Hitcher est un film culte des années 80 qui sent bon la sueur, le sang et le bitume et qui conserve tout son pouvoir d’attraction près de 40 ans après sa réalisation. Un must.
Synopsis : Jim Halsey accepte de convoyer une voiture à travers les Etats-Unis pour s’éviter des frais de voyage onéreux. Par une nuit pluvieuse il prend en auto-stop un dénommé John Ryder, un personnage étrange et inquiétant. Jim comprend très rapidement qu’il a affaire à un tueur psychopathe et réussit à se débarrasser de son dangereux compagnon de route.
Dès lors, une course poursuite commence entre Ryder et sa proie, qui endosse malgré elle les meurtres de son poursuivant. Injustement accusé de plusieurs meurtres, Jim est poursuivi par la police et ne trouve personne à qui se confier, sauf peut-être Nash, une serveuse qu’il est forcé de prendre en otage…
Un Grand Prix à Cognac largement mérité
Critique : Débarqué de nulle part au festival du film policier de Cognac en 1986, Hitcher a étonné l’ensemble de l’assistance en décrochant le prestigieux Grand Prix, au nez et à la barbe de concurrents apparemment plus chevronnés. Le réalisateur Robert Harmon, lui, était un débutant connu seulement pour avoir tourné un unique court-métrage.
Ses débuts derrière la caméra s’avèrent donc particulièrement fracassants puisque Hitcher installe son ambiance anxiogène dès les premières minutes du métrage qui voient un jeune homme prendre en stop un serial-killer ne cherchant jamais à masquer ses intentions belliqueuses. Au bout de cinq minutes, le spectateur est plongé, tout comme le personnage principal, dans un cauchemar qui semble ne jamais avoir de fin. Et, malgré quelques petites chutes de tension çà et là, Robert Harmon parvient à maintenir l’intérêt du spectateur au-delà de l’heure et demie réglementaire.
Un script archétypal inspiré
Il faut dire que le script signé Eric Red (futur scénariste d’Aux frontières de l’aube et Blue Steel, tous deux de Kathryn Bigelow) a le mérite de varier les péripéties, tout en retenant la leçon du Duel de Steven Spielberg, à savoir ne donner aucune explication tangible au spectateur quant aux actes des personnages. Sans aucun background, le tueur en série apparaît ainsi comme une simple machine à tuer dont les intentions demeurent floues. Jamais intellectualisés, les actes des différents protagonistes se hissent à un niveau archétypal jamais démenti par le réalisateur qui filme une route écrasée par le soleil du désert et deux hommes jouant au chasseur et à la proie. En cela, Hitcher peut être vu comme un modèle ayant servi d’inspiration à des œuvres plus récentes comme Wolf Creek (Greg McLean, 2005) et Desierto (Jonás Cuarón, 2015).
A force de ne rien expliquer, Robert Harmon arrive à élever son film au rang des grands mythes fondateurs. Ainsi, lorsque le serial-killer pose des pièces de monnaie sur les yeux de sa jeune proie, il lui indique non seulement qu’il va mourir, mais il peut dès lors représenter un passeur entre la vie et la mort, tel Charon sur le Styx. Le cinéaste suggère même que ce personnage pourrait n’être qu’illusion, une excroissance de la psyché désordonnée du jeune homme luttant contre ses mauvais démons. Ceci expliquerait le lien psychique qui relie les deux êtres.
Une réalisation superbe et des acteurs parfaitement synchrones
Enfin, autre possibilité offerte par le script, le tueur omniscient ne serait-il tout simplement pas à la recherche de sa propre mort, organisant son suicide en manipulant sa proie pour la pousser au pire ? Autant d’éléments qui s’offrent à la réflexion du spectateur sans qu’aucune option ne soit totalement validée par les auteurs eux-mêmes.
Réalisé de main de maître par un Robert Harmon en mode John Carpenter (cadrages au cordeau, photographie superbe de John Seale), Hitcher ne serait pas aussi réussi sans l’excellence de son casting. C. Thomas Howell prouvait une fois de plus quel formidable comédien il était après être passé chez Spielberg (E.T.), Francis Ford Coppola (Outsiders) et John Milius (L’aube rouge). Malheureusement, l’acteur signait ici l’une de ses dernières prestations mémorables, avant de disparaître des écrans radar pour de bon.
Il est secondé par l’impressionnant Rutger Hauer qui était ici au sommet de son talent. Il ne retrouva que très rarement par la suite des rôles de ce calibre et s’enfonça soit dans le film d’art et essai peu diffusé, soit dans le produit commercial bas du front (Vengeance aveugle). Enfin, un mot de la prestation correcte de Jennifer Jason Leigh qui n’a pas grand-chose à interpréter ici puisqu’elle n’est qu’une petite amie classique – et d’ailleurs un peu trop rapidement convaincue de l’innocence de C. Thomas Howell. Elle est encore loin des rôles de névrosées qui ont fait sa gloire.
Un échec commercial aux Etats-Unis, mais un joli succès en Europe
Notons enfin que si le film a connu un joli succès un peu partout en Europe, il n’en fut pas de même aux States où il est à peine rentré dans ses frais. Par ailleurs, les espoirs placés en Robert Harmon ont été systématiquement déçus par la suite. Entre un Jean-Claude Van Damme médiocre (Cavale sans issue), un film d’horreur raté (Le peuple des ténèbres), une nouvelle incursion dans le thriller autoroutier faisandé (Highwaymen – la poursuite infernale) et une palanquée de téléfilms, la carrière de Robert Harmon ne s’est jamais relevée de ce premier essai devenu totalement culte avec les années. Et ce ne sont pas sa suite vidéo Hitcher II (Louis Morneau, 2003) et son piteux remake de 2007 réalisé par Dave Meyers qui risquent de ternir son aura largement méritée.
Afin de fêter dignement ce culte inaltérable, le distributeur Tamasa a jugé bon de reprendre le métrage en salles en avril 2024 sous son titre original The Hitcher. Même titre pour l’édition 4K UHD dégoupillée par Sidonis Calysta qui propose une copie de toute beauté et pas mal de suppléments pertinents. Un ensemble qui permet de perpétuer le culte autour de cette œuvre majeure du cinéma américain.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 25 juin 1986
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Robert Harmon, Jennifer Jason Leigh, C. Thomas Howell, Rutger Hauer, Billy Green Bush, Gene Davis, Jeffrey DeMunn
Mots clés
Cinéma américain, Road Movie, Les tueurs fous au cinéma, Les tueurs de flics au cinéma, Les voitures au cinéma