Clash : la critique du film et test Blu-ray (1984)

Fantastique | 1h38min
Note de la rédaction :
6/10
6
Affiche de Clash (1984), de Raphaël Delpard

  • Réalisateur : Raphaël Delpard
  • Acteurs : Bernard Fresson, Pierre Clémenti, Catherine Alric
  • Date de sortie: 08 Fév 1984
  • Année de production : 1983
  • Nationalité : Français, Yougoslave
  • Titre original : Clash
  • Titres alternatifs : -
  • Scénaristes : Raphaël Delpard
  • Directeur de la photographie : Sacha Vierny
  • Monteur : Gérard Le Du
  • Compositeur : Jean-Claude Nachon, Angélique Nachon
  • Producteur : Jean Bolvary
  • Sociétés de production : Société Promundi, en coproduction avec Devenir Production, Croatia Films, Cinéthèque
  • Distributeur : C.D.G., Les Films de la Gare
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Cinéthèque (VHS), MPM (VHS), Le Chat qui Fume (blu-ray, Ultra HD)
  • Date de sortie vidéo : Juillet 2021
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 4 233 entrées
  • Box-office nord américain / monde : -
  • Budget :
  • Classification : Interdit aux moins de 13 ans à sa sortie
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs (35mm) / Dolby Stéréo
  • Festivals et récompenses : Sélection officielle Avoriaz 1984
  • Illustrateur / Création graphique : © Affiche : PG Bruzzi. / Design vidéo : Frédéric Domont pour Le Chat Qui Fume. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © OB Films Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Clash est une curiosité fantastico-horrifique française des années 80, donc onirique, poétique et auteurisante. Répudié en son temps, Clash voit ses maladresses d’hier laisser place aujourd’hui à une certaine tendresse face à sa proposition de cinéma libre au charme fou.

Synopsis : Au début des années 1980, dans une usine de mannequins désaffectée, une jeune femme, Martine, attend la venue de son ami Bé Schmuller, qui lui a confié le butin d’un hold-up perpétré par ses hommes de main. Tandis qu’elle patiente avant l’arrivée des gangsters, Martine, en proie à des hallucinations, réalise qu’elle n’est pas seule dans ce lieu désolé. Un mystérieux inconnu, surgi de nulle part, vient à sa rencontre. La présence du jeune homme silencieux finit par la réconforter. Mais cet individu étrange existe-t-il vraiment, ou n’est-il que le fruit des fantasmes de Martine ?

Clash avec les critiques

Critique : La légende entretenue par le réalisateur Raphaël Delpard, depuis des années, voudrait que Clash ait mal vécu une projection à Avoriaz et qu’un problème de communication, détaillé dans les bonus Blu-ray du Chat qui Fume, ait monté les journalistes contre le nouveau film de l’auteur de La nuit de la mort !

Il serait toutefois réducteur de faire porter la responsabilité du bide de ce curieux métrage, dont la sortie a été repoussée à la dernière minute du 25 janvier au 8 février, aux seuls journalistes. Cette œuvre ne pouvait en aucun cas fonctionner dans le contexte du début de l’année 1984.

Les films de l’année 1984

La presse a effectivement peu parlé du nouveau film avec Catherine Alric, dont la carrière battait de l’aile après une série d’échecs. Les médias généralistes en dehors de la semaine d’Avoriaz ne laissaient guère de place au mauvais genre. Quand les journalistes spécialisés ont daigné écrire sur le film, c’était pour l’assassiner. Clash avait même deux pages encourageantes de la part du journaliste de Starfix, Frédéric Albert Lévy (présent dans les bonus) – qui semblait ne pas l’avoir vu -, quand, dans le tableau des étoiles du même numéro, Cognard et Boukhrief qualifiaient le film de “nul”, ce qui dévalorisait à jamais ce nouvel essai du cinéma fantastique du terroir.

De la difficulté de trouver des exploitants volontaires

Mais les critiques n’auront guère d’impact sur le film puisque sa carrière catastrophique, inférieure à n’importe quel série Z programmée dans un cinéma de quartier de l’époque, est plutôt à mettre sur le dos de son distributeur, incapable de faire exister son bébé. Quel distributeur d’ailleurs ? Balbutiant pour trouver des écrans, sorti de nulle part, celui-ci est un mystère. L’affiche note un film distribué par C.D.G, un acronyme pour La Compagnie de la Gare ? Unifrance, site professionnel, évoque Les Films de la Gare, dont se serait le seul film… Le Film Français de l’époque, dès la grille des sorties, annonçait – par erreur? – Visa Films. On en perd son latin et, forcément, pour convaincre les exploitants, il fallait des sociétés reconnues, même dans le nanar et la série B (Les Films Jacques Leitienne, Arts et Mélodie), avec lesquelles les propriétaires de salles avaient l’habitude de travailler.

Clash, de Raphaël Delpard le 8 février 1984

Les Archives de CinéDweller © Tous droits réservés.

Avec une poignée de salles parisiennes, quasi vides, Clash est rejeté par les exploitants qui ne le connaissent pas, ne l’ont pas vu et ont d’autres productions à exhiber. Les films de genre ne manquent pas entre le 1er janvier et le 1er février de cette année 84 : Le choix des seigneurs, Rue barbare, Mantis dans les griffes du faucon, 2019 après la chute de New York, Mad Mission (Mission folle), Les anges du mal, Canicule, Le jour d’après, Christine, La foire des ténèbres, Le combat du tigre, Brainstorm, Le crochet mortel de Shaolin et le gros morceau qu’était La quatrième dimension

À Avoriaz, où Clash est projeté, la sélection 1984 est tellement riche, qu’elle ne peut lui laisser aucune place dans les préoccupations cinématographiques du jury, des journalistes et surtout du public. Christine de Carpenter, Dead Zone de Cronenberg ou le Grand Prix, L’ascenseur de Dick Maas qui sortira quinze jours après le Raphaël Delpard, sont sur toutes les lèvres. Le buzz autour de L’ascenseur est tel que sa sortie est avancée de deux mois !

L’affiche de Clash, coupable ?

Raphaël Delpard, qui verra sa carrière de cinéaste détruite par l’échec de Clash (il ne fera qu’une comédie franchouillarde démodée par la suite qui ne connaîtra même pas de distribution sur Paname, Vive le fric !) est amer. Il insinue que l’affiche du film était peu appropriée pour vendre son produit. Effectivement, ce superbe visuel, quelque peu surréaliste, n’est pas commercial. Mais en revanche, il est vraiment à l’image de l’œuvre dont il retranscrit l’étrangeté et le refus des codes. La fidélité de l’affiche est telle que l’éditeur Le Chat qui fume – qui sort la première version HD du film, et surtout la première édition officielle de Clash depuis la VHS, puisque l’hideux DVD des années 2000, selon le cinéaste, n’était pas officiel -, a repris une partie de l’affiche de Bruzzi. Vous trouverez d’ailleurs ci-dessous une version restaurée par CinéDweller du visuel de l’affiche cinéma, puisque celle-ci n’apparaît sur aucun site Internet de façon satisfaisante. Et il important de rendre justice à Clash qui est le reflet d’une époque et vaut, pour le coup, avec du recul, bien mieux que sa sinistre réputation.

Une intrigue et des personnages mal définis

Clash est ainsi un huis clos de l’étrange dans lequel une femme est retranchée dans un lieu industriel désaffecté. Elle y garde le butin d’un homme qu’elle qualifie de frère dans ses relations. Est-ce un ami, un amant ? Le personnage joué par Bernard Fresson restera grossièrement défini jusqu’au rebondissement final qui est excellent et permet d’appréhender le scénario différemment.

Catherine Alric évolue dans un ensemble onirico-cauchemardesque qui a au moins la cohérence de la démence. Elle est prisonnière d’un espace et d’un espace-temps, celui d’une nuit de folie hantée par des mauvais rêves, des traumas, des hallucinations, les visites d’un homme mutique, peut-être diabolique ou pas, joué par l’hallucinant Pierre Clémenti.

Catherine Alric dans Clash

Copyrights : Le Chat Qui Fume. Tous droits réservés

Raphaël Delpard semble nous dire aujourd’hui avoir voulu casser les codes en refusant d’expliciter les motivations des protagonistes, les implications psychologiques d’un passé qui resurgit, mais il ne donne que peu de sens aux métaphores trop nombreuses pour pouvoir rendre une piste plus satisfaisante qu’une autre. Les éléments de télékinésie (thème alors à la mode) qu’il insère sont absurdes car dépourvus de contexte et de rationalité au royaume pourtant laxiste du fantastique.

Tout cela relève en réalité d’un vrai souci d’écriture et de maladresses patentes que les spectateurs ne pouvaient accepter, car même dans des projets cinématographiques volontairement métaphoriques, les bons artistes doivent se montrer rigoureux pour empêcher l’œuvre de s’effilocher et de tomber à plat.

Du fantastique français pas si mauvais…

Clash n’est pas “nul”, contrairement à ce qu’ont écrit les journalistes de Starfix, loin de là. La série B tournée en ex-Yougoslavie n’est même jamais à court d’idées ; la réalisation est inspirée. Le cauchemar éveillé se regarde avec la tendresse de ces œuvres françaises farouchement auteurisantes dans leur approche du fantastique, sans jamais ennuyer, alors que son intrigue tourne en rond. D’ailleurs, dans le genre arty, on  tombait deux mois plus tard sous le charme ésotérique de L’ange de Patrick Bokanowski qui ne trouvera pas son public non plus, mais démontrait une fois de plus que le cinéma français, contrairement aux Américains, produisait du fantastique peu enclin à plaire aux foules car ils ne voulaient pas que leurs films puissent être considérés comme un produit.

Le cinéma fantastique français

En 2021, La nuée ou Teddy, salués à Gérardmer, ne manqueront pas non plus de mettre en avant leur facette auteurisante au détriment du divertissement pur, et le public a tranché (flop pour les deux) malgré de bons papiers ; même Titane aura remporté une Palme d’Or repoussant inconsciemment ses racines qui sont celles du cinéma d’exploitation pour demeurer essentiellement dans la logique de la Nouvelle Vague où le créateur règne sur son monde.

Une œuvre d’atmosphère qui imprègne

Clash a au moins pour lui d’être un polar horrifique réellement habité par son équipe et déploie une atmosphère homogène et anxiogène séduisante. En dehors de son script abscons, son vrai défaut, à le redécouvrir près de quarante ans après sa sortie, se résume à un choix musical fragile. Le score est anodin et pas à la hauteur des effets déployés à l’écran. Évidemment, on évitera d’évoquer la chanson de générique finale, interprétée par Catherine Alric elle-même.

Des effets spéciaux saignants du regretté Benoît Lestang

Dans tout ce qu’il a d’attractif, on n’oubliera pas de mentionner la présence au générique du juvénile Benoît Lestang qui a participé à l’élaboration des maquillages, notamment gore. Celui qui avait débuté chez Jean Rollin sur La morte vivante, fait démonstration de tous ses talents qu’il développera pendant des décennies, avant son tragique destin. Lui semble y croire, comme toute l’équipe en fait. Alric, sous ses airs de Catherine Deneuve égarée chez Buñuel, donne de son âme, et la folie de Pierre Clémenti, dont les nombreuses apparitions dérangent, sied au métrage.

Le luxe de la redécouverte en HD

Redécouvrir l’intrigant film maudit de Raphaël Delpard en 2021 est un luxe auquel notre époque incroyable nous permet d’accéder. Pour les cinéphiles, les curieux, ceux qui ont un besoin vital de propositions alternatives underground, c’est un beau choix à faire. On vous conseille largement l’édition 4K Ultra HD, limitée à 1 000 exemplaires, que propose l’éditeur Le Chat qui fume. Cette édition est une vraie réussite.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 8 février 1984

Affiche de Clash (1984), de Raphaël Delpard

Illustration : PG Bruzzi

Box-office :

Clash a été programmé dans 7 cinémas sur Paris-Périphérie dont 5 en intra-muros (l’UGC Opéra, le Ciné-Beaubourg, le Cluny Ecoles, l’UGC Rotonde et l’UGC Ermitage).

Pour son premier jour, le film de Raphaël Delpard réalise 371 entrées sur la capitale. Un score catastrophique en raison de l’omniprésence du cinéma fantastique d’Avoriaz avec les succès de Christine, La quatrième dimension… et la sortie parallèle d’un trop-plein de nouveautés. Charlots Connection (28 salles), Don Camillo avec Terence Hill, Gwendoline de Just-Emmanuelle-Jaeckin, le blockbuster d’heroic fantasy Krull, Les parents ne sont pas simples cette année (ersatz de La boum) de Marcel Jullian, ou Tricheurs de Barbet Schroeder, avec Bulle Ogier et Jacques Dutronc.

Un clash qui crashe

À l’issue de sa première semaine parisienne, Clash s’écrase à 3 380 entrées. A l’exception de l’UGC Ermitage, aucun cinéma ne parvient à dépasser les 1 000 spectateurs. D’ailleurs, en deuxième semaine, le film disparaît de tous les écrans, à l’exception de l’UGC Ermitage où le huis clos fantastique achève sa carrière à 853 spectateurs, pour un total inqualifiable de 4 233 tickets vendus en 15 jours.

Un tel échec précipitera la fin de la carrière cinématographique du réalisateur qui tentera de revenir par une comédie sans public que l’on imagine catastrophique, et abandonnera le cinéma.

Clash (édition Le Chat qui fume, 2021)

© Frédéric Domont pour Le Chat Qui Fume. © OB Films Tous droits réservés. All rights reserved

Le test Blu-ray

Le saviez-vous? Clash est le second film du Chat qui fume dont la date de sortie cinématographique correspond au 8 février 1984. Une belle coïncidence et le signe d’une solide ligne éditoriale.

Compléments & packaging : 4 / 5

L’édition limitée à 1 000 exemplaires reprend le format digipack avec fourreau du Chat. Pour les collectionneurs, cela a du sens, à une époque où le grand public se désintéresse des éditions lambda aux boîtiers amaray. Pour ceux qui ont commandé le produit par Internet, sur le site de l’éditeur, un très beau fascicule reprend images de tournage et photos d’exploitation. Malheureusement, on n’y trouve pas la précieuse affiche du film.

Les suppléments audiovisuels durent un peu moins d’une heure. Il s’agit d’une interview avec le cinéaste seul et une autre où il est accompagné  du critique Frédéric Albert Lévy (L’Écran fantastique).

Delpard ne semble pas toujours fiable par rapport à Lévy qui porte un regard plus précis, méticuleux, et critique. Le cinéaste vient à se tromper quant à la sélection du film à Avoriaz, la plaçant en 1983 alors qu’il s’agit de 1984. Néanmoins, les deux entretiens sont passionnants car touchant à des choses sur lesquelles rien n’est jamais dit ou écrit, même si un magnifique numéro de Vidéotopsie sur Delpard, qui approfondissait l’œuvre du réalisateur de La nuit de la mort, avait été édité dans les années 2010.

Le Chat qui Fume sur CinéDweller

Image : 4.5 / 5

Somptueux travail de restauration. Il ne faut pas oublier que, jusqu’au réalisateur, tout le monde reprochait à Clash de survivre sur des copies trop sombres, remettant en question les réelles qualités photographiques du métrage et tout le travail du chef opérateur Sacha Vierny. Ce dernier est une véritable légende du septième art ; d’Hiroshima mon amour de Resnais aux films de Peter Greenaway, il ne se compromettait pas dans son travail. La photographie restituée à partir des négatifs originaux, démontre le talent d’un artiste qui devait composer avec les envies de Raphaël Delpard afin de rendre aussi hommage – d’une certaine façon – au cinéma baroque d’Argento ou de Bava père, deux idoles du réalisateur.

La copie Blu-ray est propre et intense, permettant à cette œuvre inconnue d’exister avec des arguments solides, à une époque où l’exigence est de mise.

Son : 4 / 5

Raphaël Delpard avait exigé le Dolby Stéréo sur Clash. A priori un caprice artistique pour les producteurs car beaucoup de productions hexagonales d’envergure moyenne étaient encore tournées en Mono. Mais Delpard, dont La nuit de la mort avait été un semi-échec en salle, a pu se permettre ses ambitions grâce à la carrière de sa première incursion dans le fantastique en VHS, chez Cinéthèque (qui a donc coproduit Clash). Cette exigence a des conséquences sur le plaisir audio délivré par cette œuvre qui se veut onirique jusque dans ses choix sonores. Le master DTS HD 2.0 n’est pas un monstre de puissance, mais il est équilibré et se permet des effets auxquels beaucoup d’œuvres de cette époque ne pouvaient prétendre.

Vocalement juste, avec une atmosphère par le son qui ne désemplit pas, Clash ne sature ni les enceintes ni notre plaisir.

Acheter en blu-ray ou UHD sur le site de l’éditeur

Frédéric Mignard

Clash, blu-ray Le Chat qui fume

© Frédéric Domont pour Le Chat Qui Fume. © OB Films Tous droits réservés. All rights reserved

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