Kathryn Bigelow

Réalisatrice, Productrice
Detroit affiche du film de Kathryn Bigelow

Personal Info

  • Nationalité : Américaine
  • Date de naissance : 27 novembre 1951, à San Carlos, Californie (Etats-Unis)
  • Crédits : Detroit : © Annapurna Pictures, First Light Production, Page 1 Tous droits réservés Zero Dark Thirty : © Affiche Ca Tourne / Jones fr – Copyrights 2012 Universal Studios Démineurs : © 2009 Voltage Pictures, tous droits réservés. Affiche Copyrights 2009 SND, tous droits réservés. Conception graphique : JEFF Strange Days : © 1995 Twentieth Century Fox, tous droits réservés Blue Steel : © Lightning Pictures, Precision Films The Loveless : © 1983 A Pioneer Films Corporation from Atlantic Releasing Corp.
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Biographie

Note des spectateurs :

2010. Désormais, le temps d’une cérémonie, la première dame d’Amérique c’est elle, Kathryn Bigelow. Elle est la première femme à avoir décroché l’Oscar du meilleur film.

Certes, Kathryn Bigelow est désormais la première femme à avoir été récompensée de la statuette mythique de meilleur réalisateur aux Oscar (pour Démineurs en 2010). Mais Bigelow, depuis le début des années 80, c’est du cinéma gonflé à la testostérone dirigé a priori exclusivement vers le public masculin, ou presque.

The Loveless affiche du film de Kathryn Bigelow

© 1983 A Pioneer Films Corporation from Atlantic Releasing Corp.

Une femme d’action qui n’est pas là pour écrire

Kathryn Bigelow avait dans sa jeunesse le physique mannequin. Elle ne sera pas actrice. Elle aurait pu se contenter d’écrire, mais à la passivité de la plume, elle préfère les champs de bataille des plateaux et l’action de la caméra. Son arme de combat. Une doctrine qui restera la sienne tout au long de ses quarante ans de carrière.

Après un premier long, Loveless (1981, premier rôle de Willem Dafoe), coréalisé par Monty Montgomery, plein de rage sur un gang de motards, elle doit attendre près de cinq interminables années pour pouvoir tourner à nouveau. Le résultat s’intitule Aux frontières de l’aube (Near Dark, 1987), un film de vampires stylé et instantanément culte qui redéfinit le genre, sur une musique de Tangerine Dream. Le film accroche davantage en VHS qu’au cinéma, mais cette bête de festivals est la promesse d’une carrière qui fera date.

Near Dark, Aux frontières de l'aube affiche du film de Kathryn Bigelow

Conception graphique : © Landi

A l’aube d’une carrière qui comptera

Le talent de la cinéaste est indéniable et les plus grands lui tendent la main. Oliver Stone produit son troisième long, Blue Steel, un polar noir esthétisant avec Jamie Lee Curtis. Pas un franc succès au box-office, mais encore une fois, la carrière cohérente dans le style d’une artiste se crée sous les yeux des cinéphiles d’une époque qui sont sidérés.

C’est donc avec le polar romanesque Point Break, en 1991, que Kathryn Bigelow connaît la vraie reconnaissance commerciale. Réalisé alors qu’elle était mariée au réalisateur James Cameron, qui sortait lui-même des eaux troubles de Abyss, ce duel psychologique entre acteurs charismatiques (Patrick Swayze, braqueur et surfeur, et Keanu Reeves, agent du FBI, au T-shirt moulant), avec lames de fond en arrière-plan, dépasse très vite son statut de série B couillue, pour devenir un authentique blockbuster estival en 1991. Il s’agira également du premier hit personnel de Keanu Reeves, trois ans avant Speed.

La carrière de Kathryn Bigelow prend l’eau

Bigelow peut désormais prétendre à des budgets d’envergure. Et c’est là où les choses se corsent pour la réalisatrice. En 1995 quand elle s’attèle à un projet de science-fiction onéreux (un budget supérieur à 40M$), Strange Days, le casting n’est pas le plus bankable : Ralph Fiennes, davantage vu comme un acteur de cinéma d’auteur, Juliette Lewis, enchaînée à son image grunge, et une comédienne afro-américaine, Angela Bassett, associée aux productions dites alors communautaires (Boyz n the Hood, Malcom X, Un vampire à Brooklyn), mais également au biopic Disney sur Tina Turner.

Strange Days, affiche du film

Copyrights 1995 Twentieth Century Fox, tous droits réservés

Ecrit par Cameron, avec lequel elle a depuis divorcé, ce long thriller futuriste de 2h25, connaît un bide spectaculaire au box-office, malgré des critiques solides. L’accident industriel achève sa carrière en 130e place annuelle. Un camouflet qui coûtera cher aux perspectives de carrière de Bigelow qui, en tant que femme, devra se battre doublement pour revenir avec le projet qui compte pour elle et qu’on ne lui impose pas. Elle devra en fait attendre pas moins d’une demi-décennie pour se remettre en selle, mais sans succès.

Les flops se succèdent. Le pourtant intéressant Le poids de l’eau (2000), thriller alambiquée, romantico-historique complètement passé inaperçu, est victime de sa narration, et d’acteurs estimés comme peu attractifs au box-office (Catherine McCormack, Sean Penn, Elizabeth Hurley). Plus grave, l’efficace K 19 en 2002 est un suspense sous-marin avec Harrison Ford, au budget de 100M$, vendu comme l’un des blockbusters estivaux de l’année, mais l’arme de guerre coule et ne dépasse même pas les 35M$ de recettes aux USA !

Bigelow démine l’Histoire américaine et décroche un Oscar historique

Les ambitions de réalisatrice de cinéma de Kathryn Bigelow semblent englouties. Après des moments de doute et de télévision, comme pour tous les cinéastes qui n’arrivent plus à convaincre qu’ils peuvent saisir l’attention des spectateurs dans une salle de cinéma, Kathryn Bigelow fait un retour détonnant en 2009 avec Démineurs. Sans stars, mais avec Jeremy Renner qui se fait enfin un nom parmi les grands, cette production indépendante de 15M$ va connaître un engouement critique qui, en dépit d’un demi-échec au box-office mondial, va lui permettre de glaner quelques-uns des prix les plus prestigieux. Démineurs décroche entre autres l’Oscar du meilleur film et Bigelow celui du meilleur réalisateur marquant ainsi une page de Hollywood. Une belle revanche donc pour cette Lady Oscar qui a su se battre jusqu’au bout, y compris lors d’une cérémonie où le favori n’était autre que son ancien mari, James Cameron, avec Avatar, film aux effets spéciaux révolutionnaires, qui avait eu autrement plus d’écho et surtout disposait d’un budget inouï.

Démineurs, affiche du film de Kathryn Bigelow

Démineurs : © 2009 Voltage Pictures, tous droits réservés. Affiche Copyrights 2009 SND, tous droits réservés. Conception graphique : JEFF

La controverse inutile autour de Detroit

Le film suivant, malgré la difficulté du sujet et la controverse autour du thème, s’annonce comme une évidence. Kathryn Bigelow s’attèle ainsi à Zero Dark Thirty, un thriller géopolitique sur l’enquête qui a mené l’Amérique à Ben Laden, fomenteur des attentats du 11 septembre et ennemi public numéro 1 des Etats Unis et des Occidentaux. Sa traque aboutit à la mise en scène de sa mort, de façon quasi documentaire. Le film dévoile des éléments classés secrets, agace les autorités américaines, mais forme un monument de suspense qui vaut à la cinéaste 5 nominations aux Oscars. C’est par ailleurs son triomphe au box-office américain, avec plus de 130 millions de dollars. Bigelow est donc encouragée à poursuivre son introspection de l’histoire américaine.

En 2017, elle réalise Detroit, l’une de ses œuvres les plus intenses, un thriller époustouflant sur les émeutes de Détroit en 1967. Le sujet est brûlant, puisqu’il s’agit de commémorer le 50e anniversaire du soulèvement des Afros-américains dans l’ancienne capitale industrielle américaine, frappés par la misère et la violence policière, et victimes d’une répression militaire qui se fait dans le sang. La communauté afro-américaine désapprouve l’idée qu’une femme blanche puisse intervenir dans leur histoire. La polémique bien vaine tue ce projet au box-office puisque ce long métrage de 2h23, d’une violence parfois insoutenable, avec John Boyega en figure de proue de l’œuvre chorale, réalise 17M$ aux USA et à peine plus à l’international. Cette claque visuelle, d’Histoire et d’humanisme, ne fera guère mieux dans le monde. Detroit ne remboursera même pas à l’issue de sa carrière mondiale en salle, ses 34 millions de dollars de budget. Un gachis pour une œuvre qui aurait dû être vue et connue par le plus grand nombre. Au moins Bigelow fait la Une du prestigieux Time Magazine et aura su démontrer jusqu’au bout sa capacité à disséquer une fois de plus les arcanes de son pays en faisant ce qu’elle sait faire le mieux, empoigner l’action sans trembler.

Kathryn Bigelow, Lady OscarKathryn Bigelow, monument du cinéma américain

Depuis, Bigelow qui s’était faite la voix d’une histoire américaine musclée dépassant les clivages de genre, rattrapée injustement par ceux de la couleur, ne communique pas sur son prochain projet. Aux portes des 70 ans (elle est née en 1951), ce monument du cinéma américain a toutefois repris les armes de la caméra pour une campagne sur le port du masque, commandée par le gouverneur américain Andrew M. Cuomo, en pleine crise du coronavirus, Mask Up America.

Cette carrière exceptionnelle, pourtant saluée par les cinéphiles, ne suscite pas les mêmes passions que Cameron, les frères Scott, Spielberg, Michael Mann ou plus récemment Jess Whedon, Denis Villeneuve ou Nolan ont pu susciter. De par les genres qu’elle a brassés (la science-fiction, l’épouvante, le cinéma de guerre, le thriller…), Bigelow devrait avoir une armée de followers à ses pieds, mais la cinéaste discrète est l’illustration de la misogynie au cinéma, celle auxquelles les femmes de talent ont dû se heurter.

 

Alors que Hollywood déploie aujourd’hui le tapis à des femmes réalisatrices dont la présence derrière la caméra relève davantage du symbole que du réel talent de visionnaire (Patty Jenkins sur Wonder Woman, Elisabeth Banks sur Charlie’s Angels, Anna Boden sur l’insipide Captain Marvel, Ava DuVernay sur l’académique Selma et le nanar Un raccourci dans le temps qui aurait dû stopper sa carrière), l’œuvre de précurseur absolu de Kathryn Bigelow, dans son unicité, sa force, sa cohérence et surtout son absence de faux pas qualitatif, n’est toujours pas reconnue à sa juste valeur. Bigelow est juste coupable de ne pas avoir réalisé un blockbuster insipide qui aurait rameuter les foules dans les cinémas. La réalisatrice d’Aux frontières de l’aube est un monument du cinéma américain, la seule femme sur ces quarante dernières années, qui, de par son intransigeance artistique, ses capacités narratives, ses compétences techniques, peut prétendre au firmament des auteurs visionnaires du 7e art, au même rang que les Ridley Scott et autres Michael Mann. Lady Oscar mériterait davantage de reconnaissance. Il est insensé que, malgré l’Oscar pour Démineurs, elle ne soit toujours pas rentrée dans le panthéon de la cinéphilie universelle.

Frédéric Mignard

Filmographie :

  • 1982 : The Loveless (coréalisé avec Monty Montgomery)
  • 1987 : Aux frontières de l’aube (Near Dark)
  • 1990 : Blue Steel
  • 1991 : Point Break
  • 1995 : Strange Days
  • 2000 : Le Poids de l’eau (The Weight of Water)
  • 2002 : K-19 : Le Piège des profondeurs (K-19: The Widowmaker)
  • 2009 : Démineurs (The Hurt Locker)
  • 2012 : Zero Dark Thirty
  • 2017 : Detroit
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