Le miroir : la critique du film et le test blu-ray (1978)

Drame | 1h47min
Note de la rédaction :
10/10
10
Le miroir, l'affiche du Tarkovski

  • Réalisateur : Andreï Tarkovski
  • Acteurs : Nikolaï Grinko, Anatoli Solonitsyne, Youri Nazarov, Margarita Terekhova, Oleg Yankovski, Innokenti Smoktounovski
  • Date de sortie: 18 Jan 1978
  • Nationalité : Soviétique, Russe
  • Titre original : Zerkalo
  • Titres alternatifs : The Mirror (titre international) / Der Spiegel (Allemagne) / El espejo (Espagne) / O Espelho (Portugal) / Zwierciadło (Pologne) / Lo specchio (Italie) / Spejlet (Danemark)
  • Année de production : 1975
  • Scénariste(s) : Alexandre Micharine et Andreï Tarkovski
  • Directeur de la photographie : Georgy Rerberg
  • Compositeur : Edouard Artemiev (avec des extraits de Bach, Pergolese et Purcell)
  • Société(s) de production : Mosfilm
  • Distributeur : Gaumont
  • Distributeur (reprise) : Potemkine Films
  • Date de reprise : 5 juillet 2017
  • Éditeur(s) vidéo : Ciné Vidéo Film (VHS) / Les Films de ma Vie (VHS) / MK2 (DVD, 2005 et 2008) / Potemkine Films (DVD, 2011) / Potemkine Films (DVD et blu-ray restaurés, 2017)
  • Dates de sortie vidéo : 25 mai 2005 (DVD) / 1er mars 2008 (DVD) / 15 novembre 2011 (DVD) / 7 novembre 2017 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 198 746 entrées France / 83 259 entrées (1ere exclusivité P.P.), 112 376 (chiffres arrêtés en 2000, P.P.)
  • Budget : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Couleurs et Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Faro Island Film Festival 1975 : Prix de la meilleure actrice pour Margarita Terekhova
  • Illustrateur / Création graphique : Faits et communication (agence)
  • Crédits : Mosfilm
Note des spectateurs :

Le miroir est une introspection magnifique qui prouve une fois de plus le génie de Tarkovski. Tout bonnement indispensable.

Synopsis : Un homme frappé par la maladie se souvient de son passé. Des images de sa mère et de sa femme lui reviennent.

Tarkovski s’adonne à la poésie cinématographique

Critique : Projet complètement fou qui traînait depuis la fin des années 60 dans les tiroirs d’Andrei Tarkovski, Le miroir est une œuvre à forte connotation autobiographique au contenu exclusivement personnel. Tout à fait le genre de film banni du régime soviétique qui préférait vanter les vertus de la collectivité sur l’individu. Pourtant, le cinéaste est parvenu à tourner cet OVNI qui bouleverse à la fois les règles classiques de la narration, mais aussi la temporalité, au point que le spectateur doit impérativement s’abandonner aux rimes visuelles et sonores d’un cinéaste se voulant avant tout poète. L’ensemble est ardu, mais ô combien satisfaisant pour peu que l’on se laisser aller à ce cinéma des sensations.

D’ailleurs, Le miroir du titre n’a ici rien à voir avec la définition donnée par Stendhal, assignant au roman ou à l’œuvre d’art un rôle de reproduction de la réalité. Au contraire, Tarkovski suit plutôt la voie du Stream of consciousness (ou monologue intérieur) tracée entre autres par James Joyce dans son roman Ulysse (1922). Ainsi, la trame du film n’apparaît jamais clairement et l’on est plutôt emporté par un flot de pensées personnelles, littéraires et philosophiques durant toute la durée du métrage.

De l’art de la rime au cinéma

Malgré l’absence apparente de logique dans l’organisation des séquences, le spectateur arrive progressivement à reconstituer le puzzle. L’auteur rend ainsi hommage à tous ses proches : la figure maternelle est le véritable pivot du film, associée qu’elle est à l’image de la femme aimée. Le père est omniprésent par la déclamation de nombreux poèmes (Arsène Tarkovski, père du cinéaste, était un très grand poète russe), le fils est également évoqué à de nombreuses reprises. Le cinéaste revient aussi sur la période difficile de la Seconde Guerre mondiale qu’il avait déjà abordé dans son chef-d’œuvre L’enfance d’Ivan (1962).

Mélangeant sans cesse les temporalités, le metteur en scène se plaît à perdre le spectateur qui doit dès lors se laisser porter par la poésie des images et la beauté de la musique d’Artemiev. Car tout fonctionne ici par un jeu de correspondances : tel son nous amène à une autre scène dans laquelle une image nous emporte vers la séquence suivante et ainsi de suite. Le procédé est audacieux et permet de reconstituer le portrait en creux d’un homme, mais aussi de sa famille et de son pays. On sent ainsi un amour constant pour les êtres chers, pour la terre de Russie et pour la vie en général.

Un chef d’œuvre du cinéma mondial, mal aimé en URSS

Le cinéaste referme son film sur l’image bouleversante de sa mère enceinte de lui-même et sur le foyer qui a marqué son enfance, scènes d’autant plus belles qu’elles nous ramènent tous à cette période de notre vie où tous les espoirs sont encore permis, où la chaleur maternelle irradie encore notre existence. Le tout est filmé avec un sens incroyable de la mise en scène, chaque plan faisant référence à un tableau de maître.

Le miroir est donc une œuvre exceptionnelle qui a déplu en Union Soviétique à cause de son absence d’engagement politique ferme, de ses nombreuses scènes oniriques qui contredisent le réalisme socialiste et de son individualisme farouche. Mais Andrei Tarkovski avait compris l’essentiel en essayant de toucher l’universel par le biais de son histoire personnelle. Le long-métrage est sorti au mois de janvier 1978 en France, cumulant 198 746 entrées sur toute la France, ce qui est un score remarquable pour une œuvre aussi difficile d’accès.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 18 janvier 1978

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Le miroir, l'affiche du Tarkovski

© 1975 Mosfilm / Affiche : Faits et communication (agence). Tous droits réservés.

Biographies +

Andreï Tarkovski, Nikolaï Grinko, Anatoli Solonitsyne, Youri Nazarov, Margarita Terekhova, Oleg Yankovski

Box-office

Enorme succès art et essai, Le miroir de Tarkovski était distribué par Gaumont. Sa première semaine parisienne est mirobolante. Dans trois cinémas, il a été découvert par 14 559 spectateurs. Ainsi, 5 818 tickets ont été vendus au Gaumont Champs Elysées (13e meilleur résultat hebdo sur Paris), 7 142 au Hautefeuille (7e meilleur résultat hebdo sur Paris) et 1 600 à l’impérial. A titre de comparaison, De l’autre côté de minuit, film américain avec Marie-France Pisier et Susan Sarandon trouvait à peine 21 905 spectateurs dans 18 cinémas. Le concurrent direct du Tarkovski était Barberousse de Kurosawa, autre succès dans le secteur de l’art et essai, qui avait enfin trouvé un distributeur en France, en l’occurrence MK2 (avec Muticiné), après 13 ans d’existence. Le Kurosawa était toutefois à l’affiche depuis trois semaines, mais poursuivait une brillante carrière (9 009 entrées cette semaine là, dans 4 cinémas).

Captivés par la beauté de sa cinématographie, les Parisiens exigeants affluent encore en deuxième semaine. Les chiffres sont même en hausse (14 934) grâce à un écran supplémentaire (le Gaumont Rive Gauche). Le miroir est désormais aux portes des 30 000 entrées.

Au final, le quatrième film d’Andreï Tarkovski rassemble 83 259 amateurs de 7e art sur 15 semaines. Un score formidable, même si inférieur à Barberousse qui achevait sa première exclusivité parisienne à 108 660 curieux, malgré une durée excédant les 3 heures.

Box-office de Frédéric Mignard

Le test blu-ray (2017) :

Compléments : 3,5 / 5

Quatre modules sont disponibles dont deux paraissent quelque peu inutiles : on pense notamment à l’hommage musical d’Artemiev à Tarkovski (9mn), joli mais un peu vain. De même, les images de l’acteur Anatoli Solonitsyne sont tirées de tournages d’autres œuvres et paraissent donc totalement hors sujet ici. Par contre, on apprécie fortement l’analyse pertinente d’Eugénie Zvonkine qui parvient à livrer quelques utiles clés de compréhension en seulement 14mn très denses. Enfin, l’entretien de 32mn avec le scénariste Alexandre Micharine n’est certes pas nouveau, mais il permet de se replonger dans le processus de création de l’un des génies du septième art.

L’image : 3 / 5

Pas évident de livrer un travail irréprochable sur un film comme Le miroir qui multiplie les textures et les images d’archives, tout en jouant sur la couleur et le noir et blanc. Le résultat est donc clairement en demi-teinte : à la fois resplendissant sur les quelques plans où les paysages sont sublimés par le blu-ray, mais parfois peu gracieux lorsque le grain se fait trop présent. De même, la photographie, toute en contraste, ne facilite pas le travail de retranscription et si l’on est globalement satisfait, on s’attendait à être davantage ébahi.

Le son : 4 / 5

La principale bonne idée de cette édition est d’avoir supprimé la piste 5.1 qui existait jusqu’alors sur les DVD et qui était totalement artificielle. Ici, on ne trouvera donc qu’un unique mono DTS HD Master-Audio qui est certes frontal, mais qui arrive à spatialiser les ambiances et à respecter les intentions de l’auteur sans tomber dans l’exploitation ridicule d’un gadget technologique. Pas de VF, mais cela serait un contresens pour ce métrage intégralement porté par la poésie de la langue russe.

Test du blu-ray de Virgile Dumez

Le miroir, jaquette blu-ray

© 1975 Mosfilm / © 2017 Potemkine Films. Tous droits réservés.

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Le miroir, l'affiche du Tarkovski

Bande-annonce de Le miroir (VOsta)

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