Au bord de la sortie de piste, L’avion de l’apocalypse est un vilain petit canard pétri de défauts, mais d’une incroyable générosité en matière de scènes choc. Du bon gros bis qui tache.
Synopsis : Après avoir vu des zombies déferler d’un avion militaire, un reporter tente de retrouver sa femme et d’échapper aux monstres assoiffés de sang qui envahissent la ville.
Une exploitation opportuniste du phénomène Zombie
Critique : Le cinéaste Umberto Lenzi vient de tourner plusieurs polars d’excellente tenue en cette fin des années 70. On peut citer parmi ses réussites Brigade spéciale (1976), Le clan des pourris (1976), Le cynique, l’infâme et le violent (1977) ou encore Echec au gang (1978). Toutefois, après le succès international remporté par le Zombie (1978) de George A. Romero, les producteurs italiens abandonnent assez rapidement le polar pour se concentrer sur ce qui rapporte de l’argent : le cinéma horrifique gore. Alors qu’il n’a aucun goût pour ce type de cinéma, Umberto Lenzi est contraint de se conformer aux lois du marché et signe plusieurs œuvres particulièrement gratinées en matière de gore. Il surfe notamment sur le succès obtenu par Ruggero Deodato avec Cannibal Holocaust (1980) et livre en peu de temps La secte des cannibales (1980) et Cannibal Ferox (1981).
Au même moment, Lenzi accepte de tourner L’avion de l’apocalypse (1980) qui est un démarquage à peine voilé du Zombie de Romero. Cette coproduction entre l’Italie, l’Espagne et le Mexique n’a pas de grande ambition si ce n’est d’exploiter un thème décidément à la mode. On notera que Lenzi souhaitait engager des acteurs comme Tomás Milián ou encore Fabio Testi, mais que les coproducteurs mexicains ont imposé Hugo Stiglitz, acteur qui est un fidèle collaborateur du réalisateur bis René Cardona Jr. Lenzi se résigne à accepter un interprète moins charismatique, mais parvient toutefois à embaucher quelques pointures comme Francisco Rabal ou Mel Ferrer.
L’acte de naissance des zombies véloces
Sans doute conscient de la relative médiocrité d’un script qui multiplie les personnages afin d’éviter de trop les caractériser, Lenzi choisit de se concentrer sur le rythme du film. Il ne cherche aucunement à rendre ses zombies effrayants contrairement à son compatriote Lucio Fulci dans son très macabre L’enfer des zombies, Zombi 2 (1979). Pire, ses zombies – en réalité des infectés par des radiations – sont affublés de maquillages grossiers qui évoquent davantage une pizza avec lardons que des chairs en putréfaction. Afin de compenser leur manque de charisme, Lenzi opte pour une vélocité qui ne peut qu’étonner. Effectivement, depuis Romero, les zombies sont généralement d’une lenteur inquiétante, mais Lenzi choisit d’en faire des adversaires rapides et redoutables. Il anticipe ainsi de quelques décennies la mode du zombi sprinter qui sera popularisé par 28 jours plus tard (Boyle, 2002).
Lâché sans aucun script à illustrer, Lenzi se lance dans l’action à corps perdu et multiplie ainsi les scènes d’agression et les massacres, ceci pour le plus grand plaisir des bisseux qui feront leur deuil de toute ambiance réellement effrayante. Entre l’attaque d’un aéroport, l’invasion d’un hôpital et le massacre au cœur d’une station de télévision, Lenzi bombarde le spectateur de séquences agressives, souvent caractérisées par des délires gore plus ou moins maîtrisés. Ici, on arrache des seins, on mord des gorges offertes, là on arrache les yeux de victimes souvent féminines et dénudées. L’ensemble ne peut clairement pas être pris au sérieux, mais s’avère d’une grande générosité en matière de bis.
Un dérapage non contrôlé au charme bis indéniable
Bien entendu, pour justifier ce déluge de séquences hystériques, Lenzi y va de son petit commentaire sur les dérives de la société moderne, avec la légèreté d’un éléphant dans un magasin de porcelaines. Histoire de combler quelques trous narratifs, il nous donne à voir la réaction pas très efficace d’une armée dépassée (Mel Ferrer fait un général pas vraiment convaincant et Francisco Rabal semble là pour payer ses impôts).
Toutefois, malgré ce manque évident de soin dans la conception du long-métrage, et notamment au niveau des effets spéciaux, assez sommaires, L’avion de l’apocalypse bénéficie d’un montage diablement efficace, d’une réalisation rentre-dedans et d’une étonnante partition musicale de Stelvio Cipriani. On apprécie également la localisation des extérieurs près de Madrid, ce qui est finalement assez peu fréquent dans le bis rital. Uniquement adressé à un public venu passer un moment de détente fun, ce long-métrage brinquebalant déploie une telle générosité dans l’action qu’il ne peut laisser indifférent. Certains dérapages permettent de rire, sans que l’on décroche pourtant du spectacle offert. Il est tout de même difficile de défendre la fin du film, totalement sabordée par des auteurs en manque d’inspiration.
L’avion de l’apocalypse, nanar ou film sympathique ?
Sorti en catimini dans les salles françaises au mois de juin 1982 et assorti d’une interdiction aux moins de 18 ans, L’avion de l’apocalypse a finalement été peu vu au cinéma (53 236 entrées sur tout le territoire national). La plupart des fans de cinéma horrifique l’ont découvert par le biais de la VHS qui a permis de faire du long-métrage une œuvre qui possède autant de défenseurs que de détracteurs.
Critique de Virgile Dumez