Le temps de l’innocence : la critique du film (1993)

Drame | 2h19min
Note de la rédaction :
9/10
9
Le temps de l'innocence, l'affiche

  • Réalisateur : Martin Scorsese
  • Acteurs : Geraldine Chaplin, Daniel Day-Lewis, Richard E. Grant, Alexis Smith, Michelle Pfeiffer, Michael Gough, Jonathan Pryce, Winona Ryder, Stuart Wilson, Robert Sean Leonard, Norman Lloyd
  • Date de sortie: 22 Sep 1993
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Age of Innocence
  • Titres alternatifs : La edad de la inocencia (Espagne) / A Idade da Inocência (Portugal) / Wiek niewinności (Pologne) / L'età dell'innocenza (Italie) / Zeit der Unschuld (Allemagne) / Uskyldens år (Danemark) / A Época da Inocência (Brésil)
  • Année de production : 1993
  • Scénariste(s) : Martin Scorsese, Jay Cocks d'après le roman éponyme d'Edith Wharton
  • Directeur de la photographie : Michael Ballhaus
  • Compositeur : Elmer Bernstein
  • Société(s) de production : Columbia Pictures, Cappa Production
  • Distributeur (1ère sortie) : Columbia TriStar
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Gaumont Columbia TriStar (VHS) / Gaumont Columbia TriStar Home Vidéo (DVD, 2001) / Sony Pictures (DVD et blu-ray, 2017)
  • Date de sortie vidéo : 2017 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 560 455 entrées / 236 720 entrées
  • Box-office nord-américain : 32 M$
  • Budget : 30 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.39 : 1 / Couleurs / Son : Dolby Stereo
  • Festivals et récompenses : Récompenses : Oscars du cinéma 1994 : Meilleurs costumes (Gabriella Pescucci) / Golden Globes 1994 : Meilleur second rôle (Winona Ryder) Nominations : Oscars du cinéma 1994 : Meilleur scénario adapté, meilleure direction artistique, meilleure musique de film (Elmer Bernstein) et meilleure actrice dans un second rôle (Winona Ryder) / Golden Globes 1994 : Meilleur film dramatique, meilleur réalisateur, meilleure actrice dramatique (Michelle Pfeiffer)
  • Illustrateur / Création graphique : Intralink Film Graphic Design
  • Crédits : 1993 Columbia Pictures Industries Inc.
Note des spectateurs :

Mal aimé à sa sortie, Le temps de l’innocence est pourtant une étude magistrale d’une société américaine corsetée dans une étiquette aussi rigide que destructrice. Un petit bijou à redécouvrir.

Synopsis : A travers le portrait d’un homme partagé entre deux femmes et deux mondes, une étude minutieuse de la haute société new-yorkaise des années 1870, avec ses intrigues, ses secrets, ses scandales, ses rites désuets et subtilement répressifs.

Un film dans la lignée de ceux de James Ivory

Critique : A la fin des années 80 et au début des années 90, le film en costume prenant pour cadre la haute société anglo-saxonne est à la mode, notamment grâce aux succès remportés par les œuvres de James Ivory (Chambre avec vue, Retour à Howards End et Les vestiges du jour). On en profite également pour exhumer quelques auteurs importants du début du 20ème siècle comme E.M. Forster ou encore Edith Wharton. C’est l’un des romans de cette dernière publié en 1920 que Jay Cocks conseille à son ami Martin Scorsese en lui suggérant de l’adapter pour le grand écran. Nous sommes alors au début des années 80 et Scorsese a d’autres préoccupations.

Il attendra plus de sept ans avant de lire le roman et patientera encore quelques années avant de pouvoir réunir la coquette somme de trente millions de billets verts pour enfin concrétiser son rêve. Il faut dire qu’en ce début des années 90, le réalisateur sort de deux beaux succès (Les affranchis et Les nerfs à vif) qui lui donnent les coudées franches afin de mener à bien ses projets personnels.

Le temps de l’innocence explore les fondements de la société new-yorkaise

A première vue très éloigné de ses autres films, Le temps de l’innocence a souvent été regardé comme une incongruité académique au sein de la filmographie du maître. Pourtant, à bien y réfléchir, il anticipe la passion du réalisateur envers les fondations de sa ville de New York et peut même se voir comme l’envers complet de son Gangs of New York.

Ici, le cinéaste s’attarde longuement sur une société new-yorkaise aristocratique qui cherche à tout prix à singer son modèle européen, comme pour mieux enfouir son passé inavouable. Ainsi, pendant une période s’étalant sur la fin du 19ème siècle, ce Nouveau Monde si fier de sa spécificité tente de se fondre dans les us et coutumes de l’Ancien, avec en plus l’intolérance inhérente aux parvenus. Scorsese décrit donc une société puritaine corsetée dans des règles et une étiquette qui ne souffrent aucune exception. Ainsi se dessine le portrait d’une Amérique terriblement conventionnelle qui rejette avec violence tout ce qui lui est extérieur.

Peinture d’une société aristocratique creuse et vide

Malgré la luxuriance des décors, les couleurs chatoyantes et les sourires de façade, l’intégralité du film respire le factice et la superficialité – parfois même la vulgarité – d’un monde lisse et vide de signification. Certains spectateurs et critiques ont d’ailleurs accusé le cinéaste de livrer une œuvre esthétiquement belle, mais terriblement creuse. C’est confondre ici la forme et le fond puisque le réalisateur ne voulait rien d’autre que dénoncer cette vacuité d’une société aristocratique vivant en vase clos.

Le personnage symptomatique de cette démarche audacieuse est celui incarné par Winona Ryder dont on pourrait penser qu’elle est une simple cruche superficielle. Certes, elle ne possède aucune qualité intellectuelle, mais finira par emporter le morceau et enfermer son impétueux mari dans le piège du conformisme. Scorsese, pour signifier cet endiguement de toute passion, resserre progressivement ses plans sur les visages fermés de ses personnages.

La seule véritable image qui sort le spectateur à l’extérieur est en quelque sorte de l’ordre du fantasme (celle du phare où se tient la magnifique Michelle Pfeiffer, objet d’une tentation jamais consommée). Tout le reste est confiné dans des intérieurs luxueux où les êtres semblent des détails au milieu d’objets inutiles. Leur vie n’est-elle d’ailleurs pas à l’image de ces intérieurs douillets, mais terriblement impersonnels ?

Une réalisation somptueuse qui a laissé froid une partie du public

D’une incroyable violence psychologique, Le temps de l’innocence est loin de tout académisme et propose une réalisation somptueuse, portée par des costumes superbes et des décors splendides de Dante Ferreti. La photographie de Michael Ballhaus magnifie chaque plan au-delà du raisonnable et immortalise à jamais la beauté de Michelle Pfeiffer, la fausse naïveté de Winona Ryder et le jeu totalement intériorisé du grand Daniel Day-Lewis.

Pas toujours bien compris à sa sortie, le film fut une déception au box-office français dont le goût pour les films à costumes, des Liaisons dangereuses aux films à la mode de James Ivory attiraient les foules. Même Valmont de Milos Forman, le mal-aimé, avait fait plus en France. Présenté à la Mostra de Venise pour son 50e anniversaire et absent de Deauville, le film ne concernera que bien peu les Français. Les trois acteurs principaux étaient pourtant au firmament de leur carrière et Scorsese sortaient des succès consécutifs de Les affranchis (984 089) et Les nerfs à vif (1 370 305).  Encore aujourd’hui, Le temps de l’innocence est fréquemment oublié par les cinéphiles, alors que le long-métrage s’impose comme une œuvre exigeante certes, mais en tout point remarquable.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 22 septembre 1993

Acheter le film en blu-ray

Voir le film en VOD

Le temps de l'innocence, l'affiche

© 1993 Columbia Pictures Industries Inc. / Affiche : Intralink Film Graphic Design. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

trailers
x
Le temps de l'innocence, l'affiche

Bande-annonce de Le temps de l'innocence (VOstf)

Drame

x