La route des Indes : la critique du film (1985)

Drale, Epopée | 2h43min
Note de la rédaction :
8/10
8
La route des indes, affiche du film de David Lean, par Landi

  • Réalisateur : David Lean
  • Acteurs : Judy Davis, Alec Guinness, Nigel Havers, Roshan Seth, Peggy Ashcroft, Victor Banerjee, James Fox, Michael Culver
  • Date de sortie: 24 Avr 1985
  • Année de production : 1984
  • Nationalité : Britannique, Américain
  • Titre original : A Passage to India
  • Titres alternatifs :
  • Scénaristes : Santha Rama Rau, David Lean
  • D'après : E.M. Foster (roman), Santha Rama Rau (Pièce)
  • Directeur de la photographie : Ernest Day
  • Monteur : David Lean
  • Compositeur : Maurice Jarre
  • Producteurs : John Brabourne, Richard Goodwin
  • Sociétés de production : EMI Films, Thorn EMI Screen Entertainment, New Gold Entertainment, Home Box-Office (HBO)
  • Distributeur : Gaumont Distribution
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Carlotta (DVD, blu-ray, 2013)
  • Date de sortie vidéo : 4 décembre 2013 (DVD, blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 984 724 entrées / 391 091 entrées
  • Box-office nord américain : 27 187 653$
  • Budget : 16 000 000$
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur (35mm, Panavision) / Dolby Stéréo
  • Festivals et récompenses : 9 nominations aux BAFTA 1985 dont un prix de la Meilleure actrice pour Peggy Ashcroft, 11 nominations aux Oscar 1985 dont 2 prix (Meilleure actrice dans un second rôle et Meilleure musique), 5 nominations aux Golden Globes dont 3 prix (Musique, second rôle féminin et Film étrangerà
  • Illustrateur / Création graphique : © Landi Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Thorn EMI Screen Entertainment. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

La route des Indes, ultime film de David Lean, d’après E.M. Forster, est une œuvre étrange, dont il se dégage une sulfureuse odeur de mort.

Synopsis : Dans l’Inde coloniale des années 1920, une jeune femme anglaise, Adela Quested, entreprend de rejoindre son fiancé dans la petite ville de Chandrapore où il est magistrat. Accompagnée de la mère de ce dernier, une vieille dame très ouverte d’esprit, elle découvre avec trouble un pays rongé par la discrimination des colons qui méprisent les autochtones. Lors d’une visite aux grottes de Marabar, Adela est victime d’un incident qui va exacerber les tensions dans le pays au moment même où les revendications indépendantistes se durcissent…

1984, E.M. Foster enfin adapté au cinéma

Critique : L’écrivain britannique E.M. Foster, décédé en 1970, n’avait jamais été adapté au cinéma jusqu’en 1984 et La Route des Indes. Depuis la parution du roman en 1924, il s’était farouchement opposé à toute adaptation en salle, malgré les appels insistants du producteur John Brabourne, dès 1958, fasciné par ce roman politique sur le sens de l’indépendance indienne. Il faudra au producteur attendre le décès de Foster et dix ans d’obstruction du nouvel ayant droit, King’s College de Cambridge, pour qu’A Passage to India puisse enfin rayonner sur le grand écran. Canonisé par David Lean, l’apôtre du film épique, au classicisme somptueux, Foster allait être par la suite exhalé consécutivement avec Chambre avec vueMaurice et Retour à Howard’ End, d’autres jalons de leur époque, magnifiquement réalisés par James Ivory.

L’adaptation de Lean est dans la lignée du cinéma du maître, prestigieuse, somptueuse, d’une ampleur qui dépasse notre champ de vision. Elle avait été évoquée du vivant de l’écrivain, à la fin des années 60. L’échec de La Fille de Ryan en 1970 allait toutefois conduire le réalisateur de Lawrence d’Arabie, du Docteur Jivago et du Pont de la rivière Kwaï, à prendre sa retraite anticipée. Le cinéaste à l’ego surdimensionné n’appréciait pas la critique, et celle qui s’est acharnée sur son mélo La fille de Ryan avait été particulièrement assassine. Il batailla près de quinze ans pour pouvoir réaliser La route des Indes dont la production fut aussi aidée par le triomphe de Gandhi de Richard Attenborough (1982), biopic en territoire indien à Oscars.

David Lean dans le paysage des années 80

La route des Indes est donc sa seule incursion au cœur des années 80… Pour le cinéaste qui a découvert l’Inde dans les années 50, il s’agit d’une œuvre testamentaire, puisqu’il décède 7 ans après, sans avoir réalisé autre chose, dont le thème même revêt un arrière-goût morbide. Sujet d’un autre temps, avec un casting âgé, alors que la production d’époque se veut plus jeune, plus vive. Les Spielberg et George Lucas sont les nouvelles stars du grand public et en France, la nouvelle épopée intime de Lean sort le même jour qu’un certain Terminator… Il y a bien encore Sidney Pollack pour s’inspirer du maître avec Out of Africa, mais le réalisateur habitué aux adaptations de Dickens dans les années 40, ne semble plus à sa place au sein de la production d’une décennie passée à autre jour, mais qui lui vraudra néanmoins une pluie de nominations aux BAFTA, Oscars et Golden Globes.

La Route des Indes : le déclin de l’empire britannique

La Route des Indes évoque donc la fin d’un monde, d’un empire. L’empire colonial britannique. La Route empruntée par ses protagonistes a le goût poussiéreux et lumineux de calvaire alors que frustration sexuelle, mensonge et manipulation révèlent le pire de l’exploitation occidentale sur une population exotique pauvre, où le vent de révolte gronde en arrière-plan.

D’une grande intelligence de réalisation et d’une finesse thématique, le dernier Lean joue de l’ellipse pour nourrir un suspense sur un viol éventuellement commis au cœur d’une grotte mystique, où le spectateur sent vibrer les résonnances sensorielles et psychologiques. On pense parfois à Mankiewicz et Soudain l’été dernier. Aux ficelles narratives d’un certain cinéma américain qui essayaient de contourner le Code Hayes. L’ambiance mortifère d’un monde qui se délite ou essaie de se reconstruire au détriment de l’envahisseur caractérise cette plongée coloniale dans l’Inde mythique, qui n’a rien à envier au Fleuve de Renoir ou au Le Narcisse Noir de Michael Powell.

Une œuvre morbide et visionnaire

Grandeur et décadence sont au cœur de cette œuvre de visionnaire, où le réalisateur parvient à capter l’essentiel, le refus de la dualité évidente, de l’antagonisme grossier, du trait forcé ou du manichéisme primaire… Le bon et le moins bon de l’être côtoient les sentiments vertigineux de psychologies évolutives, spectrales et mystiques, que l’on aime suivre dans leur marche funèbre ou leur renaissance philosophique.

Longtemps écrasé par le poids des œuvres célèbres de son réalisateur, La Route des Indes mérite bien des louanges. Il aurait probablement conquis le grand Foster pour lequel retrouver l’équilibre entre les Britanniques et les Indiens étaient si importants.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 24 avril 1985

La route des indes, affiche du film de David Lean, par Landi

Affiche alternative de La route des Indes © Landi

Box-office :

La route des Indes ne sera jamais un nouveau Gandhi. Le film restera en France sous le seuil des 900 000 entrées contre 2 679 974 spectateurs pour le biopic légendaire de Richard Attenborough (1983). Toutefois il ne démérite pas pour autant, avec une sortie post-Oscars, puisque le retour de David Lean avait été salué avec 11 nominations. En fait, le dernier long de David Lean paraît en salle une semaine après l’un des 5 derniers longs du maître du cinéma indien Satyajit Ray, La Maison et le monde (Cannes 1984) via Gerick-Gaumont Distribution. Un contexte historique bienvenu sur la séparation des communautés hindoue et musulmane.

Où voir La route des Indes sur Paris?

Hasard des calendriers, La route des Indes sort le même jour que The Bostonians de James Ivory, le cinéaste qui enchaînera avec trois adaptations de Foster, et qui proposait alors en salle une adaptation d’Henry James. D’autres films comme Mata Hari (une production Cannon, avec Sylvia Kristel), le film d’épouvante Onde de choc, Le Pactole de Jean-Pierre Mocky avec Richard Bohringer et Patrick Sebastien, Micki & Maude de Blake Edwards, et Terminator sont les autres grandes sorties du jour.

La route des Indes est présent dans 5 cinémas de son distributeur-exploitant en intramuros, à savoir les Gaumont Ambassade-Berlitz-Halles-Sud-Convention, mais aussi aux cinémas Nation, Clichy Pathé, Mayfair Pathé, Hautefeuille Pathé, Bretagne, Saint Lazare Pasquier, 14 Juillet Bastille, Athéna, Escurial Panorama, et Fauvette.

Beau score parisien sur la durée

Pour son premier jour, dans 25 cinémas sur Paris, La route des Indes réalise un démarrage sans emphase avec 6 757 entrées, notamment à cause d’une durée de près de 3 heures. En première semaine, la superproduction à 3 séances par jour s’établit toutefois à 77 644 entrées sur P-P, avec une troisième place derrière Terminator et le phénomène Subway de Luc Besson, avec Adjani et Christophe Lambert alors en 3e semaine. Un score pas si moindre, carrément exaltant, qui sera accentué par une deuxième semaine à 83 355 spectateurs sur la même combinaison de 25 écrans (+7%).

En troisième semaine, le film en costume remonte en 2e position et snobe le cannois Détective de Godard, avec Johnny Hallyday. Toujours derrière Terminator, mais promu dans 26 cinémas, il accueille 69 491 spectateurs.

En 4e semaine, le drame historique passe sous les 50 000 (43 343 entrées/23 salles), dans un contexte de nouveautés accru : Rendez-vous de Téchiné est numéro 1, Le retour des morts vivants non numéro 2, Baby le secret de la légende oubliée ouvre 4e, et les films cannois Birdy d’Alan Parker, Mishima de Paul Schrader et Adieu Bonaparte de Youssef Chahine sont en embuscade.

Un succès mondial

La route des Indes restera tout l’été à l’affiche sur P.P, avec encore 4 122 spectateurs en 19e semaine dans 3 cinémas. Le film franchit les 390 000 spectateurs en 24e semaine au Reflet Balzac où il restera jusqu’à sa 26ème  et ultime semaine à l’affiche. Avec un budget entre 14-18M$ et des recettes américaines à 27M$, c’est bel et bien un beau succès occidental qui provoquera un engouement autour du roman de Foster, riche à analyser, parmi les plus importants du XXe siècle.

Les autres adaptations de Foster en salles réaliseront  139 000 entrées (Maurice), 706 000 entrées (Retour à Howards End), 748 000 entrées (Chambre avec vue). La route des Indes est donc le plus gros succès du romancier au cinéma.

Petite note locale : Saviez-vous que Landi a inclus sur l’affiche française du film un hommage à l’ancien gourou de Gaumont, Daniel Toscan du Plantier, avec son nom figurant à l’envers sur la plaque d’immatriculation de la voiture? Attention, nous proposons en illustration une affiche alternative de cette affiche.

Frédéric Mignard

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