Véritable modèle du film catastrophe, La tour infernale s’impose comme le mètre-étalon d’un genre chiche en réussites majeures.
Synopsis : Lors de la soirée d’inauguration d’un building impeccablement pensé, un incendie se déclenche, piégeant tous ses occupants dans la tour de verre.
D’après une illustration de John Berkey. © Tous droits réservés.
Critique : En 1972, le producteur Irwin Allen connait un succès sans précédent grâce à L’aventure du Poséidon de Ronald Neame, premier grand film catastrophe qui lance la mode de ce type de film. Persuadé d’avoir trouvé la formule miraculeuse, l’extravagant producteur achète les droits de deux romans (The Tower de Richard Martin et The glass inferno de Thomas N. Scortia et Frank M. Robinson) et demande au scénariste Stirling Silliphant de fondre les deux oeuvres en un scénario cohérent. Afin de bénéficier d’un budget astronomique, le bouillonnant Allen réussit à convaincre le studio Fox de partager les frais avec la Warner. Cette alliance improbable sur le papier lui permet de réunir la coquette somme de 14 millions de dollars, d’embaucher une bonne douzaine de stars internationales, ainsi que les meilleurs techniciens du moment afin de concrétiser sa vision d’un spectacle total. C’est le triple de ce que L’aventure du Poséidon coûta. Malgré toute son énergie, il n’arrive toutefois pas à convaincre les deux studios de le laisser réaliser seul le métrage complet. Il engage alors le réalisateur anglais John Guillermin pour travailler avec les acteurs tandis qu’il se charge personnellement des séquences d’action. On peut donc considérer que Guillermin a signé 55% des plans du long métrage.
Le cinéma catastrophe sur CinéDweller
Là où La tour infernale dépasse de loin ses concurrents dans un genre avare en réussites, c’est que le scénario se fonde sur un événement qui peut toucher n’importe qui à n’importe quel moment. Certes, l’histoire se déroule dans le plus haut building du monde (inspiré du World Trade Center), mais l’accident qui met feu au bâtiment est totalement crédible, de même que toutes les mésaventures qui touchent les nombreux personnages. L’empathie est donc totale envers des êtres humains que le cinéaste a pris le temps de présenter dans les quarante-cinq premières minutes. Les nombreux enjeux psychologiques ne sont ainsi jamais sacrifiés sur l’autel du spectaculaire, tandis que le script évite les traditionnelles effusions sentimentales propres au genre.
https://youtu.be/xRtWbWmwu2U
Parfois effrayant, toujours captivant malgré une durée excessive, La tour infernale s’impose donc comme une indéniable réussite commerciale. Le casting royal participe bien entendu au plaisir que l’on prend à suivre ces aventures en huis-clos. Si Paul Newman et Steve McQueen imposent une véritable présence physique (ils ont réalisé eux-mêmes la plupart de leurs cascades), on est surtout admiratif du jeu puissant de William Holden et du formidable Fred Astaire qui recevra de nombreux prix d’interprétation pour son rôle dit secondaire.
Les films Warner Columbia sur CinéDweller
Porté par des effets spéciaux qui n’ont pas pris une ride et une musique enthousiasmante de John Williams, La tour infernale est indéniablement un modèle du genre qui a marqué son temps en connaissant un triomphe mérité au box-office international. Avec plus de 116 millions de dollars glanés aux States (pour une mise de départ de 14 millions) et une première place annuelle au box-office français de 1975 (avec 4 466 376 entrées), La tour infernale a confirmé les espoirs placés dans un genre appelé à sombrer rapidement dans les abysses de la médiocrité.
Critique de Virgile Dumez
© MCMLXXIV Twentieth Century Fox Film Corp. & Warner Bros. Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Box-office :
La tour infernale, un blockbuster de 14 millions de dollars, réalisé pour contrer la crise du cinéma et la concurrence de la télévision.
La tour infernale est l’un des triomphes du cinéma, en 1974 aux USA et en 1975 en France. Le film phénomène est coproduit par la Fox et Warner. La 20th Century Fox distribue le blockbuster aux Etats-Unis quand Warner se charge de l’international. Ce blockbuster a pour exigence de contrer la concurrence fratricide de la télévision, avec des images spectaculaires que l’on ne peut apprécier que sur un écran large. Evidemment, les stars au générique sont également appelées à détourner les spectateurs du petit écran.
Aux USA, le film catastrophe produit par Irwin Allen (également co-réalisateur) sort le 16 décembre 1974 afin de profiter des vacances de Noël et lancer le film dans la course aux Oscars. La tour infernale obtiendra pas moins de 8 nominations et décrochera 3 statuettes.
La tour infernale génère localement 22 millions de dollars en trois semaines et demie sur un circuit de 316 écrans. Il finit sa carrière localement à 116M$, l’équivalent de 600 millions de dollars en 2023. C’est un phénomène qui n’appelle pas le producteur à la modestie. Celui-ci ambitionne les plus fortes recettes de l’histoire.
La tour infernale, plus gros carton au box-office français en 1975
Sur notre territoire, le film Warner Columbia trouve sa place en salle le 5 mars, notamment dans 26 cinémas et 15 000 fauteuils à Paris et dans sa périphérie.
En intra-muros, on peut le découvrir par exemple à l’Ermitage, le Publicis Champs Elysées, le Rex, le Paramount Opéra, l’UGC Odéon, l’Arlequin, la Rotonde, le Telstar, le Lux Belleville, le Mistral, le Paramount Montparnasse, le Gaumont Convention, le Passy, le Paramount Maillot et le Moulin Rouge. Avec 18 914 entrées pour son premier jour parisien, The Towering Inferno est un phénomène. 162 494 spectateurs se précipitent pour le voir dans les salles parisiennes pour sa première semaine, dont 25 430 au Paramount Opéra. Il avait fallu 15 jours pour que Tremblement de terre de Mark Robson, avec Charlton Heston et Ava Gardner, puisse réaliser autant d’entrées. Cet Earthquake, distribué par CIC, est un beau succès toutefois avec 2 200 000 Hexagonaux. Il est sorti 3 semaines avant La tour infernale.
Le succès sera conséquent avec plus de 4 466 000 spectateurs, dont un million de Franciliens. Cela permet au film de décrocher une première place annuelle française solide, devant Peur sur la ville (Belmondo), On a retrouvé la 7e compagnie (Lamoureux), Histoire d’O (Just Jaeckin) et Le vieux fusil (Robert Enrico).
Après un tel phénomène, place à d’autres cataclysmes pour Irwin Allen
Avec un tel triomphe dans le monde, en particulier au Royaume-Uni où Warner réunira deux fois plus de spectateurs qu’en France, le producteur Irwin Allen décida de multiplier les projets de film catastrophe, persuadé à raison que le filon ne s’épuisera jamais. Il envisage notamment une suite à L’aventure du Poséidon sur les survivants du drame marin, piégé dans les rames d’un train, à la suite d’un éboulement dans un tunnel. Le projet deviendra finalement Le dernier secret du Poséidon, avec Michael Caine, Sally Field et Telly Savalas et s’écrasera au box-office. Irwin Allen réalisera également The Swarm, alias L’inévitable catastrophe, aux allures de téléfilm de luxe, sur une invasion d’abeilles tueuses en provenance d’Afrique, prenant d’assaut les villes américaines. Le film, avec un script de Stirling Silliphant, scénariste de La tour infernale, coûta une fortune, mais ne laissera pas une grande impression. Pis, les critiques seront assassines.
Box office de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 5 mars 1975
© Poster design : Diener-Hauser / Illustration : John Berkey. © MCMLXXIV Twentieth Century Fox Film Corp. & Warner Bros. Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Le blu-ray (édition du 9 juin 2010)
Une édition exceptionnelle, mais qui recèle quand même quelques défauts irritants.
Compléments 3.5 / 5
Si l’éditeur Warner Bros n’a pas lésiné sur les bonus, on peut une fois de plus regretter que le commentaire audio d’un historien du cinéma ne soit toujours pas sous-titré, ce qui le réserve aux seuls anglophones. Par ailleurs, on nous propose environ 13 documentaires d’environ huit minutes chacun qui reviennent en détail sur tel ou tel point de la production. Cela donne environ une heure et quarante minutes d’entretiens divers, d’images d’archives et de tournage : une mine d’informations qui vont de l’écriture du scénario au casting en passant par la collaboration entre Guillermin et Allen et la conception des effets spéciaux. Pour les fans et les courageux, on nous propose également plus d’une demi-heure de scènes coupées ou prolongées afin de mieux comprendre l’évolution psychologique de certains personnages coupés au montage. Si l’on ajoute à cela un teaser et une bande-annonce d’époque, on peut être totalement satisfait par cette imposante section bonus.
Image 4.5 / 5
Le blu-ray 2010 de La tour infernale fait une fois de plus honneur au support en proposant une copie immaculée, tout juste dotée d’un léger grain cinéma. La profondeur de champ est exceptionnelle, la précision est telle qu’aucun recoin de la peau des stars n’aura de secret pour vous, tandis que les couleurs sont resplendissantes et les noirs abyssaux.
Son 3/5
Il faut tout d’abord prévenir les amateurs de VF : la piste en simple stéréo qui est proposée par l’éditeur n’est pas celle d’origine, mais un nouveau doublage absolument inacceptable. Honteusement mal jouée et mal intégrée à l’univers sonore du film, cette nouvelle piste ressemble à un doublage de soap opera et s’avère donc irregardable. Il faudra donc impérativement visionner la piste en anglais disponible en 5.1 DTS-HD Master Audio. Toutefois, si la musique de John Williams a bien été spatialisée et si les explosions font bien vibrer le caisson de basse, les enceintes arrière sont souvent muettes.
Test blu-ray de Virgile Dumez
© MCMLXXIV Twentieth Century Fox Film Corp. & Warner Bros. Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Biographies +
John Guillermin, Steve McQueen, Faye Dunaway, William Holden, Paul Newman, Susan Blakely, Fred Astaire, Jennifer Jones, Richard Chamberlain, Robert Wagner, Don Gordon, Dabney Coleman, Robert Vaughn, Irwin Allen