Premier giallo de Sergio Martino, L’étrange vice de Madame Wardh s’inscrit dans la lignée du Venin de la peur de Fulci en proposant un savant mélange d’érotisme et de violence dans une atmosphère fantasmatique du plus bel effet. Un incontournable pour les amoureux de ce sous-genre.
Synopsis : Julie Wardh, qui souffre d’être sexuellement délaissée par son ambassadeur de mari, tombe amoureuse du mari de sa meilleure amie et se retrouve harcelée par Jean, son ex-amant, un être particulièrement pervers et sadique. Pendant ce temps, un tueur en série massacre à coups de rasoir les jeunes femmes qui se promènent seules dans les rues de Vienne. Julia en arrive à se demander si l’assassin en question n’est pas un des trois hommes, surtout lorsque le tueur mystérieux commence à s’en prendre à sa cousine tout d’abord, puis rapidement à elle.
Le premier film important de Sergio Martino
Critique : Alors qu’il n’a encore tourné que deux documentaires et un western avec Anthony Steffen, le réalisateur Sergio Martino entame avec L’étrange vice de Madame Wardh (1971) un cycle impeccable de gialli comprenant des œuvres majeures comme La queue du scorpion (1971), Toutes les couleurs du vice (1972), Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (1972) et Torso (1973). Si le cinéaste ne fait que reprendre habilement des recettes établies par d’autres artistes comme Mario Bava, Dario Argento, Lucio Fulci et bien entendu Alfred Hitchcock – on a le droit ici à une énième version de la scène de douche de Psychose – son corpus de thrillers n’en demeure pas moins passionnant tant il a permis de fixer des règles devenues immuables pour ce type de productions.
On retrouve ici tous les ingrédients du genre avec un tueur ganté de noir qui exécute ses victimes féminines au rasoir, des plans en caméra subjective qui poussent au voyeurisme, une femme travaillée par des fantasmes inavouables, le tout sur fond de terrible machination dont on ne comprend les ficelles qu’à la dernière minute par le biais d’un twist plus ou moins crédible.
Un film psychanalytique teinté de sadomasochisme
Là où L’étrange vice de Madame Wardh emporte l’adhésion, c’est dans sa capacité à susciter le doute quant à la santé mentale de son héroïne dont nous partageons les fantasmes sadomasochistes à plusieurs reprises. Visiblement délaissée par un mari diplomate souvent absent, la belle Edwige Fenech ne cesse de fuir son ex-amant qui la violentait, tout en regrettant ces étreintes fougueuses qui apportaient un grain de folie dans sa morne existence. D’un autre côté, elle est également séduite par George Hilton, bellâtre ayant tout du latin lover, dont les motivations demeurent également obscures durant une grande partie du film.
Très marqué par des thématiques psychanalytiques, le long-métrage séduit tout d’abord par ses nombreuses scènes fantasmatiques baignant dans une atmosphère sadienne troublante, ce qui est renforcé par la musique doucereuse de Nora Orlandi. Le savoureux mélange d’érotisme et de violence fonctionne ici à merveille, évoquant inévitablement l’atmosphère du Venin de la peur, tourné la même année par Lucio Fulci. On y retrouve ce même goût pour les ambiances torves et vaporeuses où la réalité peut tout à coup basculer dans le rêve et le cauchemar. Martino profite de la présence de la peu farouche Edwige Fenech pour tourner un nombre conséquent de scènes de nu, histoire d’appâter le spectateur avide de sensations fortes. Le relâchement de la censure de l’époque a ainsi permis à ces œuvres des débordements graphiques aussi bien sur le plan du sexe que de la violence.
Une intrigue tortueuse inspirée des Diaboliques
Les scénaristes en profitent également pour jouer avec le spectateur en livrant un potentiel coupable au bout d’une heure de projection, avant qu’une série de twists ne vienne relancer l’intrigue qui se termine finalement par une classique machination, déjà vue dans de nombreuses bandes d’exploitation italiennes depuis la sortie du matriciel Les diaboliques de Clouzot en 1955. Si la résolution n’est pas entièrement satisfaisante, elle permet toutefois de justifier la plupart des séquences du film et boucle donc de manière globalement convaincante un long-métrage terriblement séduisant et mené par une actrice qui révèle ici l’étendue de son talent.
Effectivement, si Ivan Rassimov et George Hilton sont passables, la sexy Edwige Fenech prouve qu’elle n’est pas qu’une jolie poupée aux formes généreuses et voluptueuses, mais qu’elle est également capable de susciter l’empathie du spectateur grâce à une incarnation parfaite de ce personnage trouble. Elle trouve en Sergio Martino un metteur en scène attentif, capable de faire ressortir sa beauté, tout en lui confiant des rôles ambigus où elle excelle.
Un giallo plutôt rare en France, malgré son succès italien
D’une redoutable efficacité, ce premier giallo signé Martino est donc l’un de ses meilleurs films et peut légitimement être considéré comme un petit classique de ce cinéma d’exploitation. Il n’a guère connu de sortie convaincante dans les salles françaises malgré son gros succès transalpin. Depuis, il n’a été éditée qu’une version DVD par feu Neo Publishing et rien de plus sur notre territoire jusqu’à la résurrection proposée par Artus Films en 2024 au sein d’une magnifique coffret regroupant également deux autres titres incontournables du cinéaste.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 14 juin 1972
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Biographies +
Sergio Martino, Alberto de Mendoza, George Hilton, Ivan Rassimov, Edwige Fenech, Conchita Airoldi, Carlo Alighiero
Mots clés
Cinéma bis italien, Giallo, Psycho-killer, Le sadomasochisme au cinéma