Hercule avec Dwayne Johnson est la deuxième superproduction hollywoodienne autour du mythe grec, à sortir en salle en 2014. Brett Ratner livre un divertissement plus regardable que La légende d’Hercule, le naveton de Renny Harlin, mais à peine plus digeste qu’un DTV qui se serait pris d’orgueil et d’envie de grand écran.
Synopsis : Mi-homme mi-légende, Hercule prend la tête d’un groupe de mercenaires pour mettre un terme à la sanglante guerre civile qui sévit au royaume de Thrace et replacer le roi légitime sur le trône. Âme tourmentée depuis la naissance, Hercule a la force d’un dieu mais ressent aussi les peines et les souffrances d’un mortel.
Sa puissance légendaire sera mise à l’épreuve par des forces obscures.
2014 : l’année ratée du péplum
Critique : Une fois de plus, en 2014, Hollywood s’est demandé si Hercule était un homme ou un dieu, pour en conclure dans tous les cas qu’il était bel et bien une légende. Rien de bien nouveau en Grèce antique (le patronyme romain est conservé au lieu de la nomenclature grecque, on a l’habitude). Il faut dire que les deux péplums de série B mais budgétés à 100M, auxquels on peut généreusement associer Pompéï, sorti en début d’année, sont le fruit de cinéastes un peu écervelés quand ils se retrouvent derrière une caméra. Renny Harlin, Brett Ratner et Paul W.S. Anderson. Tous trois sont incapables d’insuffler de la psychologie ou de la noirceur à des œuvres inlassablement récréatives, marquées par des enfumages visuels pour distraire les spectateurs et les détourner d’une sinistre réalité qualitative. Au lieu d’envisager des spectacles entiers, les gais lurons du cinéma américain se contentent des formules pop corn movie pour les générations mobiles et oublient la grande lignée d’où descendent indirectement ces pitreries bovines : Conan le Barbare, premier du nom, est évidemment une référence évidente. Une œuvre quasi muette de John Milius, qui triomphait en 1980 en mélangeant barbarie, ésotérisme, action et une très grande dose de contemplation. L’essai à la réalisation du scénariste de Apocalypse Now était un coup de maître. Rien de bien comparable figure dans Hercules (titre original) qui gonfle les poncifs au point de faire de son héros une vilaine baudruche.
Certes, Hercule n’a jamais été synonyme de qualité en salle, les séries Z avec Lou Ferrigno et même la comédie burlesque de Disney en 1998 retentissent à l’esprit des cinéphiles méfiants quand on évoque encore les sinistres records du demi dieu. De plus, les ersatz du premier Conan, de Kalidor aux plagiats italiens (Yor, Ator), sont autant de souvenirs miteux qui brûlent les yeux… Il y aurait donc plus qu’une légende d’Hercule, on pourrait évoquer la malédiction d’Hercule.
La version de Brett Ratner (producteur de Jersey boys de Eastwood et de Prison Break, et réalisateur de blockbusters miteux comme X-Men : l’affrontement final, Dragon Rouge, la trilogie Rush Hour) se casse les dents sur un mur d’indigence visuelle. Peu aidé par le montage, l’ancien clippeur de Madonna et Mariah Carey se contente de livrer ni plus ni moins qu’un long épisode de série télé, avec quelques billets verts en plus pour donner de l’envergure, mais la liberté artistique en moins. On sent la tentation de libérer un sein, en début de film, ou de faire jaillir des jets de sang, ici et là, lors de combats vigoureux. Mais l’effeuillage et le gore sont des arts de la télé, sublimés par la série bis Spartacus, qui ici laisse place à une insipidité certaine, puisque l’image est télévisuelle mais avec une autocensure dont le petit écran a su faire fi depuis bien longtemps.
De l’action, le charisme de Dwayne Johson, mais aucune audace
Faute d’audace, le Hercule de Ratner ose l’action débridée, avec beaucoup d’effets spéciaux. Il passe très vite sur les “Travaux” du fils de Zeus, pour présenter les nombreux combats plus humains d’un homme au libre arbitre intact. Peu d’éléments fantastiques donc, les interventions divines sont rares. L’essentiel réside dans le combat pour la liberté de Thrace, en s’inspirant moins de la mythologie que d’une BD (Hercule : les guerres thraces de Steven Moore (édité par Milady Graphics en France), auteur décédé trois mois avant la sortie américaine du film et qui avait demandé à ce qu’on renonce à son nom au générique en raison d’une entourloupe lors de la signature du contrat qui ne lui a pas fait gagner un cent. Hercule mène des luttes comme mercenaire, avec ses acolytes, mais n’en oublie pas d’œuvrer pour le bien, pour que l’on encense son nom à son passage dans chaque royaume. Les scènes d’action sont bien menées et provoquent un certain enthousiasme. On ne le niera pas, l’adhésion du public fut d’ailleurs plus élevée que pour La légende d’Hercule de Renny Harlin (244M$ de recettes mondiales pour la production Paramount avec The Rock contre 61M$ pour l’incarnation de Kellan Lutz).
Grâce au charisme naturel de Dwayne Johnson entre le tournage de deux Fast & Furious (le 6 et le 7), la pilule passe mieux que chez Renny Harlin ; après une présentation un peu rébarbative de l’intrigue, on finirait presque par se laisser prendre au jeu de ce produit dilué, où le barbare divin parle avec un accent américain au milieu de l’éloquence british des rois, reines et vieux sages imposée par Hollywood depuis des décennies (Laurence Olivier en Zeus dans Le choc des Titans, en 1981, par exemple !).
Hercule a au moins le mérite de ne pas avoir fait de son super héros antique une endive cuite au four des effets numériques. Cela rend le festin digérable faute d’être savoureusement comestible.