La vampire nue : la critique du film (1970)

Fantastique, Erotique | 1h23min
Note de la rédaction :
7/10
7
La vampire nue, l'affiche

  • Réalisateur : Jean Rollin
  • Acteurs : Natalie Perrey, Catherine Castel, Marie-Pierre Castel, Jacques Robiolles, Michel Delahaye, Caroline Cartier, Olivier Rollin, Maurice Lemaître
  • Date de sortie: 20 Mai 1970
  • Année de production : 1969
  • Nationalité : Français
  • Titre original : La vampire nue
  • Titres alternatifs : The Nude Vampire (titre international) / Die nackten Vampire (Allemagne) / Desnuda entre las tumbas (Espagne) / Naga wampirzyca (Pologne) / La vampiresa desnuda (Mexique) / La vampira nuda (Italie) / Alaston vampyyri (Finlande) / A Vampira Nua (Brésil)
  • Autres acteurs : Ursule Pauly, Ly Lestrong, Bernard Musson, Jean Aron, Paul Bisciglia, Pascal Fardoulis, Nicole Isimat, René-Jean Chauffard
  • Scénaristes : Jean Rollin, Serge Moati
  • Monteur : Jean-Denis Bonan
  • Directeur de la photographie : Jean-Jacques Renon
  • Compositeur : Yvon Gérault
  • Chef maquilleur : -
  • Chef décorateur : -
  • Directeur artistique : Jio Berk
  • Producteur : Jean Lavie
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : Les Films ABC
  • Distributeur : Les Distributeurs Associés
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeurs vidéo : American Vidéo (VHS) / Iris Télévision (VHS, Betamax) / Blackie Editions (VHS) / Fil à Film (VHS) / Film Office (VHS, 1996) / LCJ Editions (DVD, 2005)
  • Dates de sortie vidéo : 1996 (VHS) / 27 janvier 2005 (DVD)
  • Budget : 70 000$ (selon une interview de 1973), 500 000$ en 2024
  • Box-office Paris-Périphérie 32 015 entrées
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans (- 16 ans depuis 1990)
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Mono
  • Festivals :
  • Illustrateur/Création graphique : © Philippe Druillet. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Les Films ABC. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Œuvre séminale qui contient déjà toutes les obsessions de son auteur, La vampire nue est l’un des fleurons de Jean Rollin, porté par une poésie de chaque instant, et ceci malgré d’inévitables maladresses contribuant toutefois au charme indépendant du long métrage.

Synopsis : Pierre soupçonne son père de se livrer à d’étranges activités dans un hôtel particulier et dans un immeuble commercial. Une nuit Pierre décide de se rendre sur place. Une curieuse aventure lui arrive : une jeune fille étrangement belle, nue sous des voiles, à la manière des prêtresses des sectes diaboliques, s’enfuit de l’hôtel, poursuivie par plusieurs hommes…

Jean Rollin explore une fois de plus les marges du cinéma français

Critique : Après le succès de scandale du Viol des vampires (1968) sorti en plein mai 68, Jean Rollin est devenu un cinéaste à abattre pour de nombreux critiques, mais aussi pour les fans de cinéma fantastique qui n’ont guère apprécié son premier essai, loin d’être commercial. En fait, le malentendu entre le cinéaste et le public est total puisque Jean Rollin aborde le fantastique sous un angle poétique qui désarçonne les puristes, tout en laissant de marbre les apôtres d’un cinéma jugé sérieux. Certes, le succès de son précédent long lui permet de bénéficier de conditions plus favorables pour son second effort, mais il se retrouve face à une difficulté majeure : celle de trouver des acteurs qui veulent bien se compromettre dans son cinéma de la marge.

Cela se traduit notamment par l’emploi de jeunes femmes inexpérimentées comme Caroline Cartier (sous le pseudonyme de Christine François afin que sa participation ne nuise pas à sa carrière future), mais aussi du propre frère du cinéaste Olivier Rollin. Pour interpréter les rôles secondaires, le cinéaste fait également majoritairement appel à des amis proches, dont le poète du lettrisme Maurice Lemaître, ainsi que les deux jumelles Marie-Pierre et Catherine Castel qu’il emploie ici pour la première fois.

Comme un air de Feuillade, Franju et Bresson

Ce relatif amateurisme des acteurs se répercute nécessairement sur le résultat final, d’autant que Jean Rollin n’a jamais été un grand directeur d’acteurs. Souvent obligé de ne tourner qu’une seule prise pour des raisons budgétaires, Jean Rollin masque cette fragilité par un ton volontairement neutre qui ressemble fort à celui employé par les modèles de Robert Bresson. En ce qui concerne La vampire nue (1970), cette direction artistique fonctionne plutôt bien car cela renforce un peu plus l’aspect surréaliste de l’œuvre. Car Jean Rollin en profite également pour clamer son amour du serial façon Louis Feuillade, que l’on retrouve à la même époque chez Georges Franju.

Effectivement, dès la première scène qui voit une jeune femme en nuisette s’enfuir dans la nuit tandis qu’elle est poursuivie par des hommes portant des têtes d’animaux, le ton est donné. Le spectateur sait d’emblée qu’il n’assistera aucunement à une classique histoire de vampires, mais bien à un film d’auteur marqué par une forte influence surréaliste. Cela ne cessera de se confirmer tout au long de la projection puisque la logique est abolie à de nombreuses reprises. Ainsi, La vampire nue anticipe de plusieurs années le cinéma d’un certain David Lynch auquel on pense nécessairement.

Dans La vampire nue, laissez de côté votre cartésianisme!

Outre des personnages costumés affublés de masques étranges, Jean Rollin fait sienne l’abolition des frontières géographiques. Ainsi, les personnages peuvent franchir un rideau rouge (Lynch encore) et se retrouver comme par enchantement sur une plage de Normandie – à Pourville dont le réalisateur n’a eu de cesse de filmer les falaises. D’ailleurs, le script s’affranchit très rapidement des clichés habituellement attachés aux vampires, ce qui trouve une explication lors du final.

La vampire nue, jaquette blu-ray 4K UHD

© 1969 Les Films ABC – Salvation Films / Affiche : Philippe Druillet. Tous droits réservés.

En réalité, Jean Rollin ne cherche aucunement à livrer une œuvre commerciale facilement accessible pour le grand public. Outre un scénario qui fait fi de tout cartésianisme, le cinéaste multiplie les purs moments poétiques, créant en quelque sorte un monde parallèle au nôtre. Au cœur de ce délire, les grandes lignes de son cinéma futur sont déjà présentes : on y trouve déjà des déambulations de personnages féminins, des sœurs jumelles, des amoureux poursuivis par des truands et une opposition entre gens de la marge et autorités officielles. Ici, le cinéaste se place d’emblée du côté des noctambules et des poètes, gens de la marginalité qui ne parviennent pas à s’insérer dans une société normative représentée par des hommes de science cupides et désireux de posséder des pouvoirs qui les dépassent.

Des maladresses compensées par une sincérité de chaque instant

Afin de chanter la gloire des poètes et autres marginaux, le réalisateur soigne ses plans et sa photographie, pour la première fois en couleurs. De même, il utilise au mieux le décor fourni par le château Porgès situé dans les Yvelines. Certes, la bâtisse construite au 19ème siècle dans un style néoclassique correspond assez peu aux attentes du genre. D’ailleurs, Jean Rollin ira par la suite vers des constructions moyenâgeuses plus adaptées au genre gothique qui l’inspire tant. Toutefois, le lieu demeure majestueux et offre des plans architecturaux de toute beauté.

Malheureusement, La vampire nue souffre des mêmes défauts que les autres films du cinéaste, avec notamment des scènes maladroites, des acteurs en recherche de charisme et des séquences d’action parfois embarrassantes. Mais cela finit par faire partie intégrante du charme de ces productions purement indépendantes réalisées avec un réel amour du fantastique et une volonté de créer une œuvre parfaitement originale et cohérente. On peut même considérer La vampire nue comme un pur film matriciel pour un auteur qui n’aura de cesse de creuser les mêmes thématiques, de manière quasiment obsessionnelle tout au long de ses cinquante ans de carrière.

Une réception critique médiocre

D’une grande portée poétique, pour peu que l’on pardonne certaines maladresses stylistiques, La vampire nue fait donc partie des bons ouvrages de son auteur. Pourtant, le malentendu n’a pas été levé lors de la sortie du film au mois de mai 1970. Ainsi, Noël Simsolo dans La Saison cinématographique 1970 écrit que :

Pourtant, le scénario visait directement à retrouver Feuillade ; le film rejoint simplement Max Pecas, ou Bénazéraff, sans jamais réussir à atteindre l’extraordinaire paranoïa de ces deux cinéastes. Il fallait accepter ou refuser les mythes, et non pas les utiliser ainsi entre deux numéros de strip-tease.

L’avis du critique est parfaitement représentatif de la réception méprisante du film et de son cinéaste à qui l’on ne pardonnera jamais les dérapages vers le cinéma bis d’exploitation au sein d’une œuvre pourtant sincèrement poétique et iconoclaste.

La Vampire Nue, les éditions VHS et DVD en France

La Vampire Nue, les éditions VHS et DVD en France / © Salvation. All Rights Reserved.

Box-office de La Vampire nue de Jean Rollin

Lors de sa sortie parisienne, le 20 mai 1970, le long métrage glane 21 200 entrées dans les 4 cinémas qui le programment, le Midi Minuit, le Styx, le Cinévog et le Scarlett. Au Midi Minuit, ce sont 8 979 spectateurs qui se pressent pour le découvrir durant cette semaine. C’est un score enthousiasmant pour cette production atypique qui réussit à approcher les 25 152 spectateurs de L’arrangement d’Elia Kazan, pourtant distribué le même jour par Warner, également dans 4 salles !

En deuxième semaine, La vampire nue, qui perd un écran (le Cinévog), ne déconcerte plus que 10 815 retardataires. Le bouche-à-oreille n’est pas de son côté mais la production ABC se positionne encore dans le Top 15. Le film quitte Paris après une exclusivité de deux semaines et 32 015 entrées dans la poche.

Il est temps pour vampire mutante de voyager en province. Selon Jean Rollin, son second long métrage y connaîtra une longue carrière.

On retrouvera très vite cet épitome de cinéma fantastique français en VHS au début des années 80, avec de nombreuses éditions culte. Dans les années 2000, le poème à l’étrangeté fascinante tombe dans l’escarcelle de LCJ Editions qui sort des DVD de piètre facture demeurant les seules possibilités de découvrir les œuvres du cinéaste maudit en France.

Pendant ce temps, nos amis anglosaxons disposent de versions en blu-ray et même en 4K UHD avec pléthore de suppléments, de magnifiques fourreaux et des livrets complets. Il faut dire que désormais le catalogue du maître appartient à la société britannique Salvation qui lui rend justice de façon posthume.

Comme les films sont en version originale, les fans français peuvent aisément en faire l’acquisition, l’éditeur égrainant les titres du catalogue via Powerhouse Films.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 mai 1970

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La vampire nue, l'affiche

© 1969 Les Films ABC – Salvation Films / Affiche : Philippe Druillet. Tous droits réservés.

Biographies +

Jean Rollin, Natalie Perrey, Catherine Castel, Marie-Pierre Castel, Jacques Robiolles, Michel Delahaye, Caroline Cartier, Olivier Rollin, Maurice Lemaître

Mots clés

Cinéma fantastique français, Cinéma de genre français, Films de vampire, Les histoires étranges au cinéma

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La vampire nue, l'affiche

Bande-annonce de La vampire nue (VF)

Fantastique, Erotique

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