Péplum fantaisiste et mésestimé, Maciste contre les hommes de pierre est un modèle de cinéma bis à la lisière du surréalisme. Son aspect foutraque, mais esthétiquement recherché, en fait un divertissement fort agréable à découvrir.
Synopsis : Pour augmenter son pouvoir, la ténébreuse reine de Samar passe un pacte avec les “hommes de pierre”, des extra-terrestres venus de la Lune. Elle accepte de leur livrer en sacrifice des enfants de son peuple en échange de leur aide. Averti, Maciste ne peut rester sans intervenir…
Maciste, un personnage multifacettes pratique à exploiter
Critique : Au début des années 60, le péplum italien reprend des couleurs grâce à quelques gros succès internationaux comme Les travaux d’Hercule (Pietro Francisci, 1958) avec Steve Reeves. Dès lors, le sous-genre du « muscle opéra » devient très populaire et donne lieu à des tentatives audacieuses d’hybridation des genres. Dès 1961, Mario Bava ouvre le bal avec un Hercule contre les vampires totalement délirant. Cette tendance est rapidement suivie par Maciste contre le fantôme (Giacomo Gentilomo et Sergio Corbucci, 1961) ou encore Maciste en enfer (Riccardo Freda, 1962). A chaque fois, il s’agit de confronter un héros bodybuildé à des entités maléfiques que l’on ne pourrait rencontrer en principe que dans des films d’horreur. Cela donne un aspect terriblement kitsch à ces longs-métrages, mais peut également ravir les amateurs d’un cinéma bis décomplexé.
Et rien de tel que se confronter à un film du cycle Maciste pour entrer de plain-pied dans le portnawak. Pour mémoire, le personnage a été créé par l’écrivain Gabriele d’Annunzio pour le film Cabiria (Giovanni Pastrone, 1913). Par la suite, ce protagoniste à la force herculéenne a été exploité dans une grosse vingtaine de films, tous plus fantaisistes les uns que les autres. Effectivement, étant inventé de toute pièce par les Italiens, le personnage n’est aucunement limité dans ses déplacements spatio-temporels par une quelconque tradition ancestrale. Il est donc assez logique de retrouver Maciste à l’Antiquité, mais aussi dans des aventures contemporaines ou encore dans des pays fictionnels comme dans le film qui nous occupe.
Un scénario absurde au service de la plus improbable fantaisie
Après avoir réussi à aborder le personnage sous un angle hautement fantaisiste dans son Maciste contre le fantôme (1961), le réalisateur vétéran Giacomo Gentilomo se fait donc un plaisir de retrouver la montagne de muscles pour Maciste contre les hommes de pierre (1964) qu’il entend rapprocher du délirant Hercule contre les vampires cité plus haut.
Partant d’un postulat totalement délirant mettant en scène un peuple de monstres de pierre venus de la Lune, le long-métrage se rapproche finalement davantage du genre de l’Heroic Fantasy que du péplum. On plonge effectivement dans une ambiance fantastique avec cette histoire d’une reine d’un pays imaginaire qui contribue au triomphe d’une race extraterrestre en leur fournissant de la chair humaine nécessaire à la renaissance de leur propre reine, Séléné. A partir de cette intrigue hautement fantaisiste qui nous ramène avec délice au temps des bandes dessinées comme celles de Conan le barbare (d’après l’œuvre littéraire de Robert E. Howard), les auteurs se sont amusés à reprendre tous les grands thèmes du cinéma d’aventures en poussant à chaque fois les curseurs au maximum de l’improbable.
Maciste contre les hommes de pierre ou le triomphe du surréalisme au cinéma
Plutôt bien construit dans sa progression dramatique, le scénario est suffisamment léger pour y intercaler de grands moments d’action et d’aventures. On adore ainsi les pièges mortels que doit affronter le colosse héroïque dans les souterrains du palais royal, mais aussi les pointes de sadisme, notamment lors de la scène de torture du héros (reprise d’ailleurs sur l’affiche).
Enfin, que dire de l’excellente dernière partie située sur « la montagne de la mort » où les décorateurs de Cinecittà se sont régalés pour créer une ambiance glauque. L’ensemble est également valorisé par des éclairages bariolés d’Oberdan Troiani qui s’inspire ici des travaux de Mario Bava. N’oublions pas que le réalisateur Giacomo Gentilomo a eu avant tout une formation de peintre et que Maciste contre les hommes de pierre constitue son dernier opus avant de raccrocher les gants pour devenir un fameux peintre surréaliste. Ainsi, ce dernier film de sa filmographie ne doit aucunement être vu comme un nanar torché par un cinéaste en bout de course, mais bien comme un manifeste esthétique à la gloire d’une esthétique surréaliste. C’est en tout cas l’impression qui ressort de ce dernier quart d’heure totalement délirant qui vient rehausser un ensemble souvent faible sur le plan de la mise en scène.
Un casting surtout mené par des femmes de caractère
Il faut dire que le cinéaste devait faire jouer Alan Steel (alias Sergio Ciani) qui n’était pas le meilleur des acteurs – mais pas le pire non plus. Le culturiste italien était surtout un nounours un peu balourd qui avait visiblement du mal à se déplacer devant la caméra, à tel point que la plupart de ses scènes d’action ont été légèrement accélérées lors du montage final.
Face à lui, on peut apprécier le jeu assez sûr de plusieurs actrices valeureuses. La Française Jany Clair est plutôt charismatique en reine diabolique et sensuelle, tandis que l’Italienne Anna Maria Polani fait une compagne agréable et plutôt juste face au colosse pataud. Tourné avec des moyens que l’on imagine assez faibles, Maciste contre les hommes de pierre est donc un péplum qui alterne les passages réussis et les incartades bis (la lutte contre un cascadeur en costume de gorille est forcément drôle) pour le plus grand bonheur de ceux qui recherchent un divertissement léger et d’une jolie naïveté. Souvent méprisé, le résultat final est effectivement à regarder au second degré, tout en ayant conscience des efforts réels de toute l’équipe pour mettre en forme une œuvre esthétiquement aboutie. Ce film mésestimé mérite donc une seconde chance.
Un film mésestimé qui reste à découvrir pour les bisseux
Lors de sa sortie française en février 1965, Maciste contre les hommes de pierre n’a été exploité à Paris que dans trois salles (l’Amiral, la Cigale et le Concordia) pour un résultat de 15 497 entrées. Dès la semaine suivante, les copies partaient en province pour faire la tournée des petites villes et autres villages, en quête de son vrai public potentiel. De cette manière, le long-métrage délirant a fini par cumuler 487 126 entrées, ce qui en a fait une bonne affaire pour les exploitants. Toutefois, il est important de noter que le film se situe plutôt dans la fourchette basse par rapport aux entrées généralement réalisées par la (fausse) saga Maciste.
Par la suite, le film a été exploité par deux fois en VHS au cours des années 80, avant d’être édité en DVD d’abord en kiosque, puis chez StudioCanal. Désormais, il semble libre de droits et peut donc être visionné un peu partout, mais toutes les copies disponibles ne lui rendent pourtant pas hommage.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 février 1965
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© 1964 Nike Cinematografica – Comptoir Français de Productions Cinématographiques (CFPC) / Affiche : Giovanni Di Stefano. Tous droits réservés.
Biographies +
Giacomo Gentilomo, Sergio Ciani (Alan Steel), Giuliano Raffaelli, Sal Borgese, Paola Pitti, Goffredo Unger, Attilio Dottesio, Jany Clair, Anna Maria Polani, Jean-Pierre Honoré
Mots clés
Les invasions extra-terrestres, Les extra-terrestres au cinéma, Maciste au cinéma, Nanars