Encore plus efficace que son prédécesseur, Marc la gâchette est un très bon poliziottesco qui se dote aussi d’une petite dimension politique lui octroyant un petit plus indispensable pour en faire une œuvre valeureuse.
Synopsis : Le commissaire Mark Terzi est envoyé à Gênes pour enquêter sur une série de meurtres sordides revendiqués par un certain « Sphynx ». Il va y retrouver l’homme d’affaires Benzi, qui pourrait avoir un lien avec ces crimes.
Une suite tournée dans la précipitation
Critique : Au mois d’août 1975, Un flic voit rouge (Stelvio Massi) qui conte les aventures du commissaire Mark Terzi interprété par Franco Gasparri casse la baraque en Italie. Pour la compagnie productrice (la P.A.C.), les caisses se remplissent à une vitesse exponentielle et il ne faut que quelques jours aux exécutifs du studio pour commander à Dardano Sacchetti (le scénariste) et Stelvio Massi (le réalisateur) une suite qui devrait être tournée dans la foulée afin de profiter du phénomène.
Connu pour être capable de livrer un script complet en moins d’une dizaine de jours, le grand Dardano Sacchetti s’acquitte de sa tâche en un temps record. Pour cela, il s’inspire beaucoup de films déjà existants qu’il recycle dans un scénario original plutôt habile. Parmi les références évidentes du scénariste, on trouve tout d’abord une scène d’ouverture qui reprend l’assassinat lors d’un mariage de La mariée était en noir (François Truffaut, 1968).
Un démarquage évident de L’inspecteur Harry, premier du nom
Par la suite, l’intrigue suit les méfaits d’un tueur qui tue ses proies depuis les toits de la ville de Gênes en se faisant appeler le Sphynx. Les cinéphiles auront reconnu ici le fil rouge de L’inspecteur Harry (Don Siegel, 1971) où le tueur use du même mode opératoire tout en se faisant appeler le Scorpion. Cette filiation est encore plus explicite lorsque Mark Terzi choisit de tourner le dos à la police à la toute fin du film, tout comme son compère Harry Calahan à la fin du film avec Clint Eastwood.
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Certes, les puristes pourraient crier au plagiat, si ce n’est que Dardano Sacchetti ajoute à son scénario des éléments politiques plus proprement italiens. Ainsi, il insiste sur la corruption des élites, sur la promotion par le régime dit démocratique des gangsters issus de la mafia. De ce fait, le métrage s’inscrit directement dans la période des « années de plomb » qui ont terni l’ambiance de l’Italie durant cette première moitié des années 70. Si Marc la gâchette n’est assurément pas un film de gauche puisqu’il prône l’autodéfense, on peut toutefois le qualifier d’anarchiste de droite par son dégoût non dissimulé des institutions.
Stelvio Massi, une réalisation pied au plancher
A la réalisation, Stelvio Massi rend également hommage à son maître Don Siegel en livrant une réalisation pied au plancher. Comme dans toute bonne suite, l’action a été poussée au maximum avec une première course poursuite impressionnante lors du premier quart d’heure. Les cascades s’avèrent efficaces, tandis que Franco Gasparri semble plus à l’aise devant la caméra que sur le premier volet. Il paye même de sa personne en exécutant lui-même bon nombre de ses cascades, et notamment lors de la poursuite à moto. Quand l’on connaît le destin tragique de l’acteur qui, cinq ans plus tard, resterait partiellement paralysé à la suite d’un accident de moto, cette séquence prend une dimension plus poignante avec le recul.
Même si Stelvio Massi a mis les bouchées double sur l’action, il n’en délaisse donc pas pour autant une intrigue complexe qui fait s’entremêler plusieurs éléments apparemment disparates, avant que le nœud de l’affaire ne soit résolu dans les cinq dernières minutes du film. La grande force de Marc la gâchette est de parvenir à faire du criminel traqué une véritable victime au sein d’une société italienne où la corruption est reine. Dès lors, le poliziottesco passe du statut de simple divertissement à une œuvre au discours politique plus affirmé et courageux.
Marc la gâchette ou Justice sans sommation ou encore Mark la gâchette ?
Réalisé avec talent, mais pâtissant cette fois d’une musique d’Adriano Fabi, nettement moins efficace que celle de Stelvio Cipriani sur le premier opus, Marc la gâchette ne se contente pas d’être une simple suite et réussit même à dépasser son prédécesseur, alors même que sa production n’a duré que quelques mois. Effectivement, Mark il poliziotto spara per primo est sorti dès le mois de décembre 1975 en Italie, soit seulement quatre mois après le premier volet. Le succès fut tel qu’un troisième opus a été mis en chantier, mais Agent très spécial 44 (Stelvio Massi, 1976) ne reprendra pas le même personnage, même si son titre italien mensonger (Mark colpisce ancora) le laissait supposer. A l’époque, cette pratique frauduleuse était courante de l’autre côté des Alpes.
En ce qui concerne la France, Marc la gâchette est sorti dans les salles de quartier à partir du 28 mars 1979, ne réussissant pas le même exploit qu’en Italie. Selon le site Encyclociné, le métrage aurait eu le droit à une seconde chance en salles à partir du 23 décembre 1981. Toutefois, les cinéphiles français connaissent aussi le film sous le titre de Justice sans sommation qui a été utilisé par Delta Vidéo pour sa sortie VHS en 1984. Depuis, il a fallu attendre 2025 pour qu’Artus Films ressorte le diptyque en DVD et blu-ray, en modifiant encore son titre puisque Marc est devenu Mark la gâchette.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 mars 1979
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Biographies +
Stelvio Massi, Lee J. Cobb, Massimo Girotti, Nino Benvenuti, Ely Galleani, Spýros Fokás, Franco Gasparri
Mots clés
Cinéma bis italien, Poliziottesco, Les gangsters au cinéma, Vigilante movie, La corruption au cinéma, Artus Films