentable dès sa mise en production. En France, le distributeur Univers Galaxie en a fait l’acquisition, comme le reste du triptyque d’ailleurs, pour une sortie confidentielle au mois de février 1975, soit quatre ans après sa réalisation. Le long-métrage est sorti majoritairement sous le titre Nuits d’amour et d’épouvante, même si certaines affiches prouvent que le thriller a également été distribué sous son titre original traduit de manière littérale : La mort marche en talons hauts. Les deux titres figurent désormais sur la jaquette du combo DVD / Blu-ray sorti par Artus Films en septembre 2022.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 février 1975
Acheter le combo DVD / Blu-ray sur le site de l’éditeur
© 1971 Atlántida Films – Cinecompany / © 1975 Univers Galaxie. Tous droits réservés.
Biographies +
Luciano Ercoli, Frank Wolff, Nieves Navarro, Claudie Lange, Daniela Giordano, Georges Rigaud, José Manuel Martín, Simón Andreu, Carlo Gentili