Nanar stratosphérique, Parking est un pur accident industriel pour Jacques Demy qui signe ici son plus mauvais film. Francis Huster s’y révèle particulièrement ridicule en star du rock en toc.
Synopsis : Orphée est une pop star adulée. Lorsque sa compagne Eurydice meurt subitement, il tente de la rejoindre dans l’au-delà. Un mystérieux personnage va lui proposer un bien étrange contrat.
Cinéaste sur une voie de garage
Critique : Au début des années 80, la situation de Jacques Demy est plutôt compliquée. Celui qui a enchanté le public et les critiques dans les années 60 avec ses contes musicaux, a connu une décennie 70 faite de déceptions et d’exil afin de trouver des financements. Au début des années 80, il semble sorti d’affaire et peut mettre sur pied l’ambitieux Une chambre en ville (1982). Malgré le soutien indéfectible des critiques, le long-métrage connaît un cuisant revers au box-office (231 624 entrées sur toute la France), alors même que son budget était conséquent.
Finalement, Jacques Demy parvient à monter un ancien projet qui était une relecture du mythe d’Orphée en version moderne. Le but initial du réalisateur était de rendre un hommage au Orphée (1950) si poétique de Jean Cocteau, d’où la présence très symbolique de Jean Marais, cette fois-ci dans le rôle d’Hadès. Malheureusement, si Jacques Demy avait un temps envisagé David Bowie ou encore Johnny Hallyday dans le rôle de cette star du rock qui va devoir suivre son amour aux enfers pour la libérer de l’emprise de la Mort, il doit se résoudre à diriger Francis Huster dont le nom a été suggéré par la grande productrice Mag Bodard. Outre le déficit de notoriété de l’acteur, ce dernier insiste pour chanter tous les morceaux lui-même. Enfin, l’autre concession de Jacques Demy est d’engager l’actrice japonaise Keiko Itô afin de pouvoir vendre le film au Japon, pays où le cinéaste est populaire. Pourtant, à l’époque, l’artiste justifie son choix par ces mots, dans Le Film Français (numéro 2036) :
Je voulais créer un choc culturel. En effet, aujourd’hui on ne comprend plus une histoire d’amour aussi forte, aussi romantique. C’est pour la rendre crédible que j’ai choisi une Japonaise : elle apporte la magie, le rêve. Elle rend tout possible.
Des concessions fatales
Jacques Demy a donc cédé sur de nombreux points uniquement pour voir enfin aboutir l’un de ses projets, tout en ayant conscience que ces concessions pouvaient entamer le potentiel initial du long-métrage. Et de fait, Parking est assurément une monstrueuse erreur de parcours au sein de sa filmographie.
Tout d’abord, il faut signaler que la relecture « moderne » du mythe d’Orphée est entachée par une ringardise de chaque instant. Les chansons dégoupillées par le duo Jacques Demy et Michel Legrand sont toutes plus déplorables les unes que les autres, déclenchant l’hilarité par leur naïveté. La musique ne s’élève jamais au-dessus d’un simple « easy listening », tandis que les paroles sont indigentes. Mais le pire vient de l’interprétation de Francis Huster qui articule exagérément chaque mot au point de rendre ridicule chaque phrase.
Des chansons et une interprétation déplorables
Le ratage tient en cette dichotomie entre la nullité absolue du répertoire chanté par la star Orphée et les réactions enthousiastes d’un public envoûté. Le chanteur incarné par Huster ne peut en aucun cas être une superstar, tout juste un petit chanteur pour midinettes. La gestuelle maladroite de l’acteur quand il est sur scène renforce encore ce sentiment d’embarras.
L’acteur n’est guère meilleur dans les autres séquences, d’autant qu’il doit jouer face à Keiko Itô qui n’a ici aucune présence à l’écran. De tous les acteurs, on saluera uniquement la prestation très sobre de Jean Marais, de loin celui qui se fourvoie le moins dans un univers poétique qu’il a maintes fois arpenté au cours de sa mémorable carrière.
L’enfer est décidément pavé de bonnes intentions
Outre les acteurs et la musique, Parking propose une vision des enfers passablement décevante. Si l’on aime l’idée de représenter cet espace en noir et blanc, les costumes peints en rouge viennent ajouter une note kitsch supplémentaire. Au final, le drame amoureux qui se voulait émouvant est un désastre tel qu’il ne provoque que l’hilarité, ce qui arrive à son comble lors de la chanson finale d’Orphée, cri d’amour déchirant, non pas pour notre cœur mais pour nos oreilles. Rires garantis.
Initialement prévu pour être montré à Cannes en 1985, Parking n’a officiellement pas été prêt à temps (ou judicieusement écarté pour ne pas se faire étriller ?). Il a donc été distribué dans les salles par Arts et Mélodie à la fin du mois de mai. Le film se crashe dès sa première semaine parisienne en ne se hissant qu’à la huitième place du box-office avec seulement 18 928 spectateurs consternés. Le bouche à oreille désastreux aura rapidement raison du film qui s’écrase à moins de 50 000 entrées sur Paris et à peine trois fois plus sur toute la France. Un désastre à la hauteur de la débâcle artistique de ce nanar.
Critique de Virgile Dumez