Jungle Cruise voudrait ressembler à du Steven Spielberg mais copie surtout Pirates des Caraïbes et la saga La momie de Stephen Sommers. Le spectacle est donc kitsch et parfaitement inconséquent.
Synopsis : Chercheuse intrépide, la doctoresse Lily Houghton quitte Londres pour explorer la jungle amazonienne à la recherche d’un remède miraculeux. Pour descendre le fleuve, elle engage Frank Wolff, un capitaine roublard aussi douteux que son vieux rafiot délabré. Bien décidée à découvrir l’arbre séculaire dont les extraordinaires pouvoirs de guérison pourraient changer l’avenir de la médecine, Lily se lance dans une quête épique. L’improbable duo va dès lors affronter d’innombrables dangers – sans parler de forces surnaturelles – dissimulés sous la splendeur luxuriante de la forêt tropicale. Alors que les secrets de l’arbre perdu se révèlent peu à peu, les enjeux s’avèrent encore plus grands pour Lily et Frank. Ce n’est pas seulement leur destin qui est en jeu, mais celui de l’humanité tout entière…
L’adaptation d’une attraction populaire
Critique : Depuis le triomphe de Pirates des Caraïbes (Verbinski, 2003) et de ses multiples déclinaisons, la firme Disney envisage d’adapter une autre de ses attractions au cinéma. Le projet Jungle Cruise a pourtant mis plus de quinze ans à se concrétiser. Il a fallu finalement l’accord de Dwayne Johnson pour que le scénario soit écrit et validé. Ensuite, le tournage a eu lieu en 2018 pour une sortie initialement prévue pour 2020. Le métrage a été victime de la pandémie de coronavirus et a ainsi patienté dans les tiroirs jusqu’au mois de juillet 2021. Toutefois, Jungle Cruise est sorti conjointement en salles et sur la plateforme Disney+ aux États-Unis, confirmant la stratégie de la société aux grandes oreilles.
Dès les premières images de ce blockbuster budgété à plus de 200 millions de dollars, le spectateur songera aux multiples œuvres de référence qui ont sans aucun doute influencé l’écriture du script. L’opposition entre le capitaine du bateau et l’exploratrice cite de manière quasiment explicite African Queen (1951), le classique de John Huston avec Bogart et Hepburn, tandis que le rythme échevelé du film s’inspire clairement de la saga Indiana Jones menée par Steven Spielberg.
Jungle Cruise ou l’héritage de Stephen Sommers ?
Pourtant, le résultat final n’évoque pas tant ces deux prestigieuses références que des films plus récents et nettement moins valeureux. Ainsi, l’humour constant déployé par les auteurs, ainsi que l’intrusion d’éléments fantastiques au cœur du récit d’aventures renvoient directement à la saga Pirates des Caraïbes citée plus haut. Pire, avec ses personnages qui tiennent tous du cliché le plus éculé, on songe surtout aux œuvres dégainées à une certaine époque par le réalisateur Stephen Sommers. Le frère de l’héroïne incarné par Jack Whitehall n’est-il pas un décalque du personnage interprété par John Hannah dans la saga La momie du début des années 2000 ? L’esthétique très kitsch déployée par le réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra est également très proche de celle de Sommers et l’on ne peut faire abstraction de la parenté tant elle semble évidente.
Malheureusement, Jungle Cruise est affublé des mêmes défauts que les métrages de Sommers, à savoir une inconséquence totale des personnages, tous des archétypes mal dégrossis. Même une actrice capable de nuances comme Emily Blunt se retrouve à se parodier dans le rôle de cette exploratrice déterminée à faire valoir ses théories, malgré l’opposition de la communauté scientifique, par ailleurs dominée par des hommes – l’appel du pied au mouvement féministe est une fois de plus inclus au forceps dans une intrigue qui n’en avait aucunement besoin, mais il faut bien satisfaire à l’air du temps. Finalement, comme d’habitude, le seul à vraiment tirer son épingle du jeu est Dwayne Johnson car la star fait preuve d’un certain recul vis-à-vis de ce qu’il est en train de jouer, conscient des limites évidentes du spectacle.
Un spectacle profus et furieusement kitsch
Visiblement content de bénéficier d’un énorme budget pour la première fois de sa carrière consacrée à la série B, le réalisateur Jaume Collet-Serra s’amuse comme un petit fou et livre un spectacle pétaradant qui laisse peu de place à la réflexion ou même à l’émotion. Sa réalisation est une fois de plus efficace, mais il ne sait pas trop quoi faire de ce scénario sans grand intérêt et de ces personnages en mousse qui ne sont que des enveloppes vides. Divertissant, Jungle Cruise l’est de manière épisodique, grâce à des notations humoristiques bien senties et quelques environnements numériques chiadés.
Pourtant, on ne peut s’empêcher de bâiller à plusieurs reprises tant l’ensemble paraît balisé pour répondre au cahier des charges des actionnaires à la manœuvre. On n’a jamais le sentiment d’assister à un spectacle confectionné par des artisans enthousiastes, mais par des affairistes désireux de générer un maximum de profit. Cette réalité économique ne s’efface jamais vraiment de nos esprits durant la projection de ce divertissement ni totalement antipathique, ni franchement enthousiasmant.
Les ados comme cible
Il faut surtout avoir entre huit et dix-huit ans pour pleinement apprécier cette œuvre qui ne s’adresse à aucun moment à un public adulte. Pire, la leçon de morale sur le respect des femmes et des minorités – ici le frère gay de l’héroïne, dont la caractérisation outrancière fait pourtant appel aux pires clichés homophobes – vient nous rappeler que nous sommes bien à l’ère du politiquement correct institutionnalisé, peu importe si cela n’est aucunement crédible dans le contexte historique du film, à savoir la fin du 19ème siècle.
Sans être mauvais, Jungle Cruise pâtit donc d’une absence totale de prise de risques et d’un manque patent d’inspiration d’une équipe en mode automatique. Déjà oublié ?
Critique de Virgile Dumez