Hallucinante de la première à la dernière image, Mon curé chez les Thaïlandaises est une comédie délirante et/ou navrante qui s’impose au firmament des nanars. A mourir de rire, au quinzième degré.
Synopsis : Georgette est la gérante du Lotus Club, un bordel à Bangkok, dont le compagnon est le propriétaire. Ce dernier meurt subitement sans avoir fait de testament. Le seul héritier est son frère, le père Maximin, un curé officiant dans un village du Sud-Ouest de la France. Afin de pouvoir continuer à gérer l’établissement, Georgette et Ping, son amant, décident de convaincre son beau-frère de venir s’installer en Thaïlande, et de lui faire croire que le bordel est en fait une institution catholique.
La suite opportuniste d’un succès inespéré
Critique : Alors que les Français goûtent durant l’été aux joies de la plage et de la baignade dans des stations balnéaires et des campings populaires, les producteurs français de la fin des années 70 et du début des années 80 pensent à les divertir durant leurs soirées d’oisiveté. Des petits malins comme Max Pécas, Serge Penard, Richard Balducci ou encore Robert Thomas exploitent donc le filon de la comédie populaire bien franchouillarde, proposant des spectacles peu élaborés, souvent portés par des comédiens en roue libre.
Certaines de ces productions ont parfois connu un succès inespéré, comme Mon curé chez les nudistes, porté par Paul Préboist, habituel second rôle chez de Funès. Avec plus d’un million d’entrées, le long-métrage a été une juteuse affaire qui appelait nécessairement une suite. Robert Thomas se remet donc à l’écriture et propose cette fois d’envoyer le bon curé dans une contrée sauvage aux mœurs étranges, à savoir la Thaïlande. Pour incarner le prêtre iconoclaste, Robert Thomas n’arrive pas à obtenir Paul Préboist et engage à sa place le comédien Maurice Risch qui connaissait un début de notoriété par ses nombreux emplois secondaires, toujours dans l’ombre du grand de Funès.
La Thaïlande pour les nuls
Afin de compenser l’absence de Préboist, Robert Thomas engage un nombre conséquent de comédiens alors populaires comme Jacques Balutin, Jacques Legras, Darry Cowl ou encore Daniel Prévost. La plupart sont alors des habitués de ces productions bis où il leur est demandé de cabotiner un maximum afin de compenser l’absence de gags et d’écriture.
Si Mon curé chez les nudistes (1982) était déjà une référence en matière de nanar franchouillard, rien ne peut préparer le spectateur au spectacle offert par Robert Thomas. Tourné à l’économie, Mon curé chez les Thaïlandaises est censé nous faire voyager en Orient alors que l’équipe n’a jamais quitté le sol français. Dès lors, les décors paraissent totalement fantasques à tout connaisseur de l’Asie. Pire, lorsque le curé se balade à Bangkok, le cinéaste ne tente même pas de dissimuler l’architecture typique du 13ème arrondissement de Paris. En lieu et place de Thaïlandais, on aura droit à un Jacques Legras grossièrement grimé en Asiatique. Ce n’est guère mieux au niveau des costumes et des décors que l’on croirait issus d’un surplus de théâtre.
Ecossais… Ecossais… Et que c’est drôle…
Le réalisateur multiplie les situations les plus incongrues, les jeux de mots les plus ringards, tout en laissant son casting en roue libre. Il faut voir cette séquence hallucinante dans un château fort où le curé et ses compagnons d’aventure sont prisonniers d’un corsaire interprété par Darry Cowl. La scène atteint un tel paroxysme dans le n’importe quoi que cela touche au sublime. Et que dire des évolutions bien Z de la pauvre Katia Tchenko en petite tenue dans le désert si ce n’est que l’on tutoie le génie pur en matière de surjeu.
D’une stupidité manifeste et parfaitement vulgaire, Mon curé chez les Thaïlandaises est tellement nanardesque que l’on rit finalement très souvent de bon cœur tant le spectacle s’avère généreux en moments gravement perchés. Aucun des acteurs impliqués n’en sort vraiment indemne, si ce n’est peut-être Marion Game, plutôt juste au cœur d’un casting en mode pétage de plombs. On espère en tout cas que tous se sont bien amusés, car le long-métrage est assurément l’un des grands moments de la comédie franchouillarde.
Un nanar passé totalement inaperçu
Sortie tout juste un an après Mon curé chez les nudistes, cette fausse suite n’a pas réitéré le succès de son prédécesseur. Le résultat est même déplorable puisque l’escapade asiatique n’a glané que 150 463 amateurs de massage sur l’ensemble du territoire français. Une sacrée déconvenue qui a stoppé net les aventures du curé.
Totalement hallucinant et régressif, le spectacle est donc à réserver aux amateurs de nanars stratosphériques qui y trouveront matière à alimenter leurs délires de fin de soirée trop arrosées. Le film se savoure, lui, sans aucune modération.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Comédie improvisée, Mon curé chez les Thaïlandaises a connu un sort cinématographique peu ragoûtant. Alors que le segment original était un triomphe du cinéma franchouillard, ce sequel a touché le fond du box-office, ne restant que deux semaines à l’affiche sur Paris-Périphérie, et réalisant moins de 10% des entrées du film originel, pourtant frais dans les esprits.
Après le succès surprise du premier film, le distributeur Jacques Leitienne est en position de force pour l’imposer sur 21 sites, sur P.P, dont 11 en intra-muros. Le film est exploité au Marignan Pathé, au Clichy Pathé, au Français Pathé, au Paramount Bastille, au Paramount Montparnasse, au Paramount Orléans, au Paramount Maillot, au Paramount Odéon, à la Maxéville, à la Fauvette et au Convention Saint-Charles. On note que cette fois-ci, le Max Linder a rejeté le film, préférant diffuser Escroc macho et gigolo. Cette première semaine est effroyable, avec 9 928 paroissiens sur 21 écrans. Un seul exploitant parvient à en tirer plus de 1 000 spectateurs quand le premier affichait un taux de remplissage parfois supérieur à 5 000 par cinéma. Paul Préboist arrivait en tête des entrées en première semaine, son successeur n’entre même pas dans le top 15 !
En deuxième semaine, il ne reste plus que 4 écrans, dont un sur Paris-même, pour projeter le film indigne. Avec 1 424 spectateurs et un total de 11 352 tickets égarés dans le vide, la fin d’une époque se faisait sentir. On ne pouvait plus prendre les spectateurs pour des pigeons. La VHS allait remettre de l’ordre dans ce bazar. Au moins, la télévision allait lui permettre de rentrer dans ses frais, grâce à de multiples rediffusions, mais à quel prix !