L’ange de la vengeance : la critique du film et du blu-ray (1982)

Thriller | 1h20min
Note de la rédaction :
6/10
6
L'ange de la vengeance affiche france

  • Réalisateur : Abel Ferrara
  • Acteurs : Zoë Lund, Albert Sinkys, Darlene Stuto, Helen McGara
  • Date de sortie: 18 Août 1982
  • Titre original : Ms. 45
  • Nationalité : Américain
  • Distributeur : Warner Columbia Film
  • Éditeur vidéo : ESC Editions
  • Sortie DVD/Blu-ray : le 4 mars 2019
  • Box-office France / Paris : 121 752 entrées / 25 997 entrées
  • Budget : 62 000 $
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
Note des spectateurs :

Sous ses airs de film d’exploitation, le troisième opus d’Abel Ferrara dresse le portrait d’une jeune femme détruite par la violence des hommes débouchant sur une œuvre inégale, mais souvent impressionnante, notamment grâce à son actrice principale.

Synopsis : Une jeune femme, violée deux fois le même jour, décide la nuit venue de parcourir les rues sombres de New York en tuant de son calibre .45 tous les hommes qui l’approchent.

La critique : En 1979, le producteur indépendant Arthur Weisberg – plutôt spécialisé dans le film porno – offre au cinéaste Abel Ferrara l’opportunité de tourner un film d’horreur à tout petit budget intitulé Driller Killer. Même si le film fait preuve de beaucoup d’amateurisme dans sa réalisation, il n’en demeure pas moins marquant et finit par être une bonne opération financière grâce à un budget rachitique assez rapidement remboursé.

Lorsque le scénariste Nicholas St John, complice depuis plus de dix ans de Ferrara, lui propose un script d’une trentaine de pages sur la vengeance d’une femme violée, le cinéaste est immédiatement emballé. Il parvient à convaincre son producteur de le suivre en lui octroyant 62 000 dollars de budget, soit trois fois plus que sur le précédent opus.

Abel Ferrara souhaite soigner la forme cette fois-ci afin de prouver ses réelles capacités artistiques. Il confie la photographie à James Lemmo et la musique à son complice Joe Delia. Mais surtout, il se met en quête du rôle principal qu’il trouve en la personne de Zoë Lund qui venait tout juste d’être écartée du casting d’un gros film hollywoodien. Celle-ci est assurément la révélation de cet Ange de la vengeance tant elle magnétise chaque plan de son aura. Elle incarne une jeune fille timide et réservée, affublée d’un handicap puisqu’elle est muette. Ses grands yeux écarquillés permettent toutefois au spectateur de partager chaque émotion de l’actrice.

Copyright 1982 Warner Columbia Film

Comme à son habitude, Abel Ferrara ne perd pas de temps pour électriser la situation en enchaînant de manière assez surréaliste deux viols successifs dans la même journée. Si cela peut sembler peu réaliste, la description du New York interlope du début des années 80 rend crédible ce double événement traumatique. En cela, ce début choc nous rappelle des œuvres similaires dégoupillées à l’époque comme le Maniac de William Lustig.

Alors que le script semble s’engouffrer sans la moindre nuance dans le schéma désormais classique du rape and revenge, le film de Ferrara s’oriente finalement vers autre chose. Par ses excès de violence, le personnage féminin initie un cycle qui va au-delà de la simple vengeance personnelle pour devenir une vendetta contre tous les mâles de la planète. Sympathique au début, le personnage est peu à peu gagné par une folie délirante qui oblige le spectateur à se détacher progressivement de son comportement. Alors que la plupart des films de vigilante possède une orientation politique réactionnaire, L’ange de la vengeance évacue toute forme de politisation pour pénétrer la psyché désordonnée d’une jeune femme détruite de l’intérieur.

Non sans humour parfois (la description du milieu de la mode très superficiel, la grosse voisine qui se mêle de ce qui ne la regarde pas), le réalisateur explore donc les désordres d’une société américaine impitoyable à travers ce thriller qui est tout autant un drame personnel. A noter d’ailleurs que la dernière séquence durant le bal d’Halloween tournée au ralenti possède une ambiance plus proche du film d’horreur, le tout nimbé d’une douce étrangeté fantastique. Cela compense largement les nombreux défauts techniques d’une telle œuvre (quelques faux raccords, des plans moins bien éclairés, une musique pas toujours inspirée), même si les amoureux du cinéma underground trouveront dans ces approximations le charme d’un geste artistique en totale liberté.

Peu diffusé aux Etats-Unis, le film a bénéficié d’une sortie miraculeuse en France au mois d’août 1982, cumulant quelques 121 752 entrées sur tout le territoire, ce qui n’est finalement pas si mal pour une bande d’exploitation underground.

Critique de Virgile Dumez

©2006 AIM GROUP LLC. ©ESC Editions 2019

Le test du Mediabook :

Une belle édition magnifiée par une splendide jaquette, un joli livret et une copie très correcte pour un film si rare.

Les suppléments et le packaging : 3,5/5

Outre un livret de 12 pages qui nous explique toute la genèse du projet, la galette nous offre un entretien inédit de 27mn avec Abel Ferrara qui revient en détail sur la création de ses trois premiers films officiels (il a démarré avec un porno signé sous pseudonyme). Il évoque donc L’ange de la vengeance et insiste notamment sur le fait qu’il n’a pas écrit une ligne du scénario, ainsi que sur sa rencontre providentielle avec Zoë Lund dont il vante les mérites, tout en regrettant sa mort prématurée à l’âge de 37 ans des suites d’une consommation régulière de drogues.

Le cinéaste, dans son entretien, n’est pas toujours d’une grande clarté, mais cela n’étonnera guère les fans d’un cinéaste parfois cryptique. Enfin, nous sommes invités à écouter durant 20mn passionnantes l’écrivain Brad Stevens qui est un spécialiste de l’œuvre du cinéaste. Il pousse l’analyse de l’œuvre assez loin, en la comparant notamment à d’autres comme le formidable The Addiction.  On notera l’effort esthétique effectué, avec une jaquette de toute beauté et un petit livret intérieur proposant quelques affiches du film.

L’image du blu-ray : 3,5/5

Bien évidemment la copie n’est pas la plus resplendissante qui soit, mais pour un petit film underground, il y a eu un réel travail de restauration. Certes, il reste encore quelques points blancs, une ou deux rayures et une brûlure, mais cela reste infime. Le reste possède une belle colorimétrie, tandis que le grain prononcé lors des scènes nocturnes permet de retrouver le charme de ces productions de l’époque. On peut par contre regretter que le blu-ray ne soit pas plus efficace dans la retranscription de la peau des acteurs. Ici, la sensation d’un léger flou demeure de bout en bout et c’est vraiment dommage.

Le son du blu-ray : 3/5

Les deux pistes (originale et française) sont proposées en mono DTS 2.0. Il faut mieux privilégier la première qui est d’un beau naturel, plutôt bien équilibrée dans ses effets. La version doublée propulse quant à elle les voix trop en avant, tandis que les dialogues relèvent davantage du cinéma bis, trahissant quelque peu la volonté des auteurs pour en faire un produit vidéo bas de gamme. Il s’agit toutefois d’un bon témoignage d’une époque révolue.

Test blu-ray par Virgile Dumez

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