Nostalghia : la critique du film (1985)

Drame | 2h05min
Note de la rédaction :
10/10
10
Nostalghia, affiche du film d'Andrei Tarkovski par Andrzej Malinowski

  • Réalisateur : Andreï Tarkovski
  • Acteurs : Erland Josephson, Delia Boccardo, Oleg Yankovski, Domiziana Giordano
  • Date de sortie: 29 Mai 1985
  • Nationalité : Soviétique, Italien
  • Titre original : Nostalghia
  • Titres alternatifs : Nostalgia (titre international)
  • Année de production : 1983
  • Autres acteurs : Patrizia Terreno, Laura De Marchi, Delia Boccardo, Milena Vukotic
  • Scénaristes : Andreï Tarkovski, Tonino Guerra
  • Monteur : Amedeo Salfa, Erminia Marani
  • Directeur de la photographie : Giuseppe Lanci
  • Compositeurs : Claude Debussy, Giuseppe Verdi, Wagner, Ludwig Van Beethoven
  • Chef maquilleur : Giulio Mastrantonio
  • Chef décorateur : Andrea Crisanti
  • Directeur artistique : -
  • Producteurs : Manolo Bolognini, Renzo Rossellini, Daniel Toscan du Plantier
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : RAI 2, Opera Film, Sovinfilm
  • Distributeur : Gaumont
  • Distributeur reprise : Les Acacias
  • Date de sortie reprise : 4 octobre 2017
  • Editeur vidéo : Les Films de ma vie (VHS, 1999) / MK2 (DVD, 2006) / Films sans Frontières (DVD, 2008) / Potemkine Films (DVD et blu-ray, 2017)
  • Date de sortie vidéo : 1999 (VHS) / 8 novembre 2006 (DVD) / 30 juillet 2008 (DVD) / 7 novembre 2017 (DVD et blu-ray)
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 98 308 entrées / 41 996 entrées
  • Box-office nord-américain : 41 014 $
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur et Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Cannes 1983 : Sélection officielle, en compétition pour la Palme d'or
  • Nominations : -
  • Récompenses : Cannes 1983 : Grand prix du cinéma de création, ex-æquo avec L'Argent de Robert Bresson ; Prix FIPRESCI ; Prix du jury œcuménique
  • Illustrateur/Création graphique : © Andrzej Malinowski © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © RAI 2, Opera Film, Sovinfilm. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : Claude Davy
  • Tagline : Grand Prix du cinéma de création - Cannes 83
Note des spectateurs :

Nostalghia pousse l’art de Tarkovski à son sommet avec une suite de séquences d’une beauté plastique à couper le souffle. Un chef d’œuvre absolu.

Synopsis : Un intellectuel soviétique voyageant en Italie ressent cruellement l’éloignement de son pays. Cet exil passager devient l’occasion d’une réflexion sur l’inaccessibilité d’un monde meilleur.

Tarkovski, un cinéaste en exil

Critique : Au début des années 80, le cinéaste Andrei Tarkovski ne parvient plus à mener à bien ses projets en URSS où il est systématiquement mis en difficulté par le pouvoir en place. Pourtant, il parvient à convaincre les autorités de le laisser tourner Nostalghia (1983) en Italie, à l’aide d’une coproduction. Les Soviétiques sont certains que le réalisateur ne peut s’échapper à l’Ouest puisque sa famille est restée en URSS. Pourtant, Nostalghia fut le point de rupture avec les autorités soviétiques, à tel point qu’Andrei Tarkovski fait le choix déchirant de ne jamais revenir en Russie au cours de l’année 1983, après un nombre incalculable de négociations avec le pouvoir.

Voici notamment un extrait d’une lettre de Tarkovski adressée à Andropov, le Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, en octobre 1983 (présentée dans son Journal) :

Je vous prie, Iouri Vladimirovitch, de m’aider à mener à bien mes projets et par conséquent, de nous accorder à moi-même, mon épouse Larissa Tarkoskaïa (première assistante au studio Mosfilm), ma belle-mère Anna Semionovna Egorkina et mon fils de treize ans, Andreï, des passeports soviétiques nous donnant le droit de résider et de travailler à l’étranger pendant une période de trois ans. Cela fait plus d’un an et demi que nous n’avons vu ni notre fils, ni ma belle-mère qui, en raison de son âge avancé et de son état de santé, ne peut rester sans assistance à Moscou.

Nostalghia est imprégné de culture russe

Bien entendu, cette demande n’a jamais reçu de réponse et Andrei Tarkovski s’est donc retrouvé exilé en Europe. Nostalghia porte assurément la marque de cette décision terrible qui étreint le poète, celle d’être certain de ne plus jamais revoir sa famille ni sa chère patrie à laquelle il reste toujours attaché. Andrei Tarkovski est assurément tourmenté par la cruelle absence de sa famille, restée aux mains des Soviétiques, mais également par la maladie qui le ronge, ainsi que l’approche certaine de la mort. Autant de thèmes qui viennent nourrir sa réflexion sur l’homme et son rapport avec le monde.

Nostalghia, affiche 2017

© 1983 Rai 2 – Sovinfilm. Tous droits réservés.

Tout comme Le miroir (1974), Nostalghia est clairement une œuvre autobiographique où rêve et réalité se mêlent de manière inextricable. Longue errance de personnages en exil, ce chef d’œuvre ne pourra guère réconcilier les amateurs et détracteurs du cinéaste. Porté uniquement par une interrogation philosophique, voire mystique, le film ne suit aucun schéma narratif classique et demande un abandon total de la part du spectateur.

Un grand film d’art

Véritable festin des sens, ce métrage extrême nous convie aux frontières de tous les arts (musique, peinture, photographie, architecture) et déploie ses fastes visuels en une myriade de plans tous plus sublimes les uns que les autres. Jouant sur la lumière avec maestria, le metteur en scène signe sans doute son œuvre la plus aboutie sur le plan formel et mérite sans contestation possible son Prix de la création artistique obtenu au festival de Cannes 1983. On notera toutefois que le long-métrage qui était parfaitement calibré pour recevoir une Palme d’or n’a pas réussi à gagner cette récompense ultime par l’opposition du cinéaste Sergueï Bondartchouk, sans doute mandaté par le pouvoir soviétique pour entraver Tarkovski.

Ainsi, on peut lire dans le Journal de Tarkovski :

J’ai appris par Yvonne Baby qui était aussi au jury que Bondartchouk avait passé son temps à dénigrer mon film : il avait été envoyé de Moscou pour cela, même si les fonctionnaires qui sont venus n’ont cessé de me répéter qu’il serait loyal à mon égard. Ils l’ont tellement dit que j’en ai conclu qu’il avait été envoyé exprès pour m’empêcher d’avoir la Palme, laquelle aurait augmenté mes chances d’obtenir du travail à l’étranger… Ainsi, Bondatchouk a compromis mes chances.

Nostalghia initie la révolte des poètes et des fous contre un monde trop normatif

Bouleversant dans son discours humaniste, Nostalghia est un magnifique appel à l’union des peuples, par-delà toutes les frontières. Avec un pessimisme qu’on lui connaissait peu, Andrei Tarkovski démontre que le monde ne tourne pas rond et que seuls les poètes, artistes et illuminés voient l’impasse dans laquelle les êtres humains s’engouffrent. Un constat amer qui trouve une résonnance encore plus forte de nos jours, et ceci même si les menaces de la guerre froide ont été remplacées par d’autres périls.

Parcouru de fulgurances esthétiques époustouflantes – notamment lors des grandioses scènes de rêves, fort nombreuses ici – cet avant-dernier opus du maître russe ne peut laisser personne indifférent par sa proposition d’un cinéma à la fois épuré et travaillé à l’extrême. Tarkovski a su transcender son tragique destin grâce à son art, faisant de lui un poète de l’image. Depuis qu’il a disparu, nous sommes tous un peu en exil.

Critique de Virgile Dumez

Box-office de Nostalghia

Sorti par la Marguerite dans 4 cinémas, le 29 mai 1985, Nostalghia a dû attendre deux ans après sa triste présentation cannoise avant d’émerger sur les écrans. Cette semaine-là, de nombreux films lui font concurrence, comme Les enfants de Marguerite Duras (5 écrans), des films cannois de la cuvée 85, La rose pourpre du Caire (Woody Allen, sortie événement dans 30 cinémas), le futur accident industriel de Jacques Demy (Parking, 25 écrans), le plus gros succès de Peter Bogdanovich (Mask, avec Cher, présent dans 24 cinémas).

Parmi les autres trublions, citons David Bowie dans le fade Gigolo (18 salles), le nanar Z rigolo de la Troma Toxic, premier du nom, qui trouvait 18 écrans (!)…

A l’issue de la première journée parisienne, 5 films dépassent les 1 000 spectateurs, deux se situent autour des 3-4 000 (Mask, Parking), mais qu’un seul savoure 9 000 spectateurs, le magnifique La rose pourpre du Caire. Andrei Tarkovski, qui pâtit de la deuxième combination la plus faible pour une nouveauté, est logiquement avant-dernier, avec 513 spectateurs en 24 heures.

En première, la toile de maître ne capitule pas : 5 853 spectateurs, avec un très bel ancrage au Bonaparte (2 352 entrées) et au Ciné Beaubourg (1 622). L’UGC Biarritz et l’UGC Rotonde complètent le tableau.

Le bouche-à-oreille sera remarquable. Nostalghia tiendra 18 semaines à l’affiche à Paris pour accomplir l’exploit de multiplier ses entrées initiales par 7,20. Son coefficient multiplicateur impressionne, comme sa deuxième semaine, supérieure à la précédente (6 094). Suivront une troisième semaine à 5 900 spectateurs, une quatrième à 4 071, sur seulement deux écrans (le Bonaparte domine toujours, avec 2 939 spectateurs sur cette seule salle). C’est en 6e semaine que Nostalghia se retrouve exploité dans ce seul cinéma.

En 16e semaine, le Bonaparte abandonne Nostalghia qui se réfugie dans deux cinémas : l’Olympic Luxembourg et le Calypso (820 spectateurs, total de 41 754). Seul l’Olympic le conserve à l’affiche en 17e et 18e semaines. Au final, le film achèvera sa carrière à 41 996 entrées.

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 29 mai 1985

Acheter le film en blu-ray

Voir le film en VOD

Nostalghia, l'affiche

© 1983 Rai 2 – Sovinfilm / Affiche : Andrzej Malinowski. Tous droits réservés.

Biographies +

Andreï Tarkovski, Erland Josephson, Delia Boccardo, Oleg Yankovski, Domiziana Giordano

Mots clés

L’exil au cinéma, L’Italie au cinéma, Films à la thématique religieuse, Cinéma russe

Trailers & Vidéos

trailers
x
Nostalghia, affiche du film d'Andrei Tarkovski par Andrzej Malinowski

Bande-annonce de Nostalghia (VOsta)

Drame

x