Suite tardive réussie, Beetlejuice Beetlejuice nous invite à un nouveau tour de train fantôme dans l’univers de Tim Burton. Si le résultat s’avère probant, on peut également trouver l’ensemble un peu vain.
Synopsis : Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail menant à l’Après-vie. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille…
Beetlejuice revient d’entre les morts
Critique : En 1988, Beetlejuice, deuxième long métrage de Tim Burton, connaît un joli succès en glanant 74 664 632 $ (soit l’équivalent de 198 670 000 $ au cours actuel du dollar). Il se situe à la 10ème place du box-office nord-américain de l’année et fait de son réalisateur un candidat sérieux pour tourner le premier Batman (1989), toujours avec Michael Keaton. En France, Beetlejuice a séduit 628 458 spectateurs durant la crise de fréquentation de la fin des années 80. On pouvait donc espérer une suite dans la foulée, mais rien ne s’est passé comme prévu.
En réalité, Beetlejuice 2 est un projet qui a été un véritable serpent de mer durant toute la décennie 90. Plusieurs scripts ont été financés, mais aucun n’a convaincu Tim Burton de venir revisiter son univers franchement barré. Or, ses acteurs ont toujours refusé l’idée d’une suite qui se ferait sans son maître d’œuvre initial. Il a donc fallu attendre la décennie 2010 pour que le projet refasse surface, avec un autre scénario qui ne semble pas satisfaire tout le monde. Là encore, les tractations et les refontes prennent plusieurs années.
De La famille Addams à Beetlejuice, il n’y a qu’un pas!
Finalement, ce sont les deux showrunner de la série Mercredi (spin-off de La famille Addams), Alfred Gough et Miles Millar qui remportent la timbale en signant le scénario de Beetlejuice Beetlejuice. Les deux compères sont parvenus à séduire à la fois Tim Burton, ses comédiens et les exécutifs de Warner qui ont mobilisé la jolie somme de 100 millions de dollars pour célébrer les 36 ans du premier long métrage.
Dès le début, le spectateur est en terrain connu puisque Tim Burton livre une entrée en matière typique de son œuvre. Sa caméra virevolte au-dessus d’un paysage factice qui ressemble fort à une maquette, tandis que le célèbre thème musical de Danny Elfman retentit. Plus qu’une marque de fabrique, il s’agit d’une signature stylistique immédiatement reconnaissable. Ensuite, le réalisateur déroule les entrelacs d’une intrigue tortueuse qui donne parfois l’impression de se disperser, mais qui finit par retomber sur ses pattes lorsque tous les éléments s’imbriquent dans les derniers instants. Au passage, le réalisateur revisite avec une certaine jubilation un univers qu’il a largement contribué à créer. Si les scènes dans le monde réel sont correctes, mais marquées par un jeu outré des acteurs – ce qui était déjà le cas dans le premier film – ce sont les séquences dans le monde des morts qui fascinent davantage.
Un vibrant hommage au cinéma gothique des origines
Le réalisateur s’amuse à bombarder le cinéphile de références. Avec ses décors calqués sur ceux du Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1920), le manifeste du cinéma expressionniste allemand, la femme de Beetlejuice (séduisante Monica Bellucci) qui est un dérivé de La fiancée de Frankenstein (James Whale, 1935), tout est bon pour citer les grands classiques qui ont bercé l’enfance du cinéaste. Enfin, il nous enchante avec une scène de flashback entièrement tournée en noir et blanc et doublée en italien, référence évidente au Masque du démon (Mario Bava, 1960) qui fut l’acte de naissance du gothique transalpin. Tim Burton n’a donc pas changé et demeure un amoureux fou de ce cinéma fantastique qu’il n’a cessé de célébrer au cours de son inégale carrière. Il le fait avec déférence, mais non sans humour.
Effectivement, si le spectateur doit à nouveau se familiariser avec un jeu d’acteur proche du cabotinage, Beetlejuice Beetlejuice fonctionne plutôt bien et provoque fréquemment le rire grâce à l’humour noir distillé par un script malin. Dans ce grand déballage, le cinéaste multiplie les références au premier opus, mais permet à ceux qui ne l’auraient pas vu depuis des lustres de s’accrocher au wagon. Il parvient à créer des personnages d’adolescents pas trop crispants (Jenna Ortega s’en sort plutôt bien dans le rôle pourtant très cliché de l’ado rebelle) et nous amuse avec ses caricatures largement assumées. Ainsi, Catherine O’Hara compose une mère toujours aussi autocentrée, tandis que Winona Ryder interprète une médium traumatisée avec autorité. Bien entendu, Michael Keaton retrouve son personnage culte de Beetlejuice, son maquillage lui permettant de donner le change. Ainsi, il a l’air de n’avoir pas pris une ride, tandis que son jeu expressionniste s’accorde parfaitement avec le personnage.
Beetlejuice Beetlejuice se visite comme un musée, mais manque de personnalité propre
Comme dans le premier film, Tim Burton fait intervenir un serpent des sables (référence évidente au Dune de Frank Herbert) qui nous régale et termine son film par une séquence musicale délirante portée par la chanson kitsch MacArthur Park (1968) chantée par Richard Harris. Ces éléments fonctionnent parfaitement, ainsi que l’ajout plus original d’un bébé Beetlejuice ou encore d’une séquence animée en pate à modeler.
Plutôt drôle et très efficace, Beetlejuice Beetlejuice constitue donc une suite réussie qui parvient à conserver l’imagerie du premier opus. Toutefois, on peut se poser la question de l’apport réel d’un tel film par rapport à son prédécesseur. Tim Burton nous invite à un nouveau tour de train fantôme au cœur de son univers bigarré et bardé de références, mais qu’a-t-il de réellement nouveau à nous proposer ? On ressort donc de la projection avec la sensation que l’artiste de 66 ans est décidément frappé du syndrome de Peter Pan, refusant désespérément de grandir et d’évoluer.
Un démarrage canon au box-office
En tout cas, cette suite que plus personne ne semblait attendre constitue un retour en force pour celui qui n’avait pas réalisé de film depuis son sympathique, mais dispensable Dumbo (2019). Effectivement, en seulement trois jours d’exploitation, Beetlejuice Beetlejuice a déjà rapporté 111 000 000 $ rien qu’en Amérique du Nord. Même en France, le long métrage démarre en trombe, ce qui lui permettra de largement dépasser son prédécesseur. Preuve s’il en est du souvenir encore prégnant du premier volet dans la mémoire collective.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 11 septembre 2024
Biographies +
Tim Burton, Willem Dafoe, Monica Bellucci, Danny DeVito, Michael Keaton, Justin Theroux, Santiago Cabrera, Winona Ryder, Jenna Ortega, Catherine O’Hara
Mots clés
Cinéma américain, Cinéma gothique, Cinéma fantastique, La famille au cinéma