Pur film d’exploitation, Le justicier de minuit est un thriller violent qui bénéficie d’une ambiance nocturne perturbante du meilleur effet. Efficace.
Synopsis : Warren Stacey est un dangereux détraqué sexuel qui, selon un rite minutieux, éventre ses victimes à coups de poignard. Deux policiers, un vieux routier, Léo Kessler, et son jeune adjoint, Paul McAnn, cherchent en vain à appréhender le coupable. Cependant, lors de l’enterrement de l’une des femmes assassinées, la fille de Kessler, Laurie, reconnaît dans la procession un jeune homme qui, naguère, avait eu des liens avec la victime. La police enquête et le jeune homme, qui n’est autre que Warren Stacey, apparaît comme le suspect numéro un.
Quand la Cannon rencontre Charles Bronson
Critique : Forts du succès phénoménal obtenu par Le justicier dans la ville 2 (Winner, 1982) qu’ils viennent de produire pour le compte de leur société Golan-Globus Productions, Menahem Golan et Yoram Globus présentent au marché du film de Cannes 1982 un nouveau projet intitulé 10 to Midnight et mettant en scène Charles Bronson. Immédiatement acheté par des distributeurs du monde entier, le film ne dispose pourtant que d’un titre trouvé par Golan, qu’il trouvait “cool” (dixit Le Cannon Film Guide Volume I), puisqu’aucun scénario n’a été écrit. Une méthode classique de l’époque.
Parallèlement, un script intitulé Blood Bath, rédigé par le scénariste William Roberts (Les sept mercenaires), circule à Hollywood et cherche preneur. Largement inspiré des crimes du serial killer Richard Speck qui s’en prenait à des infirmières, le scénario n’a absolument aucun rapport avec le titre 10 to Midnight, mais Golan et Globus se portent acquéreurs des droits et font de conséquentes modifications pour ajuster le propos et en faire un véhicule pour leur nouvelle star maison. Le long-métrage sera d’ailleurs la première véritable production Cannon mettant en vedette Charles Bronson.
Un thriller violent et porté sur le sexe
Afin d’emballer le produit, on fait appel au vétéran Jack Lee Thompson qui a déjà travaillé à de multiples reprises avec Bronson, notamment sur l’étonnant Bison blanc (1977). L’option prise par les producteurs et le réalisateur est clairement celle de la surenchère, aussi bien dans la sexualité que dans la violence. Faisant fi de tout bon goût, Le justicier de minuit (1983) a pour caractéristique de foncer tête baissée dans le film de serial killer, le croisant donc avec le film de vigilante traditionnel. Autant dire que le mélange des genres s’avère plutôt étonnant, tirant même vers le slasher le plus décomplexé possible.
Ainsi, lorsque le tueur agit, il trucide ses victimes à coups de couteau, ce qui donne lieu à des éclairs de violence et des flots d’hémoglobine assez exceptionnels. Quant au tueur, il commet ses méfaits totalement nu afin de ne pas laisser de traces – on parle d’une époque où les recherches ADN n’étaient pas encore effectuées, bien entendu. Cette tendance à multiplier la nudité gratuite à l’écran – outre le tueur, les victimes sont souvent dénudées – en fait un pur produit d’exploitation comme on en voyait surtout en Europe, et notamment en Italie. D’ailleurs, si le film a connu une exploitation très moyenne aux États-Unis, le succès fut plus conséquent en Europe.
La prime revient au méchant d’anthologie
Dans un rôle finalement assez peu intéressant, Charles Bronson garde une bonne présence à l’écran, mais est clairement éclipsé par les seconds rôles. Ainsi, on se souvient davantage de la prestation très spéciale de Gene Davis (le frère de Brad Davis) qui passe le plus clair du film dans le plus simple appareil. Jack Lee Thompson semble d’ailleurs davantage fasciné par ce personnage de psychopathe que par celui du flic vieux jeu incarné par Bronson.
L’autre élément qui donne au long-métrage une saveur particulière vient de la captation d’une ambiance urbaine nocturne typique du début des années 80. Par l’ajout d’une musique angoissante de Robert O. Ragland, le film s’inscrit pleinement dans cette vogue de thrillers urbains dégénérés tournés à la même époque par William Lustig (Maniac), Abel Ferrara (Driller Killer, L’ange de la vengeance) et bien d’autres.
“La justice n’est plus ce qu’elle était”
Assurément putassier dans sa démarche et réactionnaire dans son propos, Le justicier de minuit bénéficie pourtant d’une ambiance malaisante qui en fait tout le sel. Puisque les auteurs ne semblent avoir aucune limite, tout est possible dans ce thriller horrifique alternant les moments de pure terreur avec des passages décalés qui font sourire. Il s’agit ainsi d’un spectacle total qui ne plaira qu’aux amateurs d’un certain cinéma d’exploitation franc du collier. Dans ce grand bain réac, le tueur est présenté comme un maniaque sexuel (on suppose une forme d’homosexualité refoulée et d’impuissance réelle) qui n’a aucune circonstance atténuante. Le long-métrage se termine donc de manière logique par le triomphe du flic qui est à la fois juge et bourreau.
Effectivement, Le justicier de minuit développe une thématique classique de l’époque, déjà vue dans la saga de L’inspecteur Harry, qui oppose le difficile labeur des policiers face à la clémence coupable des juges et des avocats. Le film démontre donc les limites d’un système judiciaire américain qui soutient davantage les coupables que les victimes. Comme on peut le voir, ce discours, souvent repris de nos jours, n’est pas neuf. Bien entendu, ce n’est pas avec ce thriller rentre-dedans que la réflexion est approfondie et nuancée, mais le film a le mérite de poser les bases d’un débat autour de l’idée de justice.
Un succès au cinéma et en vidéo
Le polar urbain est interprété de manière solide par un casting sympathique comprenant Andrew Stevens, mais aussi pléthore de jeunes actrices sympathiques comme Lisa Eilbacher, Kelly Preston (la future Madame Travolta), Ola Ray (qui a tourné la même année dans le clip culte Thriller de Michael Jackson) et même la chanteuse Jeane Manson dans le rôle d’une prostituée. L’ensemble est réalisé avec un grand sens de l’efficacité par un Jack Lee Thompson très professionnel.
Petit succès aux États-Unis, Le justicier de minuit est sorti en France avec un titre racoleur qui souhaite rattacher le film à la saga du Justicier dans la ville. Il faut dire que le numéro 2 venait de connaître une sortie triomphale avec 1 160 534 entrées sur toute la France en mars 1982. Positionné au mois de juillet 1983, Le justicier de minuit a fait moins de bruit, mais le métrage a toutefois attiré 578 000 curieux et a même pris la tête du box-office parisien la semaine de sa sortie avec 64 300 maniaques en salles. On retrouve cette belle santé à l’échelon national puisque le métrage arrive en tête du box-office français la semaine de sa sortie avec 125 501 amateurs de psycho killers. Les critiques, elles, furent désastreuses, mais qui peut s’en étonner ?
Aujourd’hui, Le justicier de minuit jouit d’un statut un peu plus enviable et s’inscrit parmi les indéniables réussites de la Cannon. Le film vient de faire l’objet d’une sortie française en Blu-ray, doté d’une copie très correcte chez l’éditeur Sidonis Calysta.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 juillet 1983
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